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Je travaille, mon mari est père au foyer et c’est génial

Il fait des crêpes, des promenades à vélo et change les couches. Et moi, je me concentre sur ma carrière.
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L'auteure, son mari, et leurs trois enfants.
L'auteure, son mari, et leurs trois enfants.

J’ai toujours pensé que je serai mère au foyer. À la maternelle déjà, quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais: «Maman.» Mais, devenue adulte, j’ai eu envie du contraire.

Le 22 mai 2010, j’ai dit «oui» à l’homme de ma vie. Nous nous sommes rencontrés en 2008 en Autriche, dans des circonstances très romantiques, et nous avons su immédiatement que nous étions faits l’un pour l’autre. Je sais, ça fait un peu cliché.

Nos familles et nos amis nous trouvaient trop jeunes mais je n’ai jamais laissé les autres dicter ce que je devais faire. Ce n’était ni la première ni la dernière fois que quelqu’un désapprouvait mon audace féminine. Être féministe ne veut pas dire suivre la tendance mais vivre sa vie comme on l’entend.

Certes, combiner mariage et dernière année d’université n’a pas été de tout repos. Je travaillais dans une garderie, j’enseignais l’anglais tout en suivant mes cours à la fac tandis que mon mari travaillait de longues heures dans une scierie.

Et puis, un jour, nous avons décidé de franchir le pas et notre fille est née, peu avant notre deuxième anniversaire de mariage. C’est à ce moment-là que la peur de la maternité a ébranlé mon rêve de petite fille. Étais-je vraiment faite pour cela? Serais-je une bonne maman? Malgré mes doutes, je suis devenue mère au foyer à 24 ans.

Super-maman

Six ans, deux garnements, un chiot et une autre grossesse plus tard, j’assurais sur tous les fronts. Je faisais l’école à la maison, je préparais des gâteaux, je construisais des châteaux-forts et je lisais histoire après histoire.

Malgré cela, l’écriture me manquait. Alors, quand tout ce petit monde dormait, je me faufilais dans le salon et j’écrivais. J’ai toujours aimé cela et c’est quelque chose qui m’a permis de me retrouver après mes grossesses. J’écrivais n’importe quoi pour n’importe qui, et la première fois que quelqu’un m’a rémunérée pour un texte, j’ai dansé de joie.

Peu importe si je travaillais pour une société qui s’intéressait aux avantages de la sous-traitance des centres d’appels pour une entreprise B2B. J’étais officiellement une autrice!

Après plusieurs années et des dizaines de milliers de mots, j’ai dû me mettre au travail la nuit, à grand renfort de café, car j’avais trop de choses à écrire et pas assez de temps.

“Je faisais l’école à la maison, je préparais des gâteaux, je construisais des châteaux-forts et je lisais histoire après histoire.”

Lorsque la trentaine a sonné, j’étais enceinte de trois mois et j’ai rapidement compris que je n’avais plus l’énergie suffisante pour écrire jusqu’à 1h du matin. J’ai commencé à me demander si mon mari serait prêt à me remplacer à la maison et à me laisser faire bouillir la marmite. Je voulais goûter au luxe d’écrire pendant la journée (et non au milieu de la nuit).

Pendant longtemps, il a enchaîné les jobs alimentaires. Il travaillait de 9h à 17h (ou de 3h à 13h), rentrait à la maison, passait un peu de temps en famille puis s’écroulait, épuisé. «C’est pas ça, la vie», a-t-il murmuré un soir en s’endormant. Je le voyais trimer comme un forçat et ça me brisait le cœur.

C’est à ce moment-là que je me suis dit que j’allais tenter de le convaincre de devenir père au foyer. Mes petits travaux d’écriture ne me suffisaient plus, il me fallait un projet réaliste et réalisable. C’était à moi de jouer.

Il a pris quelques jours de vacances et, entre deux textes, j’ai élaboré une stratégie pour mettre en œuvre la transition. Lorsqu’il s’est rendu compte que je lui offrais, potentiellement, une retraite anticipée à l’âge de 34 ans, il a retrouvé sa joie de vivre.

En avril 2018, deux semaines à peine après l’accouchement de mon troisième enfant, j’ai failli m’étrangler lorsqu’il m’a annoncé qu’il avait donné son préavis.

