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Pas touche les retouches

Tu sais, si on se trouvait extra même quand on est ordinaires, je ne suis pas forte en calcul, mais il me semble que ça fait qu'on se trouverait extraordinaire.
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Hier matin, je suis tombée sur cette photo et ce texte et ça a fait ma journée, pour ne pas dire ma semaine au grand complet.

Kudos to Kate Winslet for taking a stand against the unrealistic beauty standards being fostered by the widespread use...

Posted by A Mighty Girl on Monday, October 26, 2015

« Kate Winslet a fait ajouter une clause "sans retouche photo" dans son contrat avec L'Oréal, clamant que nous avons une responsabilité envers les femmes de la jeune génération ». (traduction libre)

C'est pas mêlant, je lui ai fait un standing ovation, debout devant mon laptop à la maison à crier « Kate je t'aime! »

Mais je l'aimais déjà parce que ce n'est pas la première fois que la Rose du Titanic prend position en tant que femme qui en a ras le pompon de cette obsession de la beauté, de la minceur et de l'éternelle jeunesse. Bref, tout ce qu'on nous montre dans les films et les magazines et qui n'existe pas?

Déjà en 2003, elle ne s'était pas gênée pour dénoncer le magazine GQ qui avait aminci ses cuisses via le logiciel trompeur. Puis, en 2013, alors qu'elle faisait la une du magazine Vogue, elle a vivement déploré le fait que sa photo ait été beaucoup, et surtout inutilement retouchée.

Parce que c'est toujours le fun de voir une photo de soi et de dire « Ben voyons! C'est comme moi...mais pas moi! WTF! »

L'autre bonne nouvelle, c'est que ce courant de femmes qui en ont plein le cul de garder ce dernier toujours entre les tailles 4 et 0 se fait de plus en plus présent. Récemment, Jennifer Garner disait en entrevue que c'en était fini des régimes drastiques pour elle, Hollywood ou pas. Plutôt que d'arrêter de manger pour essayer d'entrer dans une robe, elle a décidé de désormais mettre ses énergies à trouver une robe qui lui va bien à la place. On se doute qu'elle ne doit pas passer ses journées au McDo à se faire supersizer le trio, mais venant d'une fille qui a longtemps été aussi réputée pour son jeu d'actrice que pour son corps, ça fait du bien à entendre et à lire.

«Je suis bonne côté nourriture à peu près 80% du temps. Je me suis rendu compte que je ne peux juste pas servir de la pizza sans en manger moi-même et mes enfants mangent beaucoup de pizza.» - Jennifer Garner (traduction libre)

Même la plus célèbre des amies de E.T., Drew Barrymore a décidé de casser avec le régime et l'entraînement intensif.

« Je n'ai jamais été superbe en maillot de bain et maintenant (que j'ai eu des enfants), je le suis encore moins. J'ai de la cellulite, mais je préfère de loin avoir mes enfants qu'être superbe en maillot. Avoir un corps de feu, ce n'est pas pour moi. »(traduction libre)

En tant que femme qui n'a jamais eu un corps de feu parce que je suis une bonne vivante qui aime bien manger (mes moments de plus grande minceur correspondent avec ceux de mes dépressions, ça en dit long!), tout ça me réjouit infiniment. Parce qu'on a beau essayer de toutes les fibres de son corps de ne pas adhérer à ce cirque, d'être bien dans sa peau même quand on en a trop, on essaie toutes de temps en temps d'être « belle » selon ces sacrés standards et c'est normal: nous sommes constamment bombardées d'images de femmes supposées parfaites. On les trouve donc belles et on voudrait leur ressembler ne serait-ce qu'un tout petit peu.

Pourquoi vous pensez que la plupart des femmes qui sont des top models racontent qu'elles se sont faites arrêter dans la rue par quelqu'un qui a lancé leur carrière? Parce qu'elles ne sont PAS la norme !

Tu n'arrêtes pas les gens sur la rue pour leur dire qu'ils sont ordinaires, il me semble! Et on le sait, même les plus parfaites des parfaites sont généralement retouchées, elles aussi!

La preuve, regardez cette vidéo de femmes « photoshopées » pour avoir l'air de mannequin.

À la longue, on se résigne, on se conforme et on se dit que c'est ce qui est désiré et attendu et on essaie de rentrer dans le moule. On se beurre la face, on se raidit la mèche, on s'épile jusqu'au Brésil, on se rentre la bedaine et on prend de la salade à la place de la poutine sans dessert parce qu'on ne sait jamais, peut-être qu'en faisant tout ça, on va finir par être la hauteur et moins à la largeur?

