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La «guerre-monde», un concept braudélien pour penser un conflit global

À Londres, pendant la Seconde Guerre mondiale, y compris durant le Blitz, une pianiste britannique de confession juive, Myra Hess, donnait un concert quotidien à la. Aux pires heures du conflit, la culture contribuait à soutenir le moral du peuple.
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Captivé par des spécialistes de premier plan, le lecteur a néanmoins toute liberté pour se frayer un parcours personnel dans les quelque 2500 pages de La guerre-monde. S'il le souhaite, en dépit de l'orientation mondialiste de l'ouvrage, il pourra naturellement privilégier certains chapitres consacrés à l'Europe.

Les contributions sur la Grande-Bretagne sont d'actualité, car la mémoire de Winston Churchill (1874-1965) est célébrée cette année, à l'occasion du cinquantième anniversaire de sa mort. Le Musée de l'Armée consacre, d'ailleurs, une exposition au destin de cet homme politique exceptionnel qui, à partir de l'été 1940, a œuvré conjointement avec le général de Gaulle pour libérer le monde de l'occupation nazie.

L'exposition est stimulante, car elle reconnaît l'importance du facteur individuel dans le devenir historique et souligne les aléas d'une amitié façonnée par des circonstances tragiques. Jamais encore une initiative officielle n'avait hissé l'action des deux chefs de guerre au même niveau d'importance.

Dans ses mémoires, de Gaulle rappelle le soutien de Churchill après l'effondrement de l'armée française, dès son arrivée à Londres le 17 juin 1940:

"Quant à moi, je n'étais rien au départ... Naufragé de la désolation sur les rivages de l'Angleterre qu'aurais-je pu faire sans son concours? Il me le donna tout de suite."

Dans un chapitre consacré à la défaite de la France, Robert Frank revenant sur nombre d'idées reçues, explique que le désastre militaire de juin 1940 n'a pas tenu à une préparation insuffisante de la nation, mais plutôt à une incapacité intellectuelle à déployer habilement l'armement massivement fabriqué dès 1938.

L'historien évoque la formule ironique du général Delestraint qui opposait la stratégie offensive de l'Allemagne reposant sur "trois paquets de mille chars" à la stratégie défensive de la France dépendant de "mille paquets de trois chars".

Après la défaite, le général de Gaulle avait rapidement gagné Londres pour diffuser à la radio, le 18 juin, un premier appel à la Résistance qui, contrairement à ce qu'on croit souvent, n'a pas été enregistré.

Churchill et de Gaulle ont parfois été proches de la rupture, notamment au moment de l'entrée en guerre des É.-U., mais en dépit de crises passagères, ils ont tenu à mener ensemble, jusqu'à son terme, leur combat pour la liberté. Aux Invalides, on peut observer les originaux des courriers échangés par les deux compagnons, qui attestent de leur admiration réciproque.

L'exposition, coproduite par la Fondation Charles de Gaulle, est un événement aussi par la place qu'elle accorde au SOE. Dans une vidéo, Jean-Louis Crémieux Brilhac, historien de la France Libre récemment disparu, souligne le rôle décisif du SOE (Special Operations Executive), service clandestin créé sous l'impulsion de Churchill en 1940. Ce service secret avait pour mission de former des agents, d'organiser des sabotages, de soutenir la Résistance intérieure et de la doter en armes.

Selon l'expression de Churchill, le SOE devait "mettre le feu à l'Europe". Or, en France, après-guerre, principalement sous la pression des Gaullistes, le rôle du SOE a été minoré. Pourtant la section RF du SOE agissait en concertation avec le BCRA, service de renseignement et de contre-espionnage de la France Libre, dirigé par André Dewavrin, pour multiplier les actions subversives, qui ont été décisives au moment du débarquement en Normandie.

Choqué par l'ingratitude des Français envers les agents du SOE, Jean-Louis Crémieux-Brilhac a usé de son influence d'ancien Résistant afin que soit publié en France, après une interdiction de cinquante ans, Des Anglais dans la Résistance, le livre de son ami Michael Foot, publié en Grande Bretagne depuis 1966.

Des Anglais dans la Résistance, ouvrage historique fondé sur des archives, est aussi palpitant qu'un roman d'espionnage! Michael Foot y trace le portrait d'hommes et de femmes, souvent franco-britanniques, héros au risque de leur vie d'aventures haletantes.

D'après Michael Foot, dans les combats pour la Libération, le soutien du SOE à la Résistance française a été primordial. Comme pour confirmer sa thèse, l'exposition Churchill/de Gaulle renseigne ses visiteurs sur l'ingéniosité des ingénieurs du SOE. On peut y observer un poste émetteur miniature, de même qu'un caillou ou un faux crottin de cheval piégé !

Soixante-dix ans après la capitulation de l'Allemagne face aux Alliés, l'histoire de la période est encore un chantier dont les zones d'ombre s'éclairent progressivement, grâce à la persévérance de chercheurs de toutes les nationalités et de spécialistes de disciplines variées.

Bibliographie:

1937-1947, La guerre-monde, deux tomes inédits parus sous la direction d'Alya Aglan et de Robert Frank, collection Folio histoire, 2015.

Des Anglais dans la Résistance, le service secret britannique d'action (SOE) en France 1940-1944 de Michael R.D. Foot, préface de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, traduit de l'anglais par Rachel Bouyssou, éditions Tallandier, collection Texto, 2011.

Agent secret de Churchill de Bob Maloubier, préface de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, éditions Tallandier, collection Texto, 2015.

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