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L'islamophobie, les statistiques!

L'islamophobie est l'amalgame de deux racismes en un seul : le racisme anti-arabe et les discriminations à l'égard des musulmans.
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L'attentat de Québec marque un tournant dans la vie politique québécoise. Il est à notre connaissance le premier acte meurtrier avéré contre une mosquée en Occident ces 15 dernières années. Malgré le choc subi, loin de s'engager dans les actions nécessaires, il y a récupération politique et partisane de ce drame.

Depuis plus de 15 ans, les partisans de l'islamophobie sermonnent, claironnent et martèlent dans les médias l'existence de ce phénomène sans être capables de le quantifier ou même le clarifier. Dans l'ouvrage L'islamophobie, le professeur d'université Claude Simard démontre preuve à l'appui la quasi-inexistence du terme avant le 11-septembre. N'y avait-il donc pas d'islamophobie avant l'attaque des Twins Towers en Occident? Tout aussi improbable qu'impossible !

L'islamophobie est devenue une accusation courante. Questionner l'islam comme le Palestinien Waleed Al-Husseini ou s'opposer à l'islamisme (l'expression violente ou non de l'islam politique) comme Isabelle Kersimon, c'est faire l'objet d'accusation d'islamophobie.

Loin de clarifier les mécanismes de rejet que subissent les Arabes ou les discriminations que les musulmans ressentent, l'islamophobie est instrumentalisée par différents lobbys pour amoindrir la liberté d'expression ou empêcher les réformes de l'islam comme le considère l'intellectuel d'origine syrienne Hassan Jamali.

L'islamophobie est un concept chaotique, mal ordonnancé, méthodologiquement erroné. Voici trois raisons pour lesquelles l'islamophobie pourrait être substituée par deux appellations plus précises : le racisme anti-arabe et les discriminations à l'égard des musulmans.

L'islamophobie est un amalgame non inclusif

L'islamophobie est l'amalgame de deux racismes en un seul : le racisme anti-arabe et les discriminations à l'égard des musulmans. De facto, ce concept est non inclusif. Il occulte et exclut les Arabes non-musulmans ainsi que les musulmans non arabes du champ de la recherche sur le racisme et les discriminations.

Les Arabes au Québec représentent 2% de la population. Ils sont musulmans, chrétiens, agnostiques, athées, etc. 44% sont musulmans, 44% sont chrétiens, 12% sont athées, agnostiques ou sans religion particulière. Assimiler tous les Arabes à l'islam comme le fait l'islamophobie c'est obliger tous les Québécois d'origine arabe ou de culture arabe à vivre dans l'ombre de la religion musulmane dont ils ne sont pas adhérents. À l'inverse, assimiler tous les musulmans aux Arabes, c'est cantonner la pluralité des communautés musulmanes à l'arabité et nier la diversité des cultures qui traversent cette religion.

Par le mélange ethnique et religieux, l'islamophobie ne permet pas de comprendre les mécanismes complexes du racisme anti-arabe ou anti-musulmans que chaque groupe peut subir distinctement au quotidien.

L'islamophobie n'existe pas statistiquement

Statistiquement, l'islamophobie n'existe pas ! Statistiques Canada, l'un des organismes gouvernementaux parmi les plus précis sur les statistiques ethniques, culturelles et religieuses au monde, n'utilise pas le terme « islamophobie ». À plus forte raison que ce terme créerait une confusion entre les statistiques ethniques concernant les Asiatiques occidentaux (Arabes, Maghrébins, etc.) et les statistiques religieuses à propos des musulmans. Rappelons plutôt deux fois qu'une. Un Arabe n'est pas forcément musulman et vice versa, une catégorie « islamophobie » génèrerait un désordre statistique par l'interaction de critères ethniques et religieux au point d'en fausser la réalité.

Par ailleurs, il faut comprendre que l'islamophobie ce n'est pas l'addition systématique des statistiques relatives aux discriminations à l'encontre des Arabes et des musulmans. Agir comme tel est méthodologiquement erroné ! Ne serait-ce que les actes haineux à l'encontre de plus de 50% d'Arabes non-musulmans au Québec, seraient comptabilisés à tort dans les statistiques de l'islamophobie.

Enfin, ce concept laisse sous-entendre une religiosité particulièrement plus élevée chez nos concitoyens musulmans. Ce qui est faux ! La vaste majorité des musulmans ne sont pas membres d'une association musulmane ou d'une mosquée tel le rapporte le chercheur Paul Eid dans la Synthèse des résultats. La ferveur religieuse et les demandes d'accommodement religieux : une comparaison intergroupe.

Toujours la faute à l'islamophobie : la conquête politique des communautés musulmanes

Quand plusieurs causalités aboutissement systématiquement à la même conclusion, soit il y a convergence d'intérêts, soit la conclusion est fausse. En voici deux exemples : a) quand il y un loup solitaire qui frappe au nom de l'islam, c'est à cause de l'islamophobie ambiante. b) Quand un meurtrier tue des musulmans parce que musulman, c'est à cause de l'islamophobie ambiante.

L'accusation d'islamophobie est une paresse intellectuelle, elle ne permet pas de débusquer les mécanismes négatifs qui affectent une communauté plutôt qu'une autre.

Que ce soit le chômage plus élevé chez les Arabes québécois ou un revenu moyen familial moindre chez nos concitoyens musulmans, c'est toujours la faute à l'islamophobie. L'accusation est convenable, voire facile. Pour le sociologue québécois Ali Daher c'est plus complexe. L'accusation d'islamophobie est une paresse intellectuelle, elle ne permet pas de débusquer les mécanismes négatifs qui affectent une communauté plutôt qu'une autre.

Pire ! Dans l'étude, la construction de l'islamité et l'intégration sociale des musulmans selon la perspective des leaders musulmans au Québec, le sociologue considère que l'islamophobie est devenue le porte-étendard de lobbys religieux et pour les politiques, elle est devenue la quête des votes d'une « communauté musulmane » considérée comme monolithique. Ainsi, affirme-t-il, dans l'imaginaire politique, les modalités d'insertion de l'islam dans l'espace public visent à moyen terme plus à une intégration communautaire des musulmans en tant que collectivité religieuse que sur une base individuelle.

Comme tout concept nouveau, l'islamophobie prête à controverse. Du point de vue méthodologique, l'islamophobie est difficilement mesurable sans faire d'amalgame (ethnie- religion) ou sans nier la pluralité des communautés assimiler à tort pour certaines à l'islamité ou l'arabité. C'est pourquoi au lieu de céder à la facilité de la belle sonorité, nous proposons aux médias de remplacer l'islamophobie par racisme anti-arabe et discriminations anti-musulmanes. Ces deux indicateurs mesureront plus efficacement les discriminations et le racisme dont peuvent être affectés nos concitoyens arabes ou musulmans québécois sans prêter à une quelconque confusion.

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