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Incursion lumineuse dans le monde mystérieux des maladies mentales

«Quelqu’un avec des problèmes de santé mentale, c’est aussi quelqu’un qui réclame d’avoir de la joie!»

Florence Meney était un peu nerveuse, le matin où elle se trouvait à l’unité Perry 2A de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, là où sont gardés en détention de nombreux patients jugés non criminellement responsables. Elle attendait de rencontrer la coordonnatrice de l’unité. Quand celle-ci est apparue, Florence a été éblouie par la belle lumière dorée qui flottait dans l’unité et qui se reflétait dans ses cheveux blonds.

«La lumière, les patients avec qui elle parlait... Il y avait une beauté! Et c’est cette lumière-là que j’ai voulu mettre dans le livre», raconte la co-auteure de Ma tête, mon amie, mon ennemie.

L’idée de base de cet ouvrage, qui rassemble une douzaine de portraits, était justement d’apporter une nouvelle couleur à tout ce qui se fait sur le sujet (c’est d’ailleurs pour cette raison que la couverture du livre est jaune). Les campagnes de sensibilisation ou les articles dans les médias qui parlent de santé mentale sont presque toujours accompagnés d’images de personnes dans un coin sombre, se prenant la tête, remarque Florence Meney, en cette semaine de sensibilisation aux maladies mentales.

«Quelqu’un avec des problèmes de santé mentale, c’est aussi quelqu’un qui réclame d’avoir de la joie!»

«Ma tête, mon amie, mon ennemie» est publié aux éditions Trécarré.
Courtoisie/Trécarré
«Ma tête, mon amie, mon ennemie» est publié aux éditions Trécarré.

Ma tête, mon amie, mon ennemie dresse le portrait de personnes vivant avec des troubles de santé mentale et de professionnels œuvrant dans le milieu: des «visages inspirants de la santé mentale». On y lit des témoignages touchants, comme celui de Bernard, un homme schizophrène qui «ne laisse plus la maladie le définir», celui de Camille, une jeune femme qui a frôlé la mort à cause de ses troubles alimentaires, ou celui de Michel, ce préposé devenu infirmier, puis gestionnaire de l’urgence de l’Institut en santé mentale de Montréal, que rien ne destinait à travailler dans ce milieu, mais qui affirme que «c’est la psychiatrie qui [l’a] choisi».

«J’ai découvert un monde incroyable»

Florence Meney, qui a été journaliste pendant 25 ans, l’avoue d’emblée: il y a quelques années encore, elle ne connaissait pas grand-chose à la santé mentale. Jusqu’à ce qu’elle devienne responsable des relations médias à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, puis à l’Institut en santé mentale de Montréal (qu’on appelait anciennement «Louis-H. Lafontaine»).

«Au début, j’étais intimidée par le milieu, par les patients qui se promenaient dans les couloirs… et au fil des rencontres, j’ai découvert un monde incroyable, insoupçonné, raconte Florence, qui est aujourd’hui responsable des relations médias au CHU Sainte-Justine. Toute cette richesse, personne n’en entend parler.»

Alain Labonté et Florence Meney
Blanches Bulles Studio
Alain Labonté et Florence Meney

Lorsqu’elle a rencontré Alain Labonté, qui travaille notamment comme attaché de presse pour Les Impatients, un organisme venant en aide aux personnes atteintes de problèmes de santé mentale par l’expression artistique, Florence a su qu’il était la bonne personne avec qui travailler sur le sujet. La mère d’Alain s’est remise d’une dépression majeure grâce à des traitements d’électrochocs – un chapitre étonnant est d’ailleurs consacré à ce sujet, sous forme d’entrevue avec le Dr David Bloom, chef médical du programme des troubles psychotiques et membre de l’équipe du service de sismothérapie à l’Institut Douglas.

«On avait envie de parler de choses inspirantes, sans que ce soit jovialiste», précise Florence.

«Bâtir des ponts»

Oui, on parle plus de santé mentale qu’on en parlait il y a une dizaine d’années, mais la conversation reste un peu superficielle, constate l’auteure.

«L’idée, c’est de bâtir des ponts, de briser la solitude. C’est une goutte d’eau dans la mer des avancées. Il reste encore beaucoup de chemin à faire.»

La solitude reste encore un des maux les plus ravageurs, pour les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, constate-t-elle.

«Il ne faut pas avoir peur de s’intéresser à ceux qui sont en souffrance. Souvent, on a peur parce que ça nous renvoie notre fragilité. Mais parler avec quelqu’un, juste trois minutes, ça peut faire une différence pour une personne qui veut retrouver le chemin de la guérison.»

Cela recoupe d’ailleurs le discours de Michel Lahaie, cet infirmier de l’Institut en santé mentale de Montréal, maintenant retraité, qui raconte dans le livre comment il a souvent désamorcé des situations avec des patients jugés «dangereux», juste en leur parlant, et comment des solutions simples peuvent changer leur vie. Comme cet homme qui revenait sans cesse à l’urgence, parce qu’il se promenait au centre-ville en parlant fort: il se chicanait avec les voix dans sa tête et faisait peur aux passants.

«Eh bien, nous avons réglé la question en lui mettant un faux appareil téléphonique sans fil Bluetooth sur les oreilles, relate Michel dans le livre. Il avait l’air de se chicaner au téléphone, ce qui, apparemment, est beaucoup plus acceptable aux yeux de la société des bien portants. On ne l’a plus revu à l’urgence.»

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