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Irwin Cotler, humble défenseur des droits humains et de la démocratie

Un mentor pour plusieurs!
Irwin Cotler à Genève
EPA/SALVATORE DI NOLFI
Irwin Cotler à Genève

Irwin Cotler a 79 ans. Nous ne sommes pas de la même allégeance politique.

Il a été député et ministre de la Justice sous un gouvernement libéral à la Chambre des communes du Canada. Je suis souverainiste et péquiste depuis mon adolescence. D’aussi loin que je me souvienne et depuis que je connais Irwin Cotler, car c’est de lui dont je voudrais vous parler, jamais il ne m’a reproché ou mentionné négativement mes allégeances politiques. Au contraire.

Chaque fois que je le rencontre, il insiste pour parler en français. Maintes fois, il a souligné le fait que le Québec comptait sur de grands penseurs et hommes politiques qu’il avait rencontré dont René Lévesque, Lucien Bouchard, Jacques Parizeau, Bernard Landry et un grand intellectuel, Jean-François Lisée, avait-il ajouté un jour en m’encourageant à aller travailler avec lui.

Il n’avait pas croisé Pauline Marois.

Les milieux francophones ne le connaissent pas vraiment. Pourtant!

C’est le Montréalais qui a assuré la défense de prisonniers politiques comme Natan Sharanski, celle de Nelson Mandela… et de bien d’autres moins célèbres.

Et c’est lui qui assure, entre autres, la défense de Raif Badawi, de Samar Badawi et de Waleed AbulKhair. Tous trois emprisonnés pour leurs opinions en Arabie Saoudite.

C’est le plus grand défenseur international des prisonniers politiques, des droits de l’homme et de la démocratie au Québec. Tous siècles confondus.

Irwin Cotler aux côtés de Biram Dah Abeid, un ancien prisonnier politique de Mauritanie qu'il a défendu. Monsieur Abeid a reçu le Prix du Courage à Genève.
Courtoisie/Évelyne Abitbol
Irwin Cotler aux côtés de Biram Dah Abeid, un ancien prisonnier politique de Mauritanie qu'il a défendu. Monsieur Abeid a reçu le Prix du Courage à Genève.

Il m’arrive de le rencontrer régulièrement pour discuter stratégies, géopolitique, religions, athéisme, liberté de conscience, liberté de presse, et autres sujets délicats qui m’habitent, dont un peu trop souvent, pour élaborer la prochaine étape pour la défense de Raif, de Samar, et celle de Waleed.

Après chacune de nos rencontres, je me retrouve revigorée, pleine d’espoir envers l’humanité. Prête à m’impliquer de nouveau dans des actions concrètes pour faire avancer des idées progressistes à la défense de celles et ceux emprisonnés pour avoir défendu des idées «libérales» dans des théocraties ou dans des dictatures affirmées.

Je l’ai suivi à Genève pendant le Sommet de UN Watch à Genève en février 2020, alors qu’il revenait d’une mission à Londres.

Au cours de la journée, il a prononcé trois discours, sans appui papier, ou alors avec quelques notes brièvement dessinées sur un napperon. Aucun des trois discours ne se répétait. C’était fascinant d’en être témoin.

Le premier discours portait davantage sur Raoul Wallenberg, le héros, le deuxième, sur les droits de l’homme et les prisonniers politiques et le troisième, sur la démocratie. Les trois encourageaient notre rôle comme citoyens du monde à ne jamais baisser les bras et devenir les porte-voix pour celles et ceux qui ne peuvent pas s’exprimer parce qu’ils ont été assassinés ou parce qu’elles/ils sont emprisonnés pour leurs idées politiques ou de liberté.

Je vous parlerai de la deuxième prise de parole de la journée à la Mission permanente du Canada aux Nations Unies, où notre délégation canadienne, invitée au sommet de Genève, était accompagnée des orateurs participants. Chacun devait exprimer, devant les représentants de plusieurs pays membres des Nations Unies, des demandes concrètes d’intervention publique adressées à leur gouvernement.

Avant que la parole ne leur soit donnée, le professeur émérite de l’université McGill, Irwin Cotler, a pris la parole pour d’abord rappeler que cette année 2020 en est une d’importance puisqu’elle souligne le 75 anniversaire de l’Organisation des Nations-Unies (ONU).

Puis, il a enchainé en rappelant les paroles de Kofi Annan qui, en maintes occasions, avait insisté sur le fait que des Nations Unies qui ne placent pas les droits de la personne en priorité dans leur agenda, trahissent les bases de sa fondation et ne tiennent pas compte de l’avenir de l’humanité.

Il a ensuite rappelé qui était Raoul Wallenberg, diplomate suédois, le premier grand citoyen d’honneur d’Israël et du Canada, le plus grand humaniste du 20 siècle, ce héros qui, grâce à sa ruse, sa bravoure et son courage d’agir a réussi à sauver, entre autres, 10 000 juifs hongrois.

