Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Beyrouth, ma ville, est à genoux. Mais nous résisterons.

Même avant l'explosion, j'ai vu de mes propres yeux comment le Liban luttait contre la famine, la pauvreté et la pandémie.
Un soldat sur le lieux de l'explosion à Beyrouth.
AP Photo/Thibault Camus, Pool
Un soldat sur le lieux de l'explosion à Beyrouth.

Nous étions convaincus que c’était un tremblement de terre.

Alors que je prenais mon café du soir à la maison avec ma femme et notre fille de quatre ans, c’était comme si, soudainement, quelqu’un s’était emparé de notre bâtiment et le secouait avec ses mains.

Une fraction de seconde plus tard, les ondes de choc de l’explosion qui avait commencé dans le port à deux kilomètres de là nous ont frappés. La fenêtre en verre de notre balcon s’est brisée - que nous ayons survécu me semble être un miracle, notre rideau nous ayant protégés des éclats.

Ma première réaction a été la confusion totale. J’avais besoin de voir si ma fille allait bien, et je devais relever ma femme du sol - l’explosion l’avait projetée de trois mètres dans la pièce. Elle souffrait, mais heureusement, elle n’était pas trop blessée. Nous savions tous les deux que cela aurait pu être bien pire.

“L'explosion du port a fait la une des journaux dans le monde entier, mais pour nous, Libanais, ce n'est qu'une tragédie de plus dans ce qui a été une série d'années insupportables.”

Nous nous sommes immédiatement mis à l’abri dans l’appartement, loin des fenêtres. Ma fille ne pouvait pas s’arrêter de pleurer, traumatisée et incapable de comprendre ce qui s’était passé, mais nous nous sommes ressaisis et après quelques minutes, quand les choses semblaient s’être calmées, je me suis aventuré dehors à nouveau pour évaluer les dégâts. Tout était brisé: les portes et les fenêtres des balcons avaient été fracassées, laissant des éclats de verre partout. J’ai donné de l’eau à ma fille, j’ai aidé ma femme à se laver le visage et j’ai commencé à nettoyer les éclats de verre sur le sol.

L’explosion du port a fait la une des journaux dans le monde entier, mais pour nous, Libanais, ce n’est qu’une tragédie de plus dans ce qui a été une série d’années insupportables.

Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à propositions@huffpost.com et consulter tous les témoignages que nous avons publiés.

Notre pays s’est enfoncé dans une crise économique qui est maintenant la pire qu’il ait connue depuis son indépendance en 1943. En octobre dernier, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre la situation économique.

Chez Islamic Relief, où je travaille en tant que directeur national pour le Liban, nous avons été obligés de changer de stratégie et de ne plus travailler sur des programmes à long terme, mais de nous concentrer davantage sur les besoins immédiats des gens - principalement de l’aide alimentaire d’urgence. Et lorsque la pandémie a entraîné non seulement des problèmes de santé, mais aussi une nouvelle stagnation économique due au confinement, les choses n’ont fait qu’empirer. Le nombre de cas de COVID-19 a augmenté ces dernières semaines.

Des travailleurs de l'ONG Islamic Relief à Beyrouth.
Islamic Relief
Des travailleurs de l'ONG Islamic Relief à Beyrouth.

Cette crise a entraîné près de la moitié de la population - dont beaucoup sont des réfugiés syriens et palestiniens - sous le seuil de pauvreté, et a fait grimper le taux de chômage à 35%. Le pays ayant fait défaut sur sa dette pour la première fois au début de cette année, même les familles de la classe moyenne se battent maintenant pour mettre de la nourriture sur la table. Depuis près d’un an, tout le monde se demande «comment est-ce que je vais arriver à manger demain?»

L’explosion de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium dans le port de Beyrouth a provoqué une catastrophe humanitaire, avec plus de 100 morts, au moins 100 disparus et plus de 5000 blessés. Un hôpital entier a été détruit, et ceux qui restent sont déjà à genoux à cause de la pandémie. Comme si ce n’était pas assez, la catastrophe ne fera que restreindre encore plus l’accès à la nourriture dans un pays où la population meurt déjà de faim.

Environ 80% des stocks alimentaires du Liban passent par le port de Beyrouth, et tout a été complètement dévasté. L’explosion a démoli une vaste unité de stockage qui contenait la majorité des céréales du pays.

“Nous sommes habitués à l’adversité.”

Une grande partie de la population libanaise est constituée de réfugiés, et les tensions sociales s’accumulent depuis des années, exacerbées par la crise économique. Nous craignons que ces tensions s’amplifient et explosent.

Au coeur de cette catastrophe, le peuple libanais est résilient. Nous sommes habitués à l’adversité. Aussi inimaginable que soit ce défi, nous nous rassemblerons pour le combattre.

Notre personnel chez Islamic Relief, qui, Dieu merci, est sain et sauf, fournira de l’eau potable et de la nourriture aux personnes qui ont perdu leur maison. Dans quelques jours, nous commencerons également à aider à déblayer les rues des débris causés par l’explosion, en fournissant aux personnes actuellement sans travail de l’argent liquide pour les aider. À plus long terme, nous devrons continuer à fournir de l’aide alimentaire, dans l’espoir que ce pays qui est à genoux depuis longtemps ne finisse pas par céder.

Ce texte, initialement publié sur le HuffPost Royaume-Uni, a été traduit de l’anglais.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.