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Le dur refus de combattre les inégalités

Le bon docteur Couillard n'aurait jamais demandé à un fumeur cardiaque de fumer davantage. Pourtant, devant le problème des inégalités sociales, il n'entrevoit comme solution que d'en créer davantage.
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Le bon docteur Couillard, lorsqu'il exerçait la médecine, n'aurait jamais demandé à un fumeur cardiaque de fumer davantage. Au grand jamais, il n'aurait ordonné à une jeune femme anorexique de se priver encore plus de nourriture. Pourtant, depuis qu'il est devenu premier ministre, il semble avoir perdu son bon jugement. Devant le problème universellement reconnu des inégalités sociales, il n'entrevoit comme solution que d'en créer davantage.

Il ne peut certes pas jouer à l'innocent. Même des organisations qu'il estime aussi irréprochablement à droite que le Fonds monétaire international (FMI) ou le Forum économique de Davos ont relevé à plusieurs reprises la gravité du phénomène. De nombreux experts ne cessent de rappeler les coûts élevés et les problèmes de sécurité provoqués par les inégalités. L'économiste Thomas Piketty a écrit un best-seller incontournable sur le sujet. Mais, plus que tout, de très nombreux indicateurs ne cessent de rappeler à quel point le problème est croissant et alarmant.

N'importe qui aurait tiré les conclusions qui s'imposent: ces inégalités doivent être réduites, et au plus vite. Mais de nombreux gouvernements à travers le monde, et plus particulièrement celui de Philippe Couillard, ne raisonnent malheureusement pas ainsi.

Nous l'avons appris à nos dépens, Couillard et ses libéraux préfèrent couper partout dans les services publics et dans les programmes sociaux. Or, peu de mesures ne garantissent davantage l'équité que de fournir des services essentiels accessibles et sans discrimination aucune. Par exemple, une éducation de qualité et bien financée donne aux gens des outils précieux pour améliorer leur situation.

Encore faut-il être en mesure de pouvoir nous offrir ces services, rappellent constamment les libéraux. Mais leur objectif véritable n'est pas de dépenser selon nos moyens, qui peuvent être variables selon nos besoins, mais d'offrir de nouvelles baisses d'impôts. Ainsi, la satisfaction individualiste d'avoir un peu plus de sous dans les poches à la fin de l'année vaut beaucoup plus à leurs yeux que de voir à ce que les besoins vitaux de toute la population soient comblés le mieux possible.

Compenser ces baisses d'impôts par une hausse des tarifs et des taxes à la consommation n'est pas non plus une solution. Ce choix est régressif et entraîne des coûts proportionnellement plus élevés pour les démunis.

Mais aussi, il force les plus pauvres, épargnés par l'impôt progressif justement parce qu'ils n'ont pas d'argent, à contribuer au-delà de leurs moyens, alors que les plus riches sont relativement peu touchés.

Bref, une pareille mesure est un affront à l'intelligence quand on parle de réduire les inégalités.

Ainsi doit-on alors se poser des questions fondamentales et existentielles. Mais pourquoi donc des gens compétents dans leur domaine deviennent-ils tellement irraisonnables dès qu'ils ont pris le pouvoir? Pourquoi oublient-ils à ce point leurs responsabilités d'élus et leurs devoirs envers la population? Comment ont-ils pu se transformer en ces trois petits singes qui ne voient pas, n'entendent pas et ne disent plus rien de pertinent?

Essayons quelques explications. Intoxiqués par les idées de certains penseurs néolibéraux, Philippe Couillard et ses acolytes ne comprennent plus la réalité qu'à travers le cadre étroit du dogme. Admettre l'inadéquation entre leurs apprentissages et l'efficacité de leurs politiques les mettrait dans un état de dissonance cognitive qu'ils ne pourraient pas supporter.

Coincés dans leur classe sociale, celle des ultraprivilégiés du 1% les plus riches, ils vivent dans un univers parallèle qui les rend incapables de se mettre à l'écoute de propos différents. Et à force de n'entendre que leurs pairs, ils finissent par croire (ou faire semblant de croire) en leurs sophismes. Ils ne pensent qu'en fonction des intérêts de cette classe sociale, mus par une incurable cupidité et une très grande absence de compassion. Leur seule rationalité est celle de leurs intérêts financiers. Et ils semblent préférer une fonction de valet au service du pouvoir financier à celle de politiciens attentifs et compétents.

La vérité est peut-être un cocktail de ces différents énoncés, à doses variables. Et pourtant, tout cela nous laisse encore insatisfait. D'abord parce qu'on garde l'impression que de pareilles constatations échappent encore et malgré tout au bon sens. Ensuite, parce que comprendre cette réalité ne parvient pas à résoudre le problème majeur d'incommunicabilité entre le gouvernement et la population.

L'incapacité de combattre les inégalités provient aussi d'un interminable dialogue de sourds. Malgré les manifestations, les levées de cours, les blocages, les actions de dérangement, les chaînes humaines autour des écoles et un premier mai extraordinairement animé, malgré d'innombrables témoignages de citoyens ou de responsables d'organisation inquiets d'injustices qui se perpétuent, les libéraux continuent d'aller à l'envers du bon sens. Comme le disait Victor Hugo, dans leur obsession de réduire les budgets, ils ont «la certitude aveugle de la flèche qui ne voit que le but et qui y va.» Leur incapacité de s'ouvrir met sérieusement en cause leur compétence à gouverner.

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