Puis, Irwin Cotler a terminé son hommage au diplomate suédois assassiné lâchement, Raoul Wallenberg, en rappelant qu’à lui seul, par sa compassion, il a fait face à l’horreur et a ainsi transformé l’histoire.

Loin d’en avoir fini avec les modèles qui doivent nous servir d’exemples à agir, Cotler enchaine «avec les paroles du sage Maïmonide, digne représentant de l’âge d’or d’Andalousie, qui avait affirmé que le monde se divise en deux, celui du bien et celui du mal.»

Et qu’il est essentiel que nos actions soient orientées du côté du bien, pour qu’un jour elles aient un effet cosmique, et que la balance penche finalement du côté du bien dans le grand livre du mal.

«Qu’aujourd’hui, nous devons parler au nom des prisonniers politiques pour qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls, que nous sommes solidaires. Ils doivent savoir que nous défendrons leur cause et que nous parlerons en leur nom jusqu’à ce qu’ils soient libérés. Que notre voix soit forte et solide afin que le Conseil des droits de l’homme demande des comptes pour que justice soit faite et que les responsables de ces violations et ces exactions des droits humains ne restent pas impunies. Nous ne cesserons pas de parler d’eux et nous ne reculerons pas tant que leur liberté ne sera pas garantie», a-t-il alors conclu.

Sans se contenter d’une présence et des discours sur place, de nombreuses rencontres de haut niveau ont eu lieu entre les sessions. Une d’elles, la course pour aller rencontrer Mme Michelle Bachelet, ex-présidente du Chili, actuelle Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Une discussion à propos de la situation générale des droits humains dans le monde ainsi que l’aide requise pour soutenir et agir afin de libérer les prisonniers politiques dont Me Cotler est le représentant légal.

Irwin Cotler est le président du Centre Raoul Wallenberg pour les droits humains. Lorsqu’il propulse les idées et les actes de bravoure du diplomate suédois, il ne manque pas de nous rappeler que les femmes et hommes inspirants, comme le Juste Wallenberg, qui ont agi dans des conditions extrêmement difficiles, doivent guider nos actions quotidiennes, nous qui vivons dans des pays qui nous offrent une certaine sécurité.

“Vous savez comment on reconnait un grand homme?Lorsque le respect qu’il démontre envers les êtres humains, qui le côtoient quotidiennement, n’est pas altéré.”

Ce n’était pas la première fois que j’assistais à Genève au Sommet annuel international de l’organisme UN Watch. Mais c’est la première fois que mon attention a davantage été attirée par un des orateurs principaux venant d’un pays démocratique.

On adule les hommes et on leur rend hommage lorsqu’ils disparaissent.

Je tiens à ce que les francophones du Québec connaissent et reconnaissent l’apport de ce grand Montréalais.

Vous savez comment on reconnait un grand homme?

Lorsque le respect qu’il démontre envers les êtres humains, qui le côtoient quotidiennement, n’est pas altéré. Que sa personnalité publique concorde parfaitement avec sa personnalité privée. Qu’aucun décalage n’existe entre les deux.

Lorsqu’il parle de respect? Il le démontre!

Rares sont les personnalités publiques pour lesquelles nous pouvons affirmer ce qui précède.

Sur une note personnelle, je n’ai jamais eu de mentors au cours de ma vie professionnelle. J’ai été et je suis le mentor de plusieurs jeunes. Mes mentors ont été des écrivains et des poètes: Emmanuel Levinas, Milena Jesenskà, Rainer Maria Rilke, Lou Andreas-Salomé et André Breton.

Irwin Cotler est devenu, et j’en suis fière, mon mentor au cours des dernières années.

Irwin Cotler n’est pas le seul à pouvoir dire aujourd’hui que Mandela demeure «une des deux grandes inspirations de sa vie [avec Élie Wiesel]», rapportait Yves Boisvert dans La Presse en 2013.

Aujourd’hui, très certainement, au lendemain du Sommet de Genève 2020, il ajouterait plusieurs noms à cette liste: Raif Badawi (Arabie Saoudite), Waleed Abulkhair (Arabie Saoudite), Samar Badawi (Arabie saoudite), Shaparak Shajarizadeh (Iran), Ilham Tohti (Chine), Biram Dah Abeid (Mauritanie), Van Kham Cha (Vietnam), Yavuz Aydin (Turquie), Laritza Diversent (Cuba) Shahbaz Bhatti, Pakistan, Geraldin Orozco, (Venezuela), Rebecca Kabuo (République démocratique du Congo) et tant d’autres!

Et nous pouvons ajouter le nom de ce grand Montréalais à notre liste personnelle d’inspiration!

Merci, honorable Irwin Cotler, pour votre humilité, pour votre immense énergie et votre travail incessant auprès des sans-voix.

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