Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Je suis demisexuelle et voici ce que je veux que vous sachiez

J'avais 23 ans quand j'ai finalement découvert qu'il y avait un mot pour qualifier mes expériences et mes sentiments.
L'autrice et son mari
Courtoisie/Amanda Finn
L'autrice et son mari

J’ai toujours pensé que j’étais anormale.

En grandissant, quand mes amies parlaient constamment d’une célébrité en la qualifiant de «sexy», j’embarquais dans leur jeu, mais je ne comprenais pas ce qu’elles ressentaient. Je n’ai jamais regardé une personne célèbre, un ami ou un étranger en me disant «wow, il est sexy». Pas une fois. J’avais des béguins, bien sûr, mais ça n’avait rien à voir avec l’apparence de la personne. Pour moi, les gens étaient attirants à partir du moment où on développait des sentiments pour eux à cause de leur personnalité.

Mes amies se pâmaient sur les beaux gars de l’école, et je jouais le jeu. Je leur faisais entièrement confiance alors je me disais que si elles pensaient que ces garçons étaient attirants, ils devaient l’être. N’est-ce pas? Je n’ai jamais vraiment compris ce qui les attirait autant. Ils étaient généralement gentils, mais je ne savais pas pourquoi mes amies voulaient les embrasser. Je ne connaissais pratiquement aucun d’entre eux. Je n’étais pas du tout proche de ressentir une attirance sexuelle ou physique pour des gens que je connaissais peu, même après la puberté.

Et maintenant, en tant qu’adulte, je me rends compte que c’est exactement ce qu’est la demisexualité.

Je ne suis attirée par une personne qu’après avoir développé une connexion émotionnelle plus profonde avec elle. Je peux compter sur les doigts d’une main le nombre d’hommes que j’ai embrassés dans ma vie ou qui m’ont même attirée et je n’ai aucun problème avec ça. Je n’ai jamais senti que je manquais quelque chose, et si je me fie à ce que mon corps me dit, je préfère de loin entretenir une conversation de sept heures avec quelqu’un plutôt que d’être intime physiquement avec cette personne.

La meilleure façon pour le décrire, c’est que je suis attirée par la personnalité d’une personne et non par son apparence physique.

“C’est seulement quand je commence à découvrir ce qui se cache derrière les yeux qui me regardent que les caractéristiques physiques attirent mon attention.”

Une personne sexuelle peut ressentir une étincelle dès le moment où elle rencontre quelqu’un pour la première fois. Une sorte de chimie soudaine qui rassemble deux personnes dès le départ. Pour les personnes asexuelles, bien souvent, ces étincelles n’arrivent jamais, même avec le temps qui passe. Pour ma part, je ressens les papillons dans le ventre seulement quand je connais très bien quelqu’un, et que nous nous sommes démontrés que nous avons un intérêt pour une relation amoureuse.

Je suis une romantique dans l’âme. Je ne suis tout simplement pas du genre à vivre un coup de foudre en croisant le regard d’un étranger dans un bar.

En tant que personne demisexuelle, lorsque je rencontre une personne pour la première fois, je la vois, tout simplement. Je vois ses caractéristiques physiques comme une chose qui fait partie de qui elle est, rien d’autre. Tu as de beaux abdos? Super. Tu as une mâchoire sculptée? Ok, peu importe. C’est seulement quand je commence à découvrir ce qui se cache derrière les yeux qui me regardent que les caractéristiques physiques attirent mon attention. C’est pour ça que je savais que je n’étais pas asexuelle. Je ressens de l’attirance, il me faut juste un peu de temps pour y arriver.

J’avais 16 ans quand j’ai eu mon premier copain, mon premier baiser, ma première vraie compréhension de ce qu’est l’attirance envers quelqu’un. Je n’avais jamais voulu embrasser personne auparavant. Je me suis sentie considérée, belle et comprise.

“Tout ce dont mes amis m'avaient parlé avait maintenant un sens. Plus j’ai appris à le connaître, plus il est devenu beau à mes yeux.”

Pour la première fois de ma vie, quelqu’un s’intéressait à qui j’étais au plus profond de moi et voulait tout savoir sur moi. Mon premier baiser a eu lieu pendant un film. Il s’est penché près de moi et soudainement, mon estomac s’est noué. Il m’attirait comme un papillon de nuit va vers la lumière, et c’était aussi naturel que de respirer. Tout ce dont mes amis m’avaient parlé avait maintenant un sens. Plus j’ai appris à le connaître, plus il est devenu beau à mes yeux.

Comme n’importe quelle fille naïve et en amour au secondaire, j’étais folle de lui. Je me suis dit qu’enfin, je comprenais ce que mes amis vivaient avec leur copain ou leur copine. Peut-être allait-il être la seule personne avec qui je vivrais ça dans ma vie? Et que j’avais simplement eu la chance de le rencontrer à un jeune âge?

Mon amour de jeunesse a été mon partenaire pendant environ six ans. Notre rupture officielle, très difficile, a eu lieu des mois après que j’ai commencé à me détacher émotionnellement, parce que mon instinct me disait qu’il me trompait.

Par la suite, je me suis retrouvée à nouveau dans ce tourbillon où je ne comprenais pas qui j’étais. Pour moi, être attirée par quelqu’un implique beaucoup d’investissement émotionnel. Et en tant que personne monogame, je n’ai aucun intérêt à rencontrer d’autres personnes lorsque je suis engagée dans une relation.

