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La CAQ et les étudiants étrangers: un faux sentiment d’invincibilité?

C’est cette fausse impression qu’elle est toujours au diapason de la population sur tous les sujets qui pourrait éventuellement sortir la CAQ de sa lune de miel.
Point de presse du 5 novembre 2019
Assemblée Nationale du Québec
Point de presse du 5 novembre 2019

«Les Québécois ne s’attendent pas à ce que l’on soit parfait, ils s’attendent à ce qu’on les écoute, puis qu’on fasse de notre mieux, qu’on s’améliore, qu’on se retrousse les manches pour les aider. On a le droit de faire des erreurs.»

Ça, c’était les mots prononcés par le premier ministre François Legault en octobre 2018. Mais est-ce que cette «nouvelle» façon de faire de la politique était réelle ou dans le but de gagner des appuis? La réforme du Programme d’expérience québécoise annoncée par la CAQ et le recul de ce matin nous donnent une partie de la réponse.

Proche des gens, quand ils pensent comme nous

En entrevue au Téléjournal 18h, le recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton, a résumé la situation de manière très limpide.

À la suite des changements effectués par la CAQ, «des 2000 nouveaux étudiants internationaux à l’Université de Montréal, il n’y en a que 200 qui se qualifient. 90% de ces étudiants-là ne se qualifient plus [...] Les Ubisoft, Microsoft, Moment Factory, et les compagnies qui viennent ici et recrutent de nos étudiants n’engagent pas juste des informaticiens. Ils engagent des gens en littérature médiévale, en histoire, en art dramatique [...] le domaine culturel est exclu.»

Bref, ils ne pourront plus recevoir un traitement accéléré pour rester au Québec une fois leur diplôme en poche. C’est un exemple, mais il y en avait d’autres.

Lorsque les sondages sont positifs, les politiciens développent un sentiment d’invincibilité. Ils croient que leurs décisions sont toujours les meilleures, même si elles peuvent manquer cruellement de logique, d’humanité et d’équité. Que les oppositions sont trop faibles pour être considérées comme des acteurs crédibles. Que les reportages négatifs des médias ne viendront pas affecter la perception de la population à leur égard parce qu’après tout, elle a voté pour eux.

Lorsqu’ils reculent sur une mesure proposée, c’est souvent grâce à la pression populaire et à un effort coordonné et très efficace des partis d’opposition. Sans ces efforts, un gouvernement ne pense jamais qu’il a tort, parce qu’il croit que ses intentions sont «nobles».

C’est cette fausse impression qu’elle est toujours au diapason de la population sur tous les sujets qui pourrait éventuellement sortir la CAQ de sa lune de miel et la retourner sur la terre ferme.

Jolin-Barrette égratigne la marque de commerce de François Legault

M. Legault s’est présenté comme un premier ministre proche des gens. Il l’a démontré à quelques reprises. Je crois que cette posture est sincère, mais qu’elle est parfois guidée par un désir obsessionnel d’être l’opposé de son prédécesseur qu’il avait si habilement affublé des pires adjectifs pour le déshumaniser.

Par sa réaction dénuée de sensibilité, le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, a montré une indifférence certaine face à la situation vécue par des milliers d’étudiants. On peut lui lancer la pierre sur le ton et le message transmis, mais rappelons-nous qu’un ministre ne sort jamais dans les médias sur un sujet aussi important sans avoir l’approbation du premier ministre ou de son entourage.

Un premier ministre économique?

La CAQ a hérité d’une situation financière jamais vue au Québec. Une économie qui roule à plein régime, des finances publiques en ordre (sans avoir eu à payer le prix politique des réformes) et la marge de manoeuvre pour réaliser ses projets.

Le défi du premier ministre Legault, c’est de convaincre la population qu’il peut apporter sa propre contribution à l’économie du Québec, au-delà de son profil d’homme d’affaires, sans qu’on lui rappelle que l’héritage qu’il lèguera est en grande partie attribuable aux actions menées par ses adversaires politiques qui lui ont donné tous les outils pour réussir.

L’un de ces chevaux de bataille pourrait être la pénurie de main-d’oeuvre, un enjeu réel vécu dans toutes les régions du Québec. Il est donc surprenant de constater que la CAQ a diminué les seuils d’immigration pour les remonter par la suite, a présenté des réformes qui ont eu pour effet de jeter aux poubelles 18 000 dossiers de gens qui voulaient s’établir au Québec et qu’elle s’est attaquée aux étudiants qui avaient le même objectif.

La solution de sortie de crise était pourtant simple depuis le début: les nouvelles règles qu’ils souhaitent mettre en place devraient s’appliquer pour les nouvelles demandes plutôt que de briser le contrat convenu avec des milliers d’étudiants déjà sur notre territoire.

Depuis un an, la CAQ trône au sommet des sondages, dans un contexte où deux des trois formations politiques dans l’opposition n’ont pas de chef. Malgré cela, il faut reconnaître que la CAQ a su lire l’électorat québécois et proposer un ton et un style qui plaisait à une majorité d’électeurs. Mais vous savez, il y a toujours un prix politique à payer lorsque l’on recule. Toutefois, en 2019, on devrait être capable de reculer pour permettre aux citoyens d’avancer.

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