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Ils s'engagent à ne pas avoir d'enfant en attendant des actions pour le climat

Près de 350 jeunes Canadiens ont signé le pacte «Pas d’avenir, pas d’enfant», exigeant des actions concrètes de la part des partis politiques.
Emma-Jane Burian, 17 ans, se tient devant l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique à Victoria, pendant une grève du vendredi pour le climat, en mai dernier.
Don Craig
Emma-Jane Burian, 17 ans, se tient devant l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique à Victoria, pendant une grève du vendredi pour le climat, en mai dernier.

Sophie Arseneault a toujours voulu des enfants. Mais la jeune femme de 18 ans songe aujourd’hui à faire une croix sur ce projet qu’elle a tant chéri pour une raison beaucoup plus importante: le sort de la planète.

«Quelle sorte de parents serions-nous si on choisissait d’offrir un futur incertain à nos enfants?» se demande-t-elle

L’étudiante en développement international à l’Université McGill, que le HuffPost Québec a joint par téléphone, n’a donc pas hésité une seconde à joindre le pacte mis sur pied par son amie ontarienne Emma Lim, «Pas d’avenir, pas d’enfant». Cette dernière fait aussi partie du groupe Grève pour le climat, derrière le mouvement étudiant de grève les vendredis (initié notamment par la militante suédoise Greta Thunberg).

Jusqu’à maintenant, en ce début de campagne électorale, près de 350 personnes ont signé ce pacte. Ils ont donc pris l’engagement de ne pas avoir d’enfant tant que le gouvernement canadien ne s’attaquera pas concrètement au problème des changements climatiques.

“Le moment n'a jamais été aussi propice pour s’attaquer au problème des changements climatiques.”

- Stephen Lewis

«Pour moi, personnellement, c’est une question de ressources naturelles et de santé, explique Sophie Arseneault. Si on continue de polluer nos océans, de construire des pipelines, d’augmenter nos émissions de dioxyde de carbone… ça va avoir des conséquences sur l’air que mes enfants devront respirer. Si on ne peut pas garantir que mon enfant puisse avoir accès à des ressources essentielles à son développement intellectuel ou physique, je préfère ne pas le mettre au monde.»

Le regroupement non partisan d’étudiants, de militants et de jeunes demande donc aux partis politiques de fixer des cibles de diminution de gaz à effet de serre et de légiférer en matière de droits environnementaux, tout en respectant ceux des Autochtones, et de s’enligner avec la science, selon Emma-Jane Burian, une jeune femme de 17 ans vivant à Victoria, en Colombie-Britannique, et qui a aussi signé ce pacte.

«Ce n’est plus une question de développer un plan ou des promesses, c’est le temps de réaliser celles qui ont déjà été faites, à Paris notamment, en 2015», ajoute Sophie Arseneault.

Sophie Arseneault, 18 ans, fait partie du mouvement Grève pour le climat Canada.
Courtoisie
Sophie Arseneault, 18 ans, fait partie du mouvement Grève pour le climat Canada.

Cette passion et cette détermination pour sauver la planète, les jeunes de Grève pour le climat la partagent notamment avec deux «têtes grisonnantes» autoproclamées qui n’ont plus rien à perdre. Le militant canadien pour l’environnement David Suzuki et l’ancien politicien et diplomate aux Nations unies Stephen Lewis se promènent actuellement dans le cadre de leur tournée «Climate First», exigeant des actions concrètes contre la crise environnementale, en pleine campagne électorale fédérale.

«Le moment n’a jamais été aussi propice pour s’attaquer au problème des changements climatiques.», a confié Stephen Lewis, lors d’une entrevue au HuffPost Canada, vendredi dernier.

«Les gens sont prêts à écouter et, nous l’espérons, à agir. C’est ce qui renforce la dynamique politique.»

Stephen Lewis et David Suzuki à l'Université de Toronto le 13 septembre dernier
Samantha Beattie/HuffPost Canada
Stephen Lewis et David Suzuki à l'Université de Toronto le 13 septembre dernier

David Suzuki se souvient lorsque le protocole de Kyoto a été ratifié en 2002 au Parlement, fixant des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Le premier ministre de l’époque, Paul Martin, «voulait vraiment faire quelque chose», mais se sentait politiquement restreint.

«Les enfant n’étaient tout simplement pas à l’ordre du jour parce qu’ils n’allaient pas être en âge de voter à la prochaine élection», affirme-t-il.

«Ce qu’on voit aujourd’hui, ce sont des enfants éduqués, qui réalisent que comme le démontrent les scientifiques, si nous ne faisons rien, nous n’avons pas d’avenir. Donc ils s’organisent et mettent [les changements climatiques] à l’ordre du jour.»

Cette tournée se veut non partisane, dans la mesure où David Suzuki et Stephen Lewis (qui a déjà été chef du NPD de l’Ontario dans les années 1970) considèrent que tous les partis politiques errent en la matière – certains plus que d’autres.

Des tuyaux de pipeline dans une installation de Trans Mountain près de Hope, en Colombie-Britannique.
CP
Des tuyaux de pipeline dans une installation de Trans Mountain près de Hope, en Colombie-Britannique.

La taxe sur le carbone de Justin Trudeau, par exemple, n’est pas suffisante pour renverser la vapeur, selon Stephen Lewis.

«Une taxe sur le carbone est un écran de fumée. On achète une compagnie de pétrole de l’autre main... Comment peut-on faire les deux?» se demande-t-il, faisant référence à l’achat du pipeline Trans Mountain par le gouvernement Trudeau.

La porte-parole de la campagne de Justin Trudeau, Eleanore Catenaro, assure que l’achat du pipeline garantira un meilleur prix pour le pétrole au Canada, et que le gouvernement fédéral utilisera «chaque dollar» ainsi gagné pour investir dans une «transition vers une énergie verte».