En plus d’être furieuse, j’étais plus confuse que jamais. La seule personne envers qui j’avais été attirée était ce partenaire. Peu importe à quel point je pouvais devenais proche de d’autres personnes, ces sentiments, je ne les ressentais que pour lui. Les demisexuels n’expérimentent généralement pas les histoires d’un soir ou les aventures. Nous bâtissons nos relations physiques à partir des morceaux de nos relations émotionnelles.

J’ai commencé à tout remettre en question sur ma sexualité: est-ce que j’étais anormale? Est-ce que c’est normal de ne pas trouver les gens attirants en général?

Ayant toujours été proche de gens de la communauté LGBTQ, j’ai toujours eu des amis incroyables à qui me confier à ce sujet. Ils m’ont dit que mes sentiments étaient normaux, et ils m’ont parlé de l’asexualité, puis quelques-uns m’ont parlé de leur propre asexualité.

“Un mot. Il y avait un mot pour ça. Je vivais soudainement un sentiment de soulagement; il y avait un mot pour ce que je vivais, ce que je ressentais.”

«Je ne suis pas asexuelle, leur ai-je répondu. Je ressens de l’attirance, c’est juste très rare.»

C’est aussi une forme d’asexualité, m’expliquaient-ils. Comme bien des choses, la sexualité est sur un spectre. Ils m’ont dit que je parlais comme une demisexuelle, ce qui se situe entre l’asexualité et la sexualité, donc avoir le besoin d’un lien émotionnel fort pour ressentir de l’attraction.

Un mot. Il y avait un mot pour ça. Je vivais soudainement un sentiment de soulagement; il y avait un mot pour ce que je vivais, ce que je ressentais. J’avais 23 ans et je pouvais enfin m’expliquer aux autres. Demisexuelle. Je suis et j’ai toujours été demisexuelle. Il n’y avait rien de mal avec moi.

Après cette rupture et après avoir finalement compris ma demisexualité, j’ai essayé de rencontrer des gens et de retrouver ce sentiment d’attraction. Et OkCupid était un cadeau du ciel. J’ai apprécié le fait que les profils y étaient plus complets que sur les autres applications de rencontre et j’ai passé beaucoup de temps à lire des profils, à apprendre à connaître un gars avant de lui envoyer un message. J’ai pris beaucoup de temps à lire sur ce qu’ils aimaient et n’aimaient pas, et je me questionnais pour voir si je pouvais envisager d’être amie avec eux avant que l’on connecte.

Au début, leurs photos de profil m’intriguaient, simplement. Un beau sourire, un aperçu d’une aventure ou un égoportrait maladroit avec des amis. Mais une fois que je lisais les détails de leur vie, les sourires me semblaient souvent un peu plus gentils ou, parfois, ils paraissaient hypocrites. J’ai uniquement envoyé des messages aux gars que je sentais authentiques, et qui me semblaient intéressants. Ma salutation initiale était toujours plus qu’un simple «bonjour», ce qui leur montrait clairement que j’avais lu leur profil et que je voulais connecter avec eux.

Les rencontres en ligne me donnaient l’occasion de faire connaissance avec quelqu’un avant même d’envisager un rendez-vous avec cette personne. Si ça fonctionne pendant un certain temps par messages, il y a de bien meilleures chances que ça clique dans la vraie vie. J’ai eu quelques tentatives infructueuses de rencontres. Puis, c’est sur OkCupid que j’ai rencontré l’homme que j’ai épousé.

Quand on s’est rencontré, ça faisait une semaine qu’on s’écrivait, et j’ai été très franche par rapport à ma demisexualité. «Juste pour que tu le saches, je suis demisexuelle. Je suis seulement attirée par les gens avec qui j’ai un lien émotionnel profond», lui ai-je dit.

«C’est intéressant! Ok!» Il n’a pas demandé plus d’explications. Il n’a pas forcé. Il n’a même pas laissé entendre que ce que j’avais dit sortait de l’ordinaire. J’ai exprimé mon message et je ne me sentais pas bizarre. Il m’a fait sentir en sécurité par rapport à ce que je savais de moi. (Il le fait toujours, tous les jours.)

Nous avons parlé pendant six heures à ce premier rendez-vous. Notre score de compatibilité OkCupid était de 96%. Quand, dans mes rêves, il est question d’une nouvelle relation ou d’une aventure, curieusement, c’est toujours lui qui est dans le scénario. Je n’ai jamais eu ce genre de rêves avant de le rencontrer. Je n’ai jamais eu de rêves érotiques qui impliquent des célébrités, et il n’y en aura jamais. C’est un aspect de ma demisexualité.

Au fur et à mesure que notre relation grandissait, j’en apprenais de plus en plus sur la demisexualité. Je suis devenue plus ouverte à l’idée de m’identifier de cette façon. Mes cercles sociaux se sont développés, tout comme ma compréhension de moi-même par rapport aux expériences similaires des autres.

Alors que 2019 touchait à sa fin, je n’ai pas pris de résolution classique pour la nouvelle année. Je me suis fait une promesse. À partir de 2020, je serais plus franche sur ce qui me définit vraiment en tant qu’humain. L’une de ces vérités est, sans aucun doute, mon identité demi.

Petit à petit, j’en ai parlé à mes amis quand ça semblait approprié. J’ai constaté que c’était une chose dont ils n’avaient souvent jamais entendu parler et qu’ils étaient curieux d’en savoir plus. Je suis reconnaissante de voir que, tout comme le merveilleux homme que j’ai épousé, leur perception de moi n’a pas changé. Et je suis particulièrement contente que ça n’ait empêché personne de me raconter leurs histoires croustillantes survenues lors de folles fins de semaine.

Demi ou pas, je suis toujours moi.

Ce texte, initialement publié sur le site du HuffPost États-Unis, a été traduit de l’anglais.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.