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La science et le politique

L'étude de l'IRIS sur la charge fiscale des Québécois cherchait à déboulonner un mythe entourant le sujet. Malheureusement, par les réactions qu'elle a suscitées, elle en a fait ressortir un autre, grave: la science (les instituts de recherche, les experts, les journalistes?) serait «neutre».
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over the shoulder view of a man ...
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L'étude de l'IRIS sur la charge fiscale des Québécois cherchait à déboulonner un mythe entourant le sujet. Malheureusement, par les réactions qu'elle a suscitées, elle en a fait ressortir un autre, grave: la science (les instituts de recherche, les experts, les journalistes?) serait «neutre».

À l'inverse de ce qu'indiquent divers articles de journaux et plusieurs commentaires de lecteurs et d'auditeurs, donc, ce qui est le plus scandaleux n'est pas la recherche elle-même, sa méthodologie ou sa péroraison. C'est bien plus la lecture que les gens en font, les conclusions qu'ils prétendent qu'elle tire, et le statut qu'ils veulent pouvoir et croient devoir accorder à ses auteurs.

D'abord, l'étude de l'IRIS ne revendique pas de manière positive une conclusion pour l'ensemble du Québec. Au contraire, elle réfute cette prétention aux autres recherches sur le sujet. Selon l'institut, il n'est pas justifié pour les autres études de généraliser pour tout le Québec et d'inférer que c'est l'endroit où on paye le plus d'impôts au monde.

Certes, ce on, nous dit l'étude, s'il représente une minorité de gens, en particulier «les personnes vivant seules et ayant un salaire élevé», paiera ici une part plus élevée d'impôts qu'ailleurs. Dans ce cas-ci, «le Québec se démarque significativement du Canada et des États-Unis» avec une imposition plus forte. Par contre, si ce on représente la majorité de la population, plus de 50 % de celle-ci (soit les individus ou les ménages avec ou sans enfants dont le revenu est près ou inférieur à la médiane), il paie soit autant, soit moins d'impôts qu'ailleurs au Canada et qu'aux États-Unis. Les auteurs de l'étude font le pari qu'il est plus représentatif de parler de plus de 50 % des membres d'une population plutôt que d'une minorité.

Puis, surtout, certaines critiques à l'endroit de l'étude remettent en question le bien-fondé d'accorder attention et diffusion à un tel institut «bancal» et «partial». Le qualificatif de «bancal» semble être justifié par cette «partialité», en fait. On peut s'inquiéter et se réjouir de telles remarques. C'est alarmant de savoir qu'on puisse croire en la neutralité d'une position d'experts, mais c'est rassurant qu'on sache - parfois, ici - déceler son parti pris. Une recherche (comme un article journalistique, comme un commentaire d'un lecteur !) sera toujours partielle et partiale, que ce soit dans ses recommandations, ses conclusions, sa méthodologie, son échantillon, sa question, ou simplement dans le choix de son sujet.

Donc, qu'il s'agisse d'une étude de l'OCDE, de l'Institut Économique de Montréal ou de l'institut Fraser, ou d'un reportage de notre chaîne de télé favorite ou d'un article de notre journaliste préféré, leurs propos seront eux aussi, «partiaux», «biaisés». Peut-être que certaines études ou certains articles paraissent plus «neutres», ou plus «légitimes». Mais c'est probablement le cas si on est plus habitué à entendre leur point de vue ; celui-ci paraît alors plus «crédible» parce que mieux inscrit dans le cours usuel de la pensée à laquelle on est généralement exposé. Aussi, la partialité dans ce qui nous est familier est tout aussi présente (et souvent invisible) que la véracité dans ce qui nous est étranger.

Enfin, il devient fallacieux de penser la «neutralité scientifique», et le recours à la science pour déterminer le politique devient douteux. Sachant cela, reste à chacun de savoir séparer le bon grain de l'ivraie. Et à chacun de décider à quoi s'en remettre pour se faire une idée. Savoir que le taux d'imposition des plus riches au Québec a diminué au cours des dernières années ne justifie pas en soit qu'on l'augmente, tout comme savoir que celui-ci est moins élevé aux États-Unis et ailleurs au Canada ne justifie qu'on le baisse. Le choix est libre et entier, et son fondement réside ailleurs.

VOIR AUSSI

10. Bernard Arnault

Les plus riches (Forbes, 2013)

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