Les entreprises ont besoin de plus qu’une taxe sur le carbone, croit David Suzuki: des incitatifs pour opter pour des énergies renouvelable comme le solaire ou l’éolien seraient les bienvenus. Le gouvernement fédéral doit devenir un leader en aidant les travailleurs des secteurs du pétrole et du gaz à faire cette transition.

«C’est là-dedans que le gouvernement devrait mettre des sous», souligne-t-il.

«Nous devons amorcer la transition vers des énergies renouvelables, ajoute Stephen Lewis. Il faut dire: désolé les amis, le temps est venu de réaliser que l’industrie des combustibles fossiles n’est plus à la mode. C’est terminé. C’est pour cela qu’on milite.»

Le chef libéral Justin Trudeau, aux Nations unies, lors de la cérémonie pour l'Accord de Paris sur les changements climatiques.
Spencer Platt/Getty Images
Le chef libéral Justin Trudeau, aux Nations unies, lors de la cérémonie pour l'Accord de Paris sur les changements climatiques.

David Suzuki aimerait que les partis politiques prennent un engagement inflexible du genre: «Les changement climatiques représentent le problème le plus urgent auquel nous faisons face et tout ce que nous ferons sera orienté en fonction de réduire notre utilisation de carbone. Nous réduirons de moitié nos émissions de carbone d’ici 2030. Nous serons une économie basée sur l’énergie renouvelable d’ici 2050.»

C’est encore très loin de la position actuelle du Canada. Nous sommes déjà à la traîne par rapport à la cible de l’Accord de Paris, c’est-à-dire réduire nos émissions de 30% par rapport au niveau de 2005. Et même si nous réussissons à atteindre cet objectif, cela n’empêchera pas la température moyenne de grimper de 1,5°C, selon un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) paru l’an dernier.

Cette élection-ci est «sans précédent» en terme d’électeurs intéressés par la question des changements climatiques, selon Stephen Lewis. Et il est grand temps que le Canada saisisse ce momentum pour s’imposer comme leader en la matière.

«J’ai appris aux Nations unies que la position du Canada est importante. Les gens nous prennent vraiment au sérieux», insiste-t-il.

«Si nous adoptions des politiques draconiennes, radicales et basées sur des principes, si nous faisions quelque chose qui sort de l’ordinaire, nous pourrions avoir un impact énorme sur le reste du monde.»

Les promesses à propos des changements climatiques

La cheffe du Parti vert, Elizabeth May, a présenté lundi son plan intitulé «Mission: possible», qui propose de réduire les émissions de gaz à effet de serre du Canada de 60%, de faire fonctionner le réseau électrique du pays à partir d’énergie renouvelable, de moderniser tous les bâtiments du Canada et de mettre fin à toute importation de pétrole pour prioriser les combustibles fossiles canadiens et une évolution vers autre chose.

La cheffe du Parti vert, Elizabeth May, lors de la présentation de la plateforme de son parti.
Chris Young/Canadian Press
La cheffe du Parti vert, Elizabeth May, lors de la présentation de la plateforme de son parti.

«Voilà un bon plan pour sauver l’humanité dans les cinq prochaines années», a affirmé Elizabeth May.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, assure que son parti investirait 15 milliards $ pour un plan environnemental, dans le but de réduire presque de moitié nos émissions, tout en créant 300 000 emplois à travers toutes sortes d’initiatives, comme l’amélioration du transport en commun, la modernisation des bâtiments, et la formation des employés dans la foulée de l’interdiction du plastique à usage unique.

Le gouvernement Trudeau a entrepris une cinquantaine d’actions pour lutter contre les changements climatiques, selon Eleanore Catenaro. Cela inclut la transition vers une énergie verte à 90% d’ici 2030, l’abandon progressif du charbon, la mise en place de plus de transport en commun, l’interdiction du plastique à usage unique et des microbilles, ainsi que la protection des berges, des lacs et des forêts. Il a aussi investi 1,5 milliard $ pour la protection des océans au pays.

Andrew Scheer, de con côté, s’est engagé à annuler la taxe carbone implantée par le gouvernement libéral, et à forcer plutôt les gros pollueurs à investir dans la technologie verte. Mais son plan ne spécifie pas comment son gouvernement réduirait les émissions de gaz à effet de serre. Il a aussi proposé une réduction d’impôt de 15% pour les entreprises qui développeraient des technologies vertes, en plus d’un crédit d’impôt pour les Canadiens qui font des rénovations éco-énergétiques à leur domicile.

Le chef conservateur Andrew Scheer, avec sa femme Jill
Frank Gunn/Canadian Press
Le chef conservateur Andrew Scheer, avec sa femme Jill

Lundi, en marge de la campagne électorale, le chef conservateur s’est fait demander de commenter le mouvement «Pas d’avenir, pas d’enfant».

«Évidemment, en tant que père de cinq enfants, je crois que les enfants sont une bénédiction, le futur de notre pays et le futur de notre société», a-t-il dit.

«Je dirais à tout ceux qui se sentent concernés par les changements climatiques et l’environnement au Canada que nous sommes le seul parti avec un vrai plan pour l’environnement», a-t-il ajouté.

Mais pour Emma-Jane Burian, ce plan environnemental est «équivalent à celui des libéraux, sinon pire».

«Je crois qu’il ment de façon éhontée, dit-elle. J’aimerais pourvoir lui demander: s’il tient tant à ses cinq enfants, comment peut-il leur mentir en pleine face? Il n’écoute pas ce que disent les scientifiques.»

– Avec des informations de Camille Laurin-Desjardins

Ce texte initialement publié sur le HuffPost Canada a été traduit de l’anglais.

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