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Je suis tombée amoureuse de ma psy. Voici comment elle a réagi quand je le lui ai avoué

Je me suis convaincue qu’elle seule pouvait me rendre heureuse.
lorenzoantonucci via Getty Images

“J’ai honte de vous l’avouer, mais j’ai des sentiments pour vous. Je crois que je suis en train de tomber amoureuse de vous.”

Assise sur le divan, le visage cramoisi, je faisais face à la psychologue qui me suivait depuis deux ans. J’étais certaine de l’entendre me dire que quelque chose ne tournait pas rond chez moi et qu’elle allait devoir m’adresser à un autre thérapeute. Au lieu de ça, elle m’a répondu, avec douceur, que ce n’était pas grave, et qu’il n’y avait aucune honte à avoir. En fait, ces sentiments surviennent assez souvent, m’a-t-elle expliqué. Je n’étais pas la première à passer par là.

Pendant toute mon enfance, dans le Midwest, la psychothérapie m’était un concept étranger (comme la santé mentale en général, d’ailleurs). J’étais une petite fille stressée, mais mes parents n’y voyaient que mon côté bonne élève, perfectionniste. Au collège, je restais parfois plusieurs jours au lit mais on attribuait ça à une simple fatigue. Je n’avais jamais entendu parler d’anxiété ni de dépression.

Quelques années après mon installation à Los Angeles, j’ai commencé à souffrir de crises de panique hebdomadaires. En outre, je me mettais à pleurer à la moindre occasion. Pas une journée ne se passait sans flot de larmes. Ça a duré des mois. La nuit, assise dans mon lit, je tentais de retenir mes sanglots pour que ma colocataire ne m’entende pas.

Mais, un jour, après une grosse crise de nerf au travail, j’ai décidé de prendre mon après-midi et d’aller voir mon médecin traitant. Après m’avoir posé quelques questions sur mon état, elle m’a diagnostiqué une dépression clinique et un trouble d’anxiété généralisé. Elle m’a prescrit de la sertraline et encouragée à trouver un psychothérapeute. Comme je ne souhaitais qu’une chose, me sentir mieux, j’ai commencé, une fois rentrée chez moi, à appeler des psychologues remboursés par mon assurance.

Il m’a fallu deux ou trois essais pour trouver ma thérapeute actuelle. Je l’ai choisie parce que sa photo suggérait quelqu’un de chaleureux et bienveillant, et qu’elle s’était montrée très gentille au téléphone. Je me suis rapidement sentie à l’aise avec elle, suffisamment pour lui confier des choses dont je n’avais jamais parlé à personne. Je la voyais généralement une fois par semaine, mais je manquais de temps en temps une séance à cause du travail ou d’événements sociaux. Ça ne posait jamais de problème.

Mais mes sentiments ont radicalement changé au bout de cinq mois. Je venais de rentrer à LA après deux semaines de vacances chez ma famille, dans le Wisconsin. Normalement, dans l’avion du retour, je fonds en larmes à côté du hublot. Cette fois-ci, revenir ne m’attristait pas. Au contraire, j’avais hâte de voir ma psy le lendemain, puisque je ne lui avais pas parlé depuis plusieurs semaines.

Après ça, je n’ai plus annulé une seule séance. Rien n’était plus important que cette thérapie. J’adorais la voir, passer du temps avec elle. J’étais frustrée d’en savoir si peu sur sa vie en dehors de nos séances, de ne pouvoir lui parler entre deux rendez-vous. Ça renforçait encore mes sentiments. J’avais envie d’être en contact permanent avec elle. J’ai construit cette image de femme parfaite dans ma tête. Elle était pleine d’empathie, calme, drôle et intéressante. Qui ne voudrait pas d’une telle amie?

À l’automne, cette année-là – environ dix mois après le début de ma thérapie –, j’ai fait mon coming out. C’est elle qui m’a aidée à accepter mon identité queer et me sentir fière de la personne que j’étais. Sans elle, je ne serais jamais sortie du placard.

Nos séances ont commencé à tourner autour du thème des relations et de l’amour. Un jour, elle m’a demandé à quoi ressemblait pour moi la femme idéale. J’ai aussitôt pensé: “À quelqu’un comme vous.” Envahie par la honte, j’ai menti en disant que je n’étais pas sûre, que je n’avais pas vraiment de type. J’ai bien vu qu’elle ne me croyait pas.

