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Inclusion: message aux patrons qui embaucheront mon fils

Un travailleur en situation de handicap n’a pas les mêmes opportunités de décrocher un emploi que d'autres travailleurs. Certains se diront peut-être: «C’est évident!» Mais comment se fait-il que ça puisse sembler évident?
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En octobre, on souligne le Mois national de la sensibilisation à l’emploi des personnes handicapées.

Pourquoi est-ce important d’avoir un mois comme celui-là?

Parlons franchement. Un travailleur en situation de handicap n’a pas les mêmes opportunités de décrocher un emploi qu’une personne qui n’est pas en situation de handicap. Certaines personnes se diront peut-être: «C’est évident!»

Mais comment se fait-il que ça puisse seulement sembler évident?

Comment se fait-il que l’on considère «normal» qu’une personne à mobilité réduite, ou sourde, ou aveugle, ou autiste, ou ayant une déficience intellectuelle ou une maladie mentale - ou tout autre état distinctif - ait moins de chance de travailler?

Pourquoi est-ce qu’on considère, encore aujourd’hui, que ces personnes différentes de la majorité sont «défectueuses», alors qu’en fait, elles sont simplement comme elles sont?

Si vous le voulez bien, remplaçons d’abord l’expression «personne handicapée» par «personne en situation de handicap», pour changer notre perspective collective.

En effet, le handicap naît de la relation d’une personne à son environnement. Si l’accès à un bâtiment est une porte tournante, une personne en fauteuil roulant vit une situation de handicap. S’il faut entendre un signal sonore X pour savoir quand débuter et arrêter une tâche, un travailleur sourd vit une situation de handicap. Si l’ordre des tâches à effectuer n’est pas clair, une personne ayant une déficience intellectuelle pourrait vivre une situation de handicap. Si on ne lui explique pas certaines règles sociales non écrites du milieu de travail, une personne autiste pourrait vivre une situation de handicap.

Vous-même connaissez ce «feeling»: vous avez déjà visité un pays dont vous ne parliez pas la langue et vous ne pouviez communiquer efficacement – vous viviez en quelque sorte une situation de handicap. Vous avez déjà eu des béquilles temporairement et avez dû vous battre contre toutes les portes qu’il fallait tirer vers vous pour entrer au bureau. Vous vous êtes retrouvé pendant la pandémie à devoir travailler à la maison tout en ayant vos enfants avec vous et n’aviez plus le niveau de concentration optimal pour faire votre travail. Vous vous êtes retrouvé à devoir utiliser un logiciel inconnu sans avoir de formation adéquate et cela a compliqué votre travail pendant plusieurs semaines, le temps que vous compreniez l’outil.

Dans votre cas, tout ceci était temporaire. Et l’anxiété que cela a générée en vous l’était aussi. Pour les personnes en situation de handicap, c’est souvent comme ça tous les jours, jour après jour...

Si un milieu de travail s’adapte à la réalité du travailleur «handicapé», la situation handicapante disparaît: une porte automatique au lieu de la porte tournante, et ce travailleur qui se déplace en fauteuil roulant pourra entrer au bureau.
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Si un milieu de travail s’adapte à la réalité du travailleur «handicapé», la situation handicapante disparaît: une porte automatique au lieu de la porte tournante, et ce travailleur qui se déplace en fauteuil roulant pourra entrer au bureau.

Si un milieu de travail s’adapte à la réalité du travailleur «handicapé», la situation handicapante disparaît: une porte automatique au lieu de la porte tournante, et ce travailleur qui se déplace en fauteuil roulant pourra entrer au bureau. Un signal lumineux accompagnant l’alarme sonore habituelle, et ce travailleur sourd pourra travailler. Une liste des tâches à effectuer qu’on peut cocher, écrite dans un langage simple, et ce travailleur ayant une déficience intellectuelle accomplira son travail aussi efficacement que ses collègues. Prenez le temps de lui expliquer les règles implicites du milieu de travail de manière constructive, et cette personne autiste saura, pour la prochaine fois.

Mais il y a aussi toutes ces idées qui nous ont été transmises inconsciemment. Nos doutes sur les aptitudes ou la productivité des travailleurs «handicapés», sur leur capacité en matière de santé et sécurité au travail, sur leur taux d’absentéisme, nos peurs que ce soit compliqué ou qu’on ne sache pas comment faire, ou quoi dire… toutes ces autres barrières intangibles à franchir pour arriver à la véritable inclusion.

Rassurez-vous: des études ont démontré que les personnes en situation de handicap sont considérées au moins autant sinon plus productives, compétentes et respectueuses des normes de santé et sécurité au travail que les autres travailleurs. Elles ont aussi un taux d’absentéisme et de roulement inférieur à celui des travailleurs non handicapés. Elles sont considérées comme motivées, compétentes et loyales. De plus, la grande majorité des clients préfèrent faire affaire avec des entreprises qui favorisent l’inclusion, car cela démontre une responsabilité et un engagement social.

“Focalisez sur ce qu’elle peut faire plutôt que d’imaginer ce qu’elle ne peut pas faire.”

Rappelons-le: le handicap prend racine dans la relation d’une personne à son environnement. Et nous sommes tous, collectivement, responsables de cet environnement, de ce contexte que nous créons.

Quand vous rencontrerez une personne en situation de handicap en entrevue d’embauche, posez-lui des questions reliées aux tâches qu’elle aura à effectuer. Focalisez sur ce qu’elle peut faire plutôt que d’imaginer ce qu’elle ne peut pas faire. Prenez le temps de connaître les travailleurs différents. Discutez avec eux de leurs besoins. Usez de créativité pour les accommoder. Mettez les collègues dans le coup en favorisant le mentorat ou la collaboration. Faire preuve d’ouverture permet aux employeurs de miser sur une excellente main-d’œuvre trop souvent sous-estimée.

“La pandémie nous a démontré notre capacité collective à réinventer rapidement le monde du travail.”

Et, au-delà du travailleur ou de l’employée, intéressez-vous à la personne. Ne soyez pas gêné ou intimidé par sa différence. Elle est comme vous: elle est allée ou va à l’école, elle a une famille, elle fait son épicerie, elle rit, pleure, se fâche, aime, vote, paye ses impôts (quand elle travaille!) et a des plans, des objectifs, des passions, des rêves...

La pandémie nous a démontré notre capacité collective à réinventer rapidement le monde du travail. Il suffit d’un pas de plus pour saisir l’opportunité d’adapter nos manières de faire de façon à inclure l’ensemble des chercheurs d’emploi au marché du travail.

Parce que vous le savez: un travail, c’est plus qu’un chèque de paye. C’est valorisant. C’est du pouvoir économique. Le sentiment de participer et d’être utile. Un réseau social. De la dignité.

Comme maman d’un magnifique enfant autiste à qui je souhaite de trouver un emploi à son goût plus tard, comme cinéaste qui côtoie l’univers des «différents» et leur lutte contre les préjugés et comme professionnelle de l’employabilité, je pense qu’il est temps de reconnaître que chaque personne a ses forces, ses aptitudes et son potentiel.

Les employeurs inclusifs l’ont compris: il suffit de connaître, comprendre les besoins et communiquer avec chaque employé pour savoir tirer le meilleur de chacun, «handicapé» ou pas.

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