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L'absurdité et la contre-productivité de l'Identity politics

Un département de ressources humaines universitaire qui dit à ses employés de ne plus utiliser le mot « homme », des étudiants qui exigent qu'on décolonise l'enseignement de l'histoire de la poésie et mon favori, des féministes qui luttent pour que l'écart orgasmique entre hommes et femmes cesse.
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L'identity politics mise sur la division et la lutte constante, aussi loufoque que soit cette lutte.
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L'identity politics mise sur la division et la lutte constante, aussi loufoque que soit cette lutte.

Avant de commencer l'écriture de cette chronique, qui est la continuation de celle que j'ai précédemment écrite, je fais un bref rappel de ce qu'est le postmodernisme philosophique.

Nous vivons à une époque postmoderne. Un nouvel âge intellectuel. Du moins, c'est ce que l'on nous dit. Le terme « post-moderne » situe ce mouvement historiquement et philosophiquement contre la modernité, c'est-à-dire contre la période précédente (grosso modo, celle-ci finit dans les années 60). Les intellectuels les plus connus ayant donnés naissance au postmodernisme philosophique sont les suivants : Michel Foucault, Jacques Derrida, Jean-François Lyotard, Andrea Dworkin, Catharine MacKinnon, Frank Lentricchia et Jacques Lacan. Pour Lentricchia et les postmodernistes, la tâche des professeurs est d'aider les étudiants à confronter les horreurs politiques de notre époque. Ces horreurs se retrouvent principalement dans les sociétés capitalistes occidentales. Ils sont le fait des hommes, des blancs et des riches qui utilisent leur pouvoir, leurs privilèges, pour opprimer les femmes, les groupes minoritaires et les pauvres. L'identity politics dont je vais parler plus bas est en bonne partie le fruit du postmodernisme philosophique.

Place à la chronique maintenant.

À la fin des années 80, l'étude de l'histoire des noirs, l'étude de l'histoire des femmes et de l'histoire féministe, l'étude de l'histoire des homosexuels et des lesbiennes, bref, toutes les études des minorités ethniques et sexuelles changent de trajectoire. La recherche historique maintenant proposée devient extrêmement partisane et met l'accent sur l'intérêt de leur groupe avant toute autre considération.

Au même moment, ces groupes condamnent l'histoire écrite jusqu'à maintenant, l'accusant d'être trop blanche, masculine, hétérosexuelle, eurocentrique et contribuant à perpétuer le discours des élites culturellement dominantes. Des accusations qui ne sont pas sans fondement aucun, précisons-le. Mais le problème majeur de ces nouveaux champs de recherche se trouve ailleurs : pour ces groupes, le discours historique devrait principalement servir à démarginaliser et à redonner le pouvoir. À redonner le pouvoir à qui ? Aux groupes minoritaires qu'ils prétendent représenter.

Ironiquement, ces groupes deviennent dès lors ce qu'ils tentaient de combattre.

Ironiquement, ces groupes deviennent dès lors ce qu'ils tentaient de combattre. Et pour eux, la seule différence entre des visions historiques différentes se joue sur le terrain de la politique et de la morale. C'est-à-dire qu'ils se foutent bien qu'une vision historique soit précise et même dans certains cas, qu'elle soit basée sur des données empiriques vérifiables comme en témoigne cet ouvrage critique parce que de toute manière, le passé nous est impossible à reconstituer puisque le savoir et la vérité ne sont que les produits du pouvoir.

De toute évidence, ou plutôt ce qui se devait d'être une évidence pour tous et toutes, de multiples groupes créant leur propre histoire dans le but avoué de (re)bâtir leurs identités a des implications fort problématiques. Comme le note l'historienne Laura Lee Downs, « The politics of identity, feminist and otherwise, rests on a disturbing epistemological ground, in which the group's fragile unity, rooted in an emergent sense of identity as an oppressed other, is shielded from white male colonization by asserting the inaccessibility of one's experience. Only those who share the group identity and have lived its experience, whether seen as biologically given or socially constructed, can know what it means to be black, a woman, blue-collar, or ethnic, in an America constructed as white, Anglo-Saxon and Protestant » (Source: p. 416).

Si l'on suit cette logique, aucun de ces groupes ne devrait pouvoir écrire l'histoire des hommes blancs, anglo-saxons et protestants puisqu'ils n'ont jamais marché dans leurs souliers. L'implication ultime de cette vision du monde est que personne ne peut connaître autre chose que sa propre identité corporelle. L'expérience seule détermine la vérité. Et il n'existe aucune vérité universelle, que des vérités particulières, relatives à certains groupes spécifiques. L'identity politics dans toute sa splendeur...

L'identity politics mise sur la division et la lutte constante, aussi loufoque que soit cette lutte.

Je pourrais multiplier les exemples de l'identity politics par centaines, mais j'en ai choisi trois au sein des universités et de l'espace public pour que le lecteur ou la lectrice puisse voir l'absurdité et la contre-productivité de la chose. Un département de ressources humaines universitaire qui dit à ses employés de ne plus utiliser le mot « homme », des étudiants qui exigent qu'on décolonise l'enseignement de l'histoire de la poésie et mon favori, des féministes qui luttent pour que l'écart orgasmique entre hommes et femmes cesse. Bref, l'identity politics mise sur la division et la lutte constante, aussi loufoque que soit cette lutte.

Les bases épistémologiques du postmodernisme philosophique sont un véritable ouroboros, un serpent qui se mord lui-même la queue.

Mais le plus risible reste les historiens se réclamant du postmodernisme qui pensent écrire et parler « au nom des opprimés ». Prenons l'exemple des vagabonds et des criminels. Est-ce que ceux et celles qui écrivent sur les clochards l'ont déjà eux-mêmes été ? Sont-ils déjà allés braquer une banque à main armée ? Les bases épistémologiques du postmodernisme philosophique sont un véritable ouroboros, un serpent qui se mord lui-même la queue.

De plus, en sachant que la recherche et la production historiques des quarante, cinquante dernières années qui porte sur « les perdants de l'histoire » a connu une hausse fulgurante en Europe de l'Ouest et aux États-Unis, comparativement à celle des « gagnants de l'histoire », c'est-à-dire les hommes blancs hétérosexuels, nous sommes en droit de se demander sur quelle planète vivent les historiens se réclamant du postmodernisme lorsqu'ils militent pour redécouvrir cette histoire des perdants.

Pour les gens qui veulent voir en partie ce que donne la recherche universitaire héritière du postmodernisme philosophique, et bien se marrer en même temps, ce compte Twitter est une mine d'or.

* Sources principales utilisées : Evans, p. 197, 211 à 213. Stephen R.C. Hicks, p. 1 à 7.

Avril 2018

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