J’ai fait un rêve érotique avec elle cette nuit-là, et plusieurs autres dans les semaines suivantes. J’ai complètement flippé. Je me suis réveillée en panique à 3 h du matin, et j’ai cherché sur internet: “Je suis amoureuse de ma psy.”

Je suis restée éveillée des heures à lire des articles sur le phénomène du transfert (le fait de reporter ses expériences passées sur son interaction avec son thérapeute). Mais ces sentiments me paraissaient si réels que j’avais l’impression d’être complètement amoureuse d’elle. Il fallait que nous soyons ensemble. Je me suis convaincue qu’elle seule pouvait me rendre heureuse.

J’ai lu des histoires d’autres patients qui éprouvaient des sentiments similaires. Nombre d’articles et de récits conseillaient d’en parler à son ou sa thérapeute. J’ai levé les yeux au ciel. Pas question. Rien que l’idée de le faire me donnait envie de vomir. Comme je ne supportais pas non plus l’idée qu’elle puisse m’adresser à quelqu’un d’autre, ni imaginer une vie sans elle, j’ai gardé ces sentiments pour moi.

Ce n’est qu’après une conversation avec deux amis proches qui travaillent dans le secteur de la santé mentale que j’ai décidé qu’il était temps de lui dire. Ça m’empêchait de progresser, et j’ai constaté que je me censurais pendant les séances, parce que je cherchais à lui plaire. J’ai écrit tout ce que je ressentais dans un carnet, répété ce que j’allais dire. J’ai compté les heures jusqu’au mardi soir, 17 h 15. J’ai cru qu’il n’arriverait jamais.

“J’ai fondu en larmes en lui annonçant que je l’aimais.”

Assise dans la salle d’attente, j’avais l’impression que le cœur allait sortir de ma poitrine. J’avais les mains moites. Quand elle m’a appelée, je me suis couchée à l’endroit habituel, sur le divan. Mais, cette fois, j’étais incapable de parler. Les mots ne sortaient pas. Elle m’a demandé comment j’allais. Je me suis contentée de secouer la tête. J’ai ouvert mon carnet, les mains tremblantes.

Je lui ai expliqué que, depuis quelques mois, j’avais développé un très fort attachement envers elle. Je lui ai confié que nos séances de thérapie étaient mon moment préféré de la semaine, que j’avais hâte de la voir chaque mardi. J’ai fondu en larmes en lui annonçant que je l’aimais. J’ai terminé mon aveu en exprimant combien j’étais inquiète de lui en parler, et en disant que je comprendrais si elle me disait que j’étais dingue et qu’elle ne pouvait plus me voir. Enfin, j’ai levé les yeux et croisé son regard.

Elle m’a assuré qu’elle ne cesserait pas de me voir, et que c’étaient des sentiments normaux, surtout quand on passe autant de séances à se pencher sur les thèmes de l’amour et du sexe. Elle m’a expliqué que l’aspect unique de la relation client-thérapeute est que l’on peut avoir ce genre de conversation et explorer ce que signifient réellement ces sentiments.

“J’apprends que je n’ai pas besoin d’être parfaite pour être aimée et soutenue.”

Selon elle, éprouver ces sentiments signalait peut-être que j’étais prête pour une relation, que j’avais un désir d’intimité et d’amour. Même si une histoire d’amour entre nous était impossible, mes émotions prouvaient que j’étais capable de tomber amoureuse et de trouver quelqu’un de disponible. Elles indiquaient également que notre relation thérapeute-patiente avait atteint un degré plus profond, où je me sentais à l’aise de me montrer vulnérable et honnête avec elle, ce qui était une bonne chose.

J’aimerais pouvoir dire que mes sentiments se sont dissipés. Mais, même si je me sens encore très attachée à elle, elle m’a montré à quoi ressemble une relation saine, ce que c’est d’avoir quelqu’un qui tient à moi, avec tous mes défauts. J’apprends que je n’ai pas besoin d’être parfaite pour être aimée et soutenue. Voilà une leçon qui vaut bien toutes les conversations difficiles.

Avouer ses sentiments peut faire peur, qu’ils soient positifs ou négatifs, mais je vous promets que ça en vaut la peine. C’est vraiment le cœur de la thérapie: apprendre ce qu’est une relation saine et avoir un espace où exprimer ses sentiments et ses émotions, sans craindre ni jugement ni honte. J’ai de la chance d’avoir trouvé ça.

Ce blog, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Charlotte Marti pour Fast ForWord, pour le HuffPost France.

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