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Je suis séropositif et non, je ne suis pas un virus sur deux pattes

Les gens s'imaginent que ceux qui attrapent le VIH sont des obsédés sexuels ou des drogués. Je ne suis ni un ni l'autre.
Yannick-S. Mondion
Courtoisie/Yannick-S. Mondion
Yannick-S. Mondion

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

J’ai attrapé le VIH il y a 10 ans.

À l’époque, je me mettais vraiment à risque, même si je savais que ça pouvait être dangereux d’avoir des relations non protégées, mais je ne faisais pas attention malheureusement.

J’avais le sentiment que ça n’arrivait qu’aux autres et que ça ne m’arriverait pas. Et une partie de moi se disait que ce n’était pas grave parce que ça se guérit, un mythe qui persiste encore aujourd’hui.

Je me mettais à risque, mais c’est lors d’une agression que j’ai contracté la maladie. Le sentiment de culpabilité m’a longtemps habité.

Souvent, quand on parle de VIH, on dit que la personne qui l’attrape est malade comme elle ne l’a jamais été. Moi, ça a pris quelques mois.

J’avais commencé à avoir des douleurs à l’oeil et d’autres problèmes de santé se sont développés. J’ai été hospitalisé et j’ai paniqué. On ne savait pas ce que j’avais à ce moment-là.

On m’a fait une ponction lombaire qui a fait en sorte que je n’ai pas été capable de me lever pendant plusieurs jours. On a pensé que j’avais une tuberculose donc on m’isolait. Une autre journée, on pensait que c’était une autre maladie.

Ça a été comme ça pendant un mois. On a opéré mon oeil deux fois. Une fois pour une uvéite, la deuxième fois pour un décollement de la rétine. J’ai finalement perdu l’oeil gauche.

Et c’est un 23 décembre à 8h le matin qu’on m’a annoncé que j’étais séropositif.

Je me rappellerai toujours. Cette journée-là, c’était la fin du monde. Ma vie était finie.

Ce qui a été le plus difficile à accepter, c’est que j’étais très informé au sujet du VIH. Je savais ce qui m’arrivait. À l’époque, je faisais même du bénévolat pour un organisme où, entre autres, j’ensachais des condoms et du lubrifiant.

Dans les dernières années, j’ai développé une neuropathie. Mon système nerveux fait en sorte que je suis en douleur dans le bas du corps en permanence. Je suis en train de perdre l’usage de mes jambes. C’est donc un deuxième deuil à faire.

“À l’époque, j’avais jusqu’à 23 pilules par jour à prendre pour ma condition de séropositif. En ce moment, j’en ai trois.”

Je suis convaincu que les problèmes de santé que j’ai développés sont reliés au VIH. Il faut comprendre que les traitements d’il y a 10 ans étaient très durs pour le corps comparé à aujourd’hui. Ça a beaucoup évolué dans les dernières années. Les médicaments étaient trop forts pour mon corps, donc ça me rendait malade.

Il y a cinq ans, j’avais annoncé à mon médecin que j’arrêtais la trithérapie parce que ça me rendait trop malade et que je voulais vivre ma vie. Mais ça a fait en sorte que j’ai eu une pneumonie.

À l’époque, j’avais jusqu’à 23 pilules par jour à prendre pour ma condition de séropositif. En ce moment, j’en ai trois. Avec l’évolution des dernières années, c’est le jour et la nuit. Je n’ai jamais été aussi régulier dans ma prise de médication parce qu’il n’y a pas d’effets secondaires.

Mais la médication est coûteuse. Si je n’étais pas invalide et que je n’avais pas de contrainte sévère à l’emploi, je n’aurais pas les moyens de payer ma médication. Le gouvernement doit mettre un effort pour la recherche, la prévention et pour financer les organismes communautaires.

“Ça fait seulement un an que j’accepte ma maladie. Ça a été un énorme processus de deuil.”

Aujourd’hui, je suis rendu indétectable. On dit «I = I» (Indétectable = Intransmissible). Le virus est toujours en moi mais il n’est plus actif. Avant ça, j’avais beaucoup de misère à parler de ma condition à mes proches et je refusais toute relation sexuelle complète, même protégée. Je ne voulais pas avoir à parler de ma maladie.

Ça fait 10 ans, mais ça fait seulement un an que j’accepte ma maladie. Ça a été un énorme processus de deuil.

Plus ça va et plus je suis à l’aise. Je me cache rarement. Maintenant, je le dis à mes partenaires et je leur explique que je suis indétectable. Il n’y a pratiquement pas de risque, mais je préfère quand même avertir. Le fait que l’information circule et que les traitements s’améliorent, ça me pousse à en parler. Aujourd’hui, je sensibilise les gens autour de moi. Je n’aurais jamais cru jouer ce rôle-là.

Yannick-S. Mondion pour le calendrier de la Maison Plein Coeur.
Jean-Louis Delhaye
Yannick-S. Mondion pour le calendrier de la Maison Plein Coeur.

Cette année, j’ai participé à un projet pour financer la Maison Plein Coeur, où je suis maintenant bénévole. Nous sommes 14 hommes séropositifs qui ont posé pour montrer qu’on peut vivre normalement et être heureux avec la maladie. Je n’aurai jamais osé faire ça avant.

Il y a quand même, malheureusement, encore beaucoup de stigmatisation. Quand je fais des rencontres sur Internet, une personne sur deux n’a pas de problème avec ça en autant qu’on se protège. Mais il y en a d’autres qui me font sentir que je suis un tueur et que je devrais le dire dans mon profil.

Il y a des endroits où on me dit littéralement que je serais mieux de ne pas parler de ma condition, encore en 2019. Les gens s’imaginent que ceux qui attrapent le VIH sont des obsédés sexuels ou des drogués. Je ne suis ni un ni l’autre.

Le VIH, ça se traite, mais ça ne se guérit pas, et ça reste une maladie grave. Il ne faut pas banaliser la maladie. Ça reste grave parce que si mon système immunitaire s’affaiblit, une grippe peut me tuer.

J’ai espoir qu’un jour la médication ne fera pas juste calmer la maladie, mais qu’elle pourra l’enrayer. J’ai espoir de pouvoir en guérir.

Il y a 10 ans, j’avais l’impression d’être un virus sur deux pattes. Aujourd’hui, j’ai l’impression d’être un homme qui partage le message qu’on peut vivre, et vivre heureux. Le fait que j’aie cette maladie-là ne change pas la personne que je suis. On peut vivre heureux, on peut avoir des conjoints non séropositifs et ne pas mettre leur vie en danger.

Aujourd’hui, avec toutes les avancées, on ne survit plus au VIH. On vit.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

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