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Justin Trudeau dans la mire de Québec Fier

À l'approche des élections fédérales, le groupe de droite s'active sur Facebook. Mais aussi à l'extérieur du réseau social.
Sam Barnes via Getty Images

Après s’être immiscée dans la dernière campagne électorale québécoise en s’en prenant notamment aux libéraux de Philippe Couillard, Québec Fier fourbit maintenant ses armes contre le premier ministre canadien, Justin Trudeau. Ses meilleurs alliés? Ses quelque 33 000 abonnés sur sa page Facebook.

«On veut vraiment mettre Trudeau à la porte», lance d’emblée le directeur des communications de Québec Fier, Nicolas Gagnon.

L’organisation adresse de nombreuses critiques au chef libéral sur les réseaux sociaux: déficits accumulés sans plan précis de retour à l’équilibre budgétaire, ingérence dans les compétences du Québec, abandon de la réforme du mode de scrutin, pour ne nommer que ceux-là. Québec Fier reproche également à Justin Trudeau d’être fermé aux demandes de la province sur l’immigration et sur la déclaration de revenus unique.

Nationaliste, conservateur et populiste

Québec Fier a été fondée en juin 2018 par l’animateur de radio Éric Duhaime — qui a depuis pris ses distances de l’organisation — et des proches du Parti conservateur du Canada.

L’organisation, qui se dit nationaliste, conservatrice et populiste, s’inspire d’une autre page Facebook: «Ontario Proud » — «Ontario Fier» en français — favorable aux conservateurs du premier ministre ontarien, Doug Ford. «Oui, on a une approche populiste, mais on ne veut pas être populiste comme Trump ou Marine Le Pen», affirme Nicolas Gagnon. L’organisation décrit sa mission ainsi : «Notre objectif est la grandeur retrouvée. Notre but: un Québec fier!»

Bien que Québec Fier se dise non partisan, sa page Facebook partage régulièrement du contenu favorable au Parti conservateur du Canada. «La meilleure façon de bloquer les libéraux, c’est de voter conservateur», justifie le directeur des communications. Les positions de Québec Fier sont d’ailleurs alignées avec celles du parti d’Andrew Scheer: moins d’impôts, des budgets équilibrés, exploitation des hydrocarbures, opposition à la taxe carbone, pour une plus grande place au privé, entre autres.

«Facebook n’est que le début!»

L’organisation utilise sa page Facebook afin de diffuser son contenu auprès de ses abonnés. On y retrouve des articles, des sondages et des mèmes — des images qui tantôt ridiculisent Justin Trudeau tantôt encensent le Parti conservateur du Canada, notamment.

Capture d'écran Québec Fier/Facebook
Capture d'écran Québec Fier/Facebook

La portée de la page Facebook est d’ailleurs importante : certaines publications peuvent atteindre jusqu’à 1,8 million d’utilisateurs.

Mais l’organisation veut en faire plus que lors de la dernière campagne québécoise pour influencer le scrutin fédéral d’octobre 2019. «Facebook n’est que le début! On veut se lancer dans la création de contenu: des articles, des chroniques, des articles d’opinion», affirme le jeune directeur des communications.

Québec Fier compte également vendre sur son site web des objets promotionnels, comme des t-shirts avec le logo de Québec Fier et des autocollants pour voitures avec le slogan: «Un Québec Fort, un Québec FIER».

Les administrateurs de Québec Fier veulent mettre sur pied des comités dans différentes villes de la province pour faire du travail de terrain et aller à la rencontre des citoyens.

Le mouvement s’organise en ce moment pour grossir ses rangs. En plus de ses 33 000 abonnés sur Facebook, Québec Fier affirme avoir près de 10 000 membres officiels. Et l’organisation ne compte pas en rester là: «Notre équipe grossit chaque semaine, et nous continuons à contacter des donateurs en vue de l’élection à venir pour mener à bien nos sondages et la création de contenus», explique Nicolas Gagnon. C’est d’ailleurs grâce à des donations que l’organisation se finance.

Québec Fier assure vouloir demeurer un mouvement et ne pas avoir l’ambition de devenir un parti politique.

De nouvelles règles électorales

Québec Fier compte également faire des campagnes d’appels téléphoniques et d’envois de textos afin d’influencer le scrutin. Elle avait utilisé cette stratégie lors de la campagne électorale québécoise, ce qui lui avait valu bien des critiques. Le Directeur général des élections du Québec et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes avaient même dû étudier l’initiative. «Il n’y a pas eu de suite», assure Nicolas Gagnon. Il soutient que les règles seront respectées pour la prochaine campagne.

Rappelons que de nouveaux règlements électoraux entreront en vigueur le 13 juin. Ils obligeront les tiers qui dépenseront 500 $ ou plus pour des activités ou des publicités partisanes de s’enregistrer auprès d’Élections Canada. Également, une limite de dépenses de 1 023 400 $ est fixée pour la période pré-électorale qui débute le 30 juin, souligne Natasha Gauthier porte-parole pour Élections Canada. En période électorale, elle sera de 511 700 $.

Un risque pour la démocratie?

«Facebook s’en fiche de l’intérêt public. Il carbure à l’émotion», lance le professeur à l’École des médias de l’UQAM, Jean-Hugues Roy qui est préoccupé par ce genre de pages sur le média social. Il craint que l’apparition de telles pages n’entraîne un dépérissement du débat public.

Selon lui, le problème provient des algorithmes de Facebook qui cherche avant tout à présenter à ses utilisateurs du contenu qui confirme leurs idées. Les citoyens se retrouvent dans une sorte de chambre d’écho. C’est d’ailleurs de cette façon que se nomme le phénomène, explique le professeur Roy.

“Facebook s’en fiche de l’intérêt public. Il carbure à l’émotion.”

- Jean-Hugues Roy, professeur à l'École des médias de l'UQAM

«Plus on réagit à des contenus et plus Facebook va nous présenter des contenus similaires et cela ne permet pas un débat public sain», déplore-t-il.

«Le but premier de Facebook, ce n’est pas de nous informer, c’est de faire de l’argent. Et il en fait beaucoup.» Les revenus publicitaires de Facebook au Canada tourneraient autour de 3,6 milliards de dollars en 2018, selon le professeur.

Jean-Hugues Roy soutient que les pages Facebook comme Québec Fier ont une influence sur l’opinion publique puisque leurs contenus sont partagés par leurs abonnés. «On peut donc être contaminé par des publications de nos amis», explique-t-il.

Jean-Hugues Roy a tenté de mesurer l’influence de ce genre de pages Facebook. Son projet a toutefois avorté, car Facebook a refusé de lui donner accès aux données nécessaires pour sa recherche. «Je devais demander l’approbation de Facebook, mais ils ont refusé. Mon intuition c’est que l’information que j’aurais trouvée m’aurait permis de comprendre le fonctionnement de l’algorithme de Facebook», soutient-il. «C’est un très gros problème, pas juste pour les chercheurs, mais aussi pour la société, car on ne sait pas ce qui circule comme information», conclut-il.

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