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La laïcité de l'état, vue sous l'angle du paradoxe des divinités probabilistes

Les États se définissent eux-mêmes par leurs Constitutions et Chartes. Ils choisissent d'y inclure des références à une divinité ou non.
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Mon dernier billet nous a menés à conclure que la probabilité de véracité d'une religion se situe entre 1/20 et 1/10000, ce qui est très petit.

Avant d'utiliser ce résultat et d'appliquer le paradoxe des divinités probabilistes à l'analyse de la question de la laïcité de l'État en général, nous allons examiner la notion du sérieux comme prérequis à l'action de l'État.

Le sérieux comme condition nécessaire à l'action de l'État

On s'attend de l'État à ce qu'il ne s'occupe que des demandes et enjeux qui ont un fondement sérieux. J'utilise le mot sérieux au sens contraire de frivole.

Que faut-il pour que l'État juge qu'une demande est sérieuse? Il faut entre autres que cette demande soit basée sur des faits incontestables, véridiques. En d'autres mots, il faut que sa probabilité de véracité soit égale à 1. L'État en fait une condition nécessaire à toute action de sa part.

Si la probabilité de véracité n'est pas de 1, l'État refusera de donner suite à la demande ou demandera des éclaircissements de façon à ce que tout doute raisonnable étant écarté, on puisse considérer cette probabilité comme étant suffisamment proche de 1. L'exemple des demandes de passeport que nous avons abordé dans mon analyse du paradoxe des divinités probabilistes correspond à une demande dont la probabilité de véracité est égale à 1/3. Sur une échelle de probabilités allant de 0 à 1, cette valeur est nettement plus petite que 1. En conséquence, la demande ne pouvait être que rejetée.

Vous souhaitez voir un exemple concret? Ici, je suis conscient du risque que je fais courir à ma cause en ayant recours à un exemple absurde. Mais le fait d'avoir recours à un exemple extrême n'est-il pas un bon moyen de fixer les idées? Il suffit d'examiner l'affaire du pastafarisme et des photos de permis de conduire pour constater qu'en pratique, l'État ne fait pas de concession quant au sérieux des demandes qu'il traite.

Le pastafarisme est un mouvement récent, qui déclare que ses adeptes vénèrent un dieu nommé le Monstre de spaghetti volant. Ce mouvement est apparu il y a quelques années et il comporte tous les éléments d'une religion classique, avec divinité, rites, livre sacré, signes distinctifs, etc. Mais ce mouvement a pour essence même le fait d'être semblable en tout point à une religion, tout en s'assurant de ne pas en être une en raison du caractère loufoque qu'il donne à ses préceptes. Le pastafarisme a été conçu non pas comme un moyen de s'opposer aux religions, mais comme un moyen de contrer les inepties du créationnisme. Les outils à la disposition du pastafarisme : l'ironie et la satire. La fausseté du pastafarisme était voulue et avouée.

Pour en revenir à notre exemple concret, une pastafarienne avait demandé la permission de porter un signe distinctif du pastafarisme au moment de la prise de photo pour son permis de conduire. Le signe en question est un couvre-chef pastafarien : une passoire à spaghetti. Elle demandait un accommodement raisonnable en vertu de ses convictions religieuses, ce qui lui fut refusé en raison de la frivolité de sa demande.

L'affaire s'est retrouvée en cour. La pastafarienne a été déboutée au motif que sa demande était « sans fondement et abusive ». La Cour concluait qu'il y a une contradiction insurmontable entre la véritable nature du pastafarisme et ses affirmations. Autrement dit, la probabilité de véracité du pastafarisme est microscopiquement près de 0 en raison d'un manque de cohérence entre ses prétentions (pseudo-religieuses) et sa nature objective. Voilà pour l'exemple concret de la façon dont l'État doit traiter des questions frivoles.

La laïcité de l'État

Les États se définissent eux-mêmes par leurs Constitutions et Chartes. Ils choisissent d'y inclure des références à une divinité ou non. S'ils le font, par souci d'égalité pour les citoyens ils devront le faire pour toutes les divinités possibles. Ce faisant, ils devront admettre que le paradoxe des divinités probabilistes est pertinent, que ce soit sous sa forme résolu ou non.

Examinons le cas des religions qui ne résolvent pas le paradoxe des divinités probabilistes. Nous avons vu que la probabilité de véracité de ces religions se situe entre 1/20 et 1/10000. Sur une échelle de 0 à 1, cela se situe incontestablement sous la valeur repère de 1. Cela ne peut qu'obliger l'État à douter du caractère sérieux - au sens où nous l'avons défini à la section précédente - de ces organismes. L'État peut-il cautionner des organismes dont les fondements sont en manque de sérieux? Non.

En outre, l'État devra admettre qu'il donne son aval à des religions qui elles, résolvent le paradoxe. C'est notamment le cas du bahaïsme ; il y a peut-être d'autres cas semblables, mais je n'en sais rien. Et implicitement, l'État admettra, comme l'indique le paradoxe des divinités probabilistes, qu'il cautionne des institutions dont la divinité, autrement dit la raison d'être, n'est pas bienveillante envers les citoyens. Est-ce acceptable ? Puisqu'il vaut mieux être explicite, je précise que ce ne l'est pas.

La seule attitude acceptable en est une où l'État déclare à la fois sa neutralité eu égard aux religions et son refus de donner son aval à des choses dont le sérieux (tel que défini ci-dessus) peut être mis en doute.

La seule attitude acceptable en est une où l'État déclare à la fois sa neutralité eu égard aux religions et son refus de donner son aval à des choses dont le sérieux (tel que défini ci-dessus) peut être mis en doute. En d'autres mots, pour un État moderne, au service de tous les citoyens, la laïcité totale est d'abord et avant tout une question de cohérence et de logique. C'est une nécessité, beaucoup plus qu'un choix politique.

Le paradoxe des divinités probabilistes, qui ne se base que sur des énoncés religieux, mène à la conclusion que pour un État moderne, la laïcité est d'abord et avant tout une nécessité imposée par son obligation d'être cohérent.

Dans le prochain billet, nous aborderons des enjeux plus précis, tels que le port de signes religieux lorsqu'au service de l'État, le statut confessionnel de l'école, les accommodements religieux et le statut fiscal des religions.

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Mai 2017

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