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La dernière lettre d'Olivier Voisin, le photographe français mort de ses blessures syriennes

Le photographe français Olivier Voisin vient de mourir dans l'hôpital turc dans lequel il était hospitalisé dans un état critique. Il avait reçu vendredi à la tête et au bras droit plusieurs éclats d'obus, en Syrie, dans la région d'Idlib. C'était un personnage adorable et touchant, et de grand talent. Il prenait des risques considérables, parce qu'il aimait ça mais aussi par nécessité.
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AFP

Le photographe français Olivier Voisin vient de mourir dans l'hôpital turc dans lequel il était hospitalisé dans un état critique. Il avait reçu vendredi à la tête et au bras droit plusieurs éclats d'obus, en Syrie, dans la région d'Idlib. C'était un personnage adorable et touchant, et de grand talent. Il prenait des risques considérables, parce qu'il aimait ça mais aussi par nécessité.

Indépendant, il devait sans cesse fournir des photos aux agences pour pouvoir vivre de son métier. Cette pression économique le tenaillait. Il prenait des photos magnifiques, qui souvent n'intéressaient pas les agences, pas assez «news» sans doute, et qu'il ne cherchait guère à faire connaître, happé qu'il était par les conflits qu'il couvrait, pensant déjà à son prochain reportage. On voit certaines de ses photos sur son site web. En Libye, où nous avions brièvement travaillé ensemble, il avait fait cette photo (cliquez ici, c'est la dernière en bas à droite), l'une des plus fortes photos de guerre que j'ai jamais vues... Des photos comme celle-là, il en avait bien d'autres, stockées sur l'ordinateur qu'il trimbalait de chambres d'hôtels en bivouacs.

Actualisation : A la demande de membres de la famille d'Olivier Voisin qui ne tiennent pas à ce que sa lettre soit diffusée, je la retire de mon blog. Cet email avait été initialement envoyé à une amie journaliste italienne qui l'avait publié sur Facebook. Nous avions, de concert, estimé que cette lettre méritait d'être connue du public et qu'elle honorait la mémoire d'Olivier. Nous respectons bien sûr la demande de sa famille et sa douleur.

Dans ce long message, envoyé la veille du jour où il fut mortellement blessé, il racontait ses dernières journées dans les environs d'Idlib, dans le Nord de la Syrie, en compagnie d'une katiba d'opposants au pouvoir de Damas, la violence omniprésente, la barbarie aveugle du régime et de ses canons, les combats sporadiques, l'attente, ses doutes, la difficulté de son métier et de son statut de freelance, sa peur et sa détermination, le froid, le fanatisme religieux gangrénant les esprits, le drame de cette guerre aux allures de guerre civile et qui n'en finit pas...

Outre le remarquable témoignage qu'il offrait sur le conflit syrien, décrivant notamment à quel point la situation militaire lui semblait figée, prévoyant que l'après Bachar serait très difficile et peut-être sanglant, j'avais été frappé de retrouver, à travers ces lignes, l'Olivier que j'avais connu, le temps d'un reportage commun dans l'Est libyen en mai 2011: une âme d'artiste sous le photoreporter, un photographe saisi par ce sentiment particulier, et grisant, que suscite le danger, conscient des risques immenses qu'il prenait, conscient du plaisir qu'il avait à exercer ce métier dangereux, conscient de raconter, à travers ses photos, toute l'horreur des guerres qu'il couvrait, en fantassin inconnu de l'information.

À défaut donc de citer cette lettre, je voudrais simplement dire qu'il la concluait, la veille donc de recevoir cet éclat d'obus à la tête, en disant que plus que jamais la prière des paras lui venait à l'esprit. Cette prière, la voici: "Mon Dieu, donne moi ce que les autres ne veulent pas, donne moi la bagarre et la tourmente, je Te le demande ce soir car demain je n'en aurais plus le courage".

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