Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.
Kim est assez futé pour comprendre qu'il n'a aucun intérêt à laisser le président Trump s'arroger le crédit de toute ouverture ou concession de sa part.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Les experts se demandent à juste titre s'il ne s'agit pas d'une manœuvre pour diminuer la pression sur le régime à l'aube d'un sommet éventuel avec le président américain.
Handout . / Reuters
Les experts se demandent à juste titre s'il ne s'agit pas d'une manœuvre pour diminuer la pression sur le régime à l'aube d'un sommet éventuel avec le président américain.

Dans mon premier blogue, l'an dernier, j'évoquais les conditions qui pourraient mener à une stabilisation dans la péninsule coréenne. En résumé, il s'agissait, au lieu de se cantonner derrière un refus de négocier avec la dictature nord-coréenne, de prendre sa propagande au pied de la lettre et d'engager un dialogue avec Pyongyang. Une première étape étant de sursoir, de part et d'autre, à la rhétorique belliqueuse et aux invectives enfantines. Ensuite, d'engager un dialogue sans condition autre qu'un moratoire sur les essais balistiques, les tests nucléaires et les exercices militaires. Il serait ainsi possible de faire baisser immédiatement les tensions et d'en venir éventuellement à une solution globale qui éliminerait la menace nord-coréenne et stabiliserait toute l'Asie de l'Est. » Et les quatre pays que je voyais comme essentiels à une résolution du conflit sont effectivement impliqués, laissant le Japon et la Russie sur la touche. Bref, les conditions évoquées ont été réunies pour l'essentiel au cours des dernières semaines.

On peut certes voir dans les diverses « concessions » annoncées par la Corée du Nord un geste de relation publique. On est en droit aussi de s'interroger sur le sérieux de ces concessions. En 2005, le régime avait déjà annoncé vouloir renoncer à l'arme atomique. De plus, le régime du pays du matin calme est connu pour sa longue liste de promesses non tenues.

Les experts se demandent à juste titre s'il ne s'agit pas d'une manœuvre pour diminuer la pression sur le régime à l'aube d'un sommet éventuel avec le président américain.

Une victoire diplomatique pour Kim avec l'aide de la Chine

Quoi qu'il en soit, peu importe les résultats concrets qui pourraient sortir d'un futur sommet Kim-Trump, la Corée du Nord a déjà remporté une importante victoire dans l'opinion publique. Qui plus est, le président américain confirme ce gain de Kim aux yeux du monde, sans s'en rendre compte, en louangeant lui-même celui qu'il dénonçait hier encore.

Kim est assez futé pour comprendre qu'il n'a aucun intérêt à laisser le président Trump s'arroger le crédit de toute ouverture ou concession de sa part. C'est déjà commencé. D'ailleurs, la Chine n'a pas plus intérêt que son voisin de voir les États-Unis prétendre au rôle de grand ordonnateur politique dans la région. C'est à cette lumière qu'il faut voir le sommet-surprise entre les présidents chinois et coréen, le mois dernier et les mouvements que l'on voit depuis.

Le Sommet des derniers jours, entre les deux Corées, doit aussi être vu sous cet angle. Les deux pays sont convenus de gérer eux-mêmes leur différend avec le moins possible d'interférence de Washington dont le potentiel de déstabilisation et de dérapage semble illimité sous la présidence actuelle. Leur déclaration indiquant qu'il n'y aurait jamais plus de guerre entre les deux pays et leur désir de signer un traité de paix désarme, au sens propre comme figuré, les États-Unis.

La preuve que tout ce qui se déroule actuellement échappe au contrôle du Président Trump est que lui-même n'a jamais cru au dialogue avec Pyongyang.

La preuve que tout ce qui se déroule actuellement échappe au contrôle du Président Trump est que lui-même n'a jamais cru au dialogue avec Pyongyang. Le semi-bluff du président, pigeon du poker diplomatique en cours, aura été appelé. M. Trump sera ainsi le joueur médusé d'une partie où Chine, Corée du Sud et Corée du Nord auront reconnu leur intérêt mutuel à neutraliser pour l'une le partenaire, pour les autres l'allié et l'ennemi commun.

Ainsi, après des mois d'insultes via son compte Twitter, si un Sommet Trump-Kim a lieu, il sera impossible pour le président américain de claironner, via son compte Twitter, que ses gros mots, ses menaces et son bâton diplomatique auront fait plier le leader nord-coréen. Toutes les concessions ayant alors été annoncées avant le sommet.

En outre, Kim Jong-un, ignoré par presque toute la planète, gagnera en légitimité du simple fait de la rencontre avec le président Trump. D'autres leaders feront la même chose et la Corée du Nord, que l'homme de la Maison-Blanche cherchait à isoler, se verra désenclaver diplomatiquement.

Un peu de cohérence SVP

Le président américain, qui dit vouloir que la Corée du Nord mette fin à son programme nucléaire et se débarrasse de ses armes atomiques, exprime des vues inacceptables sans contrepartie pour Pyongyang. Au même moment, le président Trump torpille l'accord survenu avec l'Iran. Même si ce dernier est loin d'être parfait, toutes les grandes puissances l'ont accepté et il offre une mesure de contrôle sur un pays encore plus déstabilisateur que la Corée du Nord. Rappelons qu'il aura fallu plus d'une décennie de négociations et de sanctions économiques et politiques pour faire plier les Ayatollahs.

Il est illusoire de penser qu'un accord avec la Corée du Nord pourrait survenir rapidement. Combien de temps faudra-t-il pour négocier un accord avec la Corée du Nord, elle aussi soumise depuis longtemps à un sévère régime de sanctions? Qu'offrir à ce pays, plus avancé que l'Iran tant du point de vue des armes nucléaires que de la balistique, pour lui faire renoncer à son seul atout face à Washington ? Et si M. Trump dénonce les sommes d'argent qu'il a fallu mettre dans l'accord iranien pour obtenir la signature de Téhéran, s'imagine-t-il qu'un accord avec Pyongyang ne viendrait pas avec un énorme prix ?

Le président américain aura fort à faire pour égaliser le score lors de son propre sommet avec Kim!

Voir aussi

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.