En moins de trois secondes, la peur et la panique se sont installées. Qu’étions-nous en train de faire? Comment pourrait-il assumer les tâches ménagères, l’éducation des enfants et l’école à domicile? Comment allais-je pouvoir passer la journée assise derrière mon bureau après une épisiotomie? Est-ce que mes enfants m’aimeraient encore si je travaillais de la maison sans jouer avec eux? Me verraient-ils différemment? Et si je ne rapportais pas assez d’argent pour nous faire vivre?

En fin de compte, je n’enfile pas ma tenue de working girl et je me maquille rarement mais je gagne suffisamment pour faire vivre tout le monde. Je n’ai aucun état d’âme à être le soutien de famille, et mes enfants m’aiment toujours. Mon mari est un père au foyer qui fait des crêpes, des promenades à vélo et change les couches.

“Est-ce que mes enfants m’aimeraient encore si je travaillais de la maison sans jouer avec eux? Me verraient-ils différemment? Et si je ne rapportais pas assez d’argent pour nous faire vivre?”

Notre nouvel arrangement ne nous a jamais paru inhabituel, en particulier dans notre société actuelle, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Ma gynécologue a qualifié notre choix d’«étrange» et un ami de la famille bien intentionné a osé dire à mon mari qu’un homme se devait d’avoir un travail. À part les regards de travers, rien ne nous empêche de mener la vie qui nous convient.

Je sais aussi que nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. Je suis heureuse de pouvoir me concentrer sur ma carrière et je n’ai jamais vu mon mari aussi heureux.

Ce qui est sûr, c’est que nous avons inversé les rôles traditionnels, et il y a fallu faire quelques ajustements. Mon mari a appris à me demander des choses plutôt que l’inverse. Il avait l’habitude de gagner de l’argent et de dépenser (dans des limites du raisonnable) pour lui-même, et lorsqu’il a voulu une nouvelle guitare en bois de koa, il a eu du mal – au début – à comprendre qu’il devait désormais me le demander, une petite contrariété vite oubliée lorsque sa Sweetwater est arrivée avec un nouvel ampli qu’il n’attendait pas.

Il milite davantage pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Je le vois dans la manière dont il élève notre fille. Je suis reconnaissante à nos enfants de nous prouver que les stéréotypes sont stupides, et qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent, que ce soit étiqueté «masculin» ou «féminin».

Qu’est-ce que ça fait, d’être mariée à un père au foyer? C’est bordélique, génial, magnifique et pas toujours évident. Je me suis aussi rendu compte que j’étais plus dépendante de lui qu’avant. J’ai besoin de lui pour s’occuper des enfants, préparer les repas et ranger la maison pendant que je travaille. Sans lui, je ne pourrais pas faire ce que je fais. Nous formons une équipe de choc.

“Je suis reconnaissante à nos enfants de nous prouver que les stéréotypes sont stupides et qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent, que ce soit étiqueté «masculin» ou «féminin».”

La cuisine n’est peut-être pas toujours impeccable (à vrai dire, elle ne l’est jamais), le linge n’est peut-être pas plié à la sortie du sèche-linge (mais tout est propre) et les sols n’ont pas été lavés depuis longtemps. Il n’est pas encore au point au niveau de la cuisson de certains repas, et l’art de coordonner les couleurs pour la tenue des enfants lui est inconnu.

Mais si les travaux ménagers ne sont pas son rayon, il compense cette lacune autrement. Il plante des fleurs devant ma fenêtre pour que je puisse les admirer en travaillant. Il a suspendu un hamac dans notre chambre pour que je puisse lire en paix. Il m’apporte régulièrement des collations et des espressos à la demande. Il utilise le porte-bébé tous les jours pour que la petite dernière puisse faire la sieste, et il emmène les garçons au karaté, chez les scouts et à la natation.

Quant à l’école à la maison, il a appris à notre fils qui est en CP à lire, faire du vélo, jouer de la guitare et faire des multiplications. Pour les évaluations des acquis en primaire, on est parés!

Il fait tout ce que j’aurais fait pour lui, et c’est la définition d’une bonne relation de couple. Il me laisse vivre mes rêves et se charge du reste. Qui sait ce que l’avenir nous réserve? Peut-être que je déciderai un jour d’arrêter de travailler et qu’il trouvera un métier qui le passionne. Pour le moment, l’arrangement que nous avons trouvé fonctionne et nous n’avons jamais été aussi heureux.

Ce blog, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Karine Degliame-O’Keeffe pour Fast ForWord.

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