Combien de fois je suis allé à des auditions en me disant que je perdais mon temps parce que j'avais probablement les dents pas assez blanches, ni droites, et la cuisse un peu trop large et molle pour qu'on me considère pour le rôle?

Combien de fois, au restaurant ou à table avec d'autres personnes, j'ai pris une deuxième portion ou un dessert en disant quelque chose comme: « Soyons réalistes, je ne suis pas devenue grosse de même en buvant de l'eau et en mangeant de la salade! » Ça fait rire, ben oui, mais en fait ce que je dis c'est « Avant que tu me traites de grosse dans ta tête, laisse-moi le faire à voix haute, ça va être réglé. »

Combien de fois j'ai dit à des gens que je ne voulais pas qu'ils publient une photo avec moi dessus parce que ce jour-là je me sentais grosse, pas belle ou les deux (la plupart du temps, les deux, of course)?

Combien de fois je me suis cachée lors d'une prise de photo parce que je n'étais pas maquillée, coiffée ou à mon goût? Ça fait 25 ans, VINGT-CINQ ANS, que je ferme la bouche sur les photos parce qu'on m'a déjà dit que je devrais faire arranger mes dents et depuis, je ne vois que ça et je les cache. Mes parents qui m'ont payé 4000$ de broches sont ben ben fiers.

Combien de fois, quand on m'a dit que j'étais belle ou jolie, j'ai dis « Ah, merci tu es donc bien fin(e), mais pour vrai... c'est juste bien du maquillage et un bon éclairage!»

Et combien d'autres fois je me suis mise à angoisser quand, lors d'une soirée où j'avais mis le paquet à me préparer, PERSONNE ne m'a dit que j'étais belle ou jolie?

Tu me dis que je suis belle, je ne me sens pas bien. Tu ne me le dis pas, je ne me sens pas bien non plus. On s'entend que rendu là, il y a quelque chose qui ne marche pas!

Donc, j'ai décidé que j'en ai juste plein mon casque de mettre autant de temps, d'efforts et d'énergie à être ce qu'on appelle « belle ». Je le disais déjà dans mon livre, j'ai passé 25 ans à essayer de perdre 25 livres et tout ce que j'ai perdu, c'est 25 ans. Méchant beau régime de vie, hein?

Pour vous dire comme ça ne nous lâche jamais, voici ma dernière anecdote de « Je ne suis pas assez belle ». Et par dernière, je veux dire que ça vient d'arriver, mais aussi que j'espère que ça ne m'arrivera plus. La semaine passée, ma co-auteure et moi étions en studio pour faire le photoshoot de promo de notre livre avec certaines des femmes qui en font partie, le tout pour une revue très populaire qui sera en kiosque le 5 novembre. Et là, on parle d'un article avec photos et de la couverture du magazine, la grosse affaire. Juste ça, ça m'a fait angoisser une couple de jours à me demander ce que j'allais porter et si c'était possible de perdre 20 livres en une semaine. Finalement, j'ai mis un chandail que j'ai mis mille fois (parce que je trouve qu'il fait une bonne job à me camoufler le bourrelet ) et j'ai bien dû perdre 450 grammes à culpabiliser chaque fois que je mangeais quelque chose qui a bon goût.

Comme on allait se faire maquiller sur place, on devait arriver sans maquillage et quand je dis sans, je veux dire zéro. Et ça, pour bien des filles, c'est presque comme être nue, tout court. C'est-à-dire tentant comme un traitement de canal.

Les vedettes de notre livre étaient maquillées et photographiées en premier, puis nous par la suite. Le hic, c'est qu'on voulait vraiment prendre une photo avec Chantal Lamarre qu'on aime tellement, mais qui elle, devait quitter avant que nous ayons été maquillées et coiffées. On a donc pris la photo et, sans même l'avoir vue, je me suis dit «*sti que ça s'en va nulle part cette photo-là, à part dans mes souvenirs, à moins qu'Annie veuille la publier et, si c'est le cas, je vais lui dire de m'enlever de la photo avant.». Parce que dessus, j'ai zéro maquillage, j'ai le cheveu sur le bord de la dépression, j'ai un deuxième menton qui essaie de me pousser, bref, je me déteste solide.

