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L'identité n'est pas une boîte!

L'imagination est pour moi l'une des coupables de ce que l'on considère comme un(e) Français(e), Québécois(e) et Colombien(ne) de «souche». Sans oublier le manque d'éducation en sciences sociales et en culture générale dans certaines sociétés ainsi que la prolifération des discours nationalistes identitaires homogénéisants qui stimulent notre façon de se représenter le monde.
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Je ne suis pas d'ici, ni de là-bas

Je n'ai pas d'âge ni de futur

Et être heureux, c'est ma couleur d'identité

Facundo Cabral

Le refrain de la chanson du chanteur uruguayen Facundo Cabral permet de résumer un peu ce que je veux amener dans ce texte. Dernièrement, je me rends compte que nous avons des débats sur ce qu'est un(e) «Québécois(e)», un/une «Français(e)» ou un(e) «Colombien(ne)». Récemment, je suis tombé sur les réactions de certaines personnes qui formulèrent des commentaires xénophobes au sujet de l'élection d'une Miss France ni blanche, ni noire, mais certainement plus bronzée que ce que l'on imaginerait comme étant un(e) Français(e) de «souche». L'imagination est pour moi l'une des coupables de ce que l'on considère comme un(e) Français(e), Québécois(e) et Colombien(ne) de «souche». Sans oublier le manque d'éducation en sciences sociales et en culture générale dans certaines sociétés ainsi que la prolifération des discours nationalistes identitaires homogénéisants qui stimulent notre façon de se représenter le monde. C'est difficile de les voir lorsque l'on n'a pas les outils nécessaires à la déconstruction de ce qui paraît «vrai». À d'autres moments, ce sont des expériences malheureuses, pour certain(e)s isolées et d'autres vivant le fascisme social et politique, qui peuvent nous créer une image déshumanisée de «l'Autre».

L'imaginaire est un concept expliquant comment nous nous représentons les différentes choses que nous ne connaissons pas réellement, ou alors ce que l'on «croit» connaître. On peut imaginer beaucoup d'endroits que nous ne connaissons pas et avoir une idée de ce qu'il peut y avoir là-bas. On peut utiliser l'exemple du Mexique. Combien de fois ai-je vu des gens porter le «sombrero» et une moustache dans les «partys» d'Halloween? Si l'on pose la question aux personnes qui sont allé(e)s à Cancún et dans les tout-inclus, on peut s'attendre à de drôles de surprises également! Et ce sera encore mieux avec ceux ou celles qui seront allés par exemple dans le Chiapas, Guanajuato, Mérida et d'autres coins qui ne sont pas nécessairement exclusifs aux touristes s'installant dans les grandes forteresses hôtelières, mais plutôt aux «backpackers».

Faites l'exercice une fois, demandez à plusieurs personnes que vous connaissez: quelle est l'image ou l'idée que vous avez du Mexique? Et pas à n'importe qui! Essayez avec quelqu'un qui n'y est jamais allé, une ou des personnes qui sont allées dans des tout-inclus, des «backpackers» ou quelqu'un qui a fait la «gringo trail» et, surtout, mais surtout, à un Mexicain ou une Mexicaine. Essayez cela, et vous verrez la diversité de récits que vous aurez dans les oreilles et les images qui se produiront en les écoutant. C'est ainsi que vous rentrerez dans l'idée que l'on se fait d'une place, de quelque chose et de quelqu'un.

Bref, on entre dans l'imaginaire social, ainsi que dans la construction sociale, soit l'idée que l'on a de cette place, dans ce cas-ci le Mexique. Pourtant, il est historiquement construit et aussi réel que l'État qu'il est, avec une diversité ethnique très grande.

Souvent, cette idée se forme à travers les différents discours que l'on entend ou que l'on lit et, pour que cela ait un effet, on doit les considérer comme «vrais». Je ne crois pas avoir été le seul à croire ce qu'un expert ou professionnel dit et/ou affirme dans les nouvelles télévisées ou les journaux. C'est certainement plus crédible dans notre société de voir un économiste parler d'économie et un politologue parler de politique. Je crois que nous avons eu aussi des exemples chez les anthropologues. Prenons Serge Bouchard, qui est intervenu à plusieurs reprises dans la sphère publique et d'autres comme Claude Lévi-Strauss et Pierre Falardeau (quoiqu'il soit plus connu pour être cinéaste). Cependant, il y a une méconnaissance de ce qu'est l'anthropologie et nous avons déjà eu des pseudo-intellectuels qui s'expriment en s'affirmant anthropologues.

Prenons l'exemple de ceux et celles qui produisent des boîtes identitaires, qui vont affirmer que tel peuple se comporte de telle manière «naturellement». Il y en a d'autres qui arrivent avec des postulats stigmatisant des communautés entières, en produisant une image qui est difficilement déconstruisable, car répétée à plusieurs reprises. Ou alors, si «c'est un expert qui a parlé», on ne se rend pas nécessairement compte que la personne parle de récits personnels et isolés. Je ne crois pas que beaucoup de personnes ne possèdent pas un esprit critique, mais il est certain que nous avons un manque dans notre société pour donner ces outils...

Mon expérience comme assistant d'enseignement au collégial m'a laissé la bouche ouverte, à la fin de notre session, avec les élèves. Plusieurs d'entre eux ont affirmé ne pas posséder les outils nécessaires pour comprendre les enjeux identitaires. Il est très difficile de se détacher d'une image que l'on possède de «l'Autre», et un certain manque et un martelage des informations nous posent plusieurs pièges. Le manque de connaissance méthodologique pour chercher des sources crédibles, ni alarmistes ni guidées par des intérêts privés, rend les choses plus difficiles. C'est certain que ce que j'écris est un blogue, et donc pas un article scientifique. J'ai un bac, mais je ne me sens pas obligé de pousser la note nécessairement avec les sources. Cela me permet au moins de passer quelques réflexions sur le sujet chaud qui est présentement «l'identité» et, comme tout récemment gradué, je ne pense pas avoir «l'autorité» que d'autres de mes collègues possèdent. Cependant, je trouve important que l'on fasse une différence avec les discours pseudo-scientifiques que l'on entend souvent dans les médias de grande masse et certains qui sont alarmistes en soi.

Ce qui produit les généralisations hâtives comme les suivantes dans le discours social:

  • «Tous les hommes/femmes sont comme ça... parce que c'est leur nature»
  • «Eux autres lapident leurs femmes et enfants, c'est dans leur sang et leur histoire ce comportement»
  • «Nous sommes vraiment chaleureux et nous avons le sang chaud»
  • «C'est pauvre là bas, il n'y a pas d'histoire et peu d'art»

Quelques exemples de généralisations entendus ici et là-bas, dans lesquels j'ai moi-même eu à déconstruire ceux de ma société de naissance et d'accueil dans mon apprentissage. Surtout le genre, on apprend sur l'existence des communautés LGBTI, qui remettent en question ce que l'on considère être un homme et une femme, ainsi que notre forme de vivre la sexualité. L'aide du féminisme et ses critiques (pas nécessairement celui qu'on voit ces temps-ci dans les rues de la province à tendance colonialiste et qui décide de parler à la place d'une communauté de femmes sans avoir déconstruit les préjugés par rapport à la religion de l'Islam et sans être conscientes des luttes menées par des femmes arabes et musulmanes, car souvent on ne fait pas la différence d'Arabe, disons que cela a rapport à la localisation géographique des communautés habitant le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, mais il y a encore débat, car ce sont des catégorisations ou boîtes imposées pour avoir de «l'ordre»).

Musulman(e), personne qui pratique l'Islam comme religion et qui est très différente de l'islamiste, une personne qui prend l'Islam comme une idéologie et l'utilise à des fins politiques. Le dernier ou la dernière peut être comparé(e) aux membres de certaines communautés catholiques orthodoxes qui ont à peu près la même ligne de pensée sur le rôle de la femme dans la société... et croyez-moi, certains mouvements fascistes et nazis possèdent une racine catholique extrémiste dans leurs rangs.

En fait, ce que je veux aussi faire voir, avant de se dire «tous/toutes les Québécois et Québécoises sont comme ceci ou comme cela» est le même exercice que j'ai laissé avec le Mexique. Le Québec est composé aussi d'une diversité sexuelle, idéologique et ethnique. Il n'a pas et jamais eu le visage que l'on imagine de façon romantique! Après 10 ans de résidence, j'ai arrêté de demander à certaines personnes, selon leur apparence, «Tu viens d'où?», car ce sont des Québécois et des Québécoises. Des personnes qui s'indignent de temps en temps aussi, sachant que notre éducation laisse de côté Felix Leclerc, Alphonse Desjardins, Jean Leclerc, les évènements de 1838 et d'autres qui vont nous représenter à l'extérieur comme Dany Laferrière. Le phénomène de la diversité nous suit depuis notre apparition sur cette Terre, et il est faux de prétendre que «l'identité» est un tout figé, homogène, avec la même morale et les mêmes valeurs, non imaginé(e)s (le fait d'imaginer quelque chose ne le rend pas faux nécessairement, et surtout que cela pose des effets dans notre réalité) et non malléable avec le temps.

Quand on prétend cela, on peut laisser une porte ouverte aux semences de la haine, on se déshumanise entre nous et... finalement, on laisse la place à des atrocités qui n'ont pas arrêté de se reproduire et, qu'hypocritement, l'on commémore à chaque année en répétant la même erreur et faisant croître les murs imaginaires et réels qui nous séparent ou nous massacrent.

Pour plus d'information sur les questions identitaires, vous pouvez consulter:

  • Amin Maalouf, Les identités meurtrières
  • Ian Hacking, 2001, La construction sociale de quoi?
  • Judith Butler et ses études sur le genre.
  • Cahiers imaginaires de Michel Freitag
  • Alban Bensa, 2006, La fin de l'exotisme
  • Arturo Escobar, 1994, Encountering developement : The Making and Unmaking of the Third World
  • Edward Saïd, 1979, Orientalisme

Sur le discours et la science:

  • Michel Foucault dans L'ordre du discours et Les mots et les choses

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Avril 2018

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