Et c'est complètement ridicule, parce que premièrement, je ne suis pas mannequin, ce n'est pas ma job d'être belle! Moi, ma job c'est d'être drôle. Et deuzio, cette photo-là, c'est le souvenir d'un beau moment avec deux personnes que j'aime, mais comme je trouve que la photo ne me met pas assez en valeur, il faudrait que je la cache?

Alors j'ai décidé que fuck off. Ben oui, les gros mots toi, parce que je suis ben BEN tannée. Je suis tannée que ce soit le maquillage que je porte ou non qui détermine si je suis belle ou pas. Tannée de ne m'aimer que dans les moments où j'ai l'air pas trop grosse, pas trop vieille, pas trop out-of-shape, etc. Tannée de me dire que la photo est correcte, mais qu'un peu de Photoshop ou un p'tit filtre ne serait pas du luxe.

Ça fait que la voilà, la photo zéro arrangée puis celle d'une demi-heure après, soit après qu'une maquilleuse et une coiffeuse m'aient « mise en beauté ». Ça a tout de même pris deux filles pendant 20 minutes pour que j'ai l'air de ça!

C'est clair que je m'aime mieux sur la deuxième photo, mais j'ai tellement pas l'air de ça quand je me lève le matin moi! Ni quand je me couche le soir et ni 99% du temps d'ailleurs!

Il faut arrêter de se dire qu'on n'est pas assez ci et trop ça à tout bout de champ. Parce que tout ce temps-là on est en train de ne pas s'aimer, de se dénigrer, de se convaincre qu'il nous manque quelque chose pour être bien, pour être meilleure, pour être plus aimée, plus aimable... Je sais bien que ça ne se fera pas du jour au lendemain tout ça, c'est clair. Les industries paient des millions à grands coups de pub pour essayer de nous convaincre du contraire et nous faire croire qu'il nous manque toujours ou bedon ci ou bedon ça. Ce n'est pas payant de s'aimer en version telle quelle! Sauf pour nous-mêmes.

Et là, de grâce, n'allez pas imaginer que je cherche des compliments, ce n'est tellement pas ça. Je le sais bien que je ne suis pas hideuse, mais je suis dans un métier où l'image est tellement importante qu'on finit par croire que c'est ce qui nous définit. Je suis dans un métier où à 40 ans, t'es vieille et j'en ai 42. Dans un métier où passée 120 livres, tu es toutoune alors que la dernière fois que j'ai pesé ça, j'avais 14 ans.

Mais là, enough, is enough. Ne pas m'aimer, je vais laisser ça aux autres. La prochaine fois que quelqu'un me dit qu'il me trouve jolie, je vais lui dire merci, tout simplement, que je sois en train de suer ma vie à faire mon jogging où de poser pour un kodak glamour.

Et la prochaine fois qu'on ne me le dira pas, je n'en ferai pas une maladie non plus. Je ne vis pas pour être belle, je vis pour être bien. En plus, je suis amoureuse d'un gars qui est amoureux de la vie comme moi, on se fait de bonnes bouffes, on aime boire du bon vin, on aime prendre du bon temps et honnêtement, plus je suis heureuse, plus j'engraisse. Mais j'ai fini de me raboter le bonheur parce que je n'ai pas l'air de l'idéal de bonheur qu'on m'a insidieusement brainwashé.

Et là, je ne dis pas que je vais jeter tout mon maquillage, manger tout ce qui passe et ne plus jamais bouger de ma vie. Ben non! Je vais continuer à faire certains efforts choisis pour me pouponner de temps en temps, parce que j'aime ça me mettre sur mon 31 pour un lancement ou un rendez-vous galant avec mon homme, mais je vais le faire pour ME faire plaisir.

Je vais prendre soin de mon corps et de ma santé, mais pas parce que je veux paraître jeune, parce que je veux vivre vieille!

C'est triste, mais on vit à une époque où on aime mieux voir des fesses nues que des faces nues. Tellement, qu'on jurerait presque que le deuxième cas est le plus scandaleux des deux!

Mais grâce à Kate, Jennifer, Drew et toutes ces autres femmes inspirantes qui savent redéfinir la beauté, on va peut-être finir par arrêter de se priver et de se photoshopper et juste... s'aimer?

Tu sais, si on se trouvait extra même quand on est ordinaire, je ne suis pas forte en calcul, mais il me semble que ça fait qu'on se trouverait extraordinaire.

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