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Hydro-Québec: plus de transparence et moins d’ingérence

Québec fait fausse route. La Régie de l’énergie doit garder sa pleine compétence sur la société d'État et les tarifs d’électricité doivent être fixés de manière transparente.
Mario Beauregard/PC

Cette année marque le 75e anniversaire de la première nationalisation d’électricité et de la création de la Commission hydroélectrique de Québec qui deviendra Hydro-Québec. 2019 coïncide également avec un autre anniversaire moins spectaculaire, mais d’autant plus important : le 23e anniversaire de la création de la Régie de l’énergie.

La Régie de l’énergie a été créée notamment pour dépolitiser la fixation du tarif d’une ressource énergétique si essentielle pour tant de Québécois et d’entreprises. Auparavant, le prix que les consommateurs devaient payer pour l’électricité était débattu par les politiciens et puis tranché par le premier ministre. Deux secondes de réflexion suffisent pour deviner les effets pervers d’une telle ingérence : les tarifs variaient selon le bon vouloir du gouvernement, à l’approche des élections, etc. C’est donc pour protéger les Québécois de ces aléas politiques que le ministre des Ressources naturelles de l’époque, M. Guy Chevrette, créa un tribunal administratif indépendant, la Régie de l’énergie.

Faisons un bond dans le futur et revenons en 2019. Cette semaine, débutent les audiences parlementaires sur le projet de loi n° 34 (PL34) présenté par le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, M. Jonatan Julien. Ce projet de loi prétend « simplifier » la fixation des tarifs d’électricité. Toutefois, ce qu’on ne dit pas c’est que cette « simplification » se fera au détriment de la transparence et à la merci de plus d’ingérence.

“Le régime proposé par le PL34 enlèverait à la Régie de l’énergie le pouvoir d’obliger Hydro-Québec à fournir les informations requises pour mesurer si les tarifs ont été supérieurs ou non à ce qui est requis par le monopole d’État pour servir ses clients.”

En effet, le PL34 prévoit diminuer significativement les pouvoirs de surveillance de la Régie sur Hydro et ouvre grand la porte à des tarifs d’électricité plus élevés que nécessaire. D’ailleurs, Hydro a déjà commencé à se comporter comme si le gouvernement avait déjà adopté cette loi. Brisant une pratique transparente et rigoureuse bien établie depuis 15 ans, Hydro a choisi de ne pas faire valider ses tarifs pour 2020-2021 devant la Régie. Par conséquent, elle a choisi de priver les Québécois d’une baisse de tarif supplémentaire de quelque 124 millions de dollars.

En effet, selon nos calculs, cette baisse aurait normalement dû s’ajouter aux quelque 500 millions de dollars déjà promis par le gouvernement, pour une économie totale pour les clients qui aurait ainsi dû plutôt être de 624 millions de dollars. Il s’agit d’une différence significative.

Le régime proposé par le PL34 enlèverait à la Régie de l’énergie le pouvoir d’obliger Hydro-Québec à fournir les informations requises pour mesurer si les tarifs ont été supérieurs ou non à ce qui est requis par le monopole d’État pour servir ses clients. C’est grâce à ces suivis annuels publics que le Québec a pu avoir connaissance des fameux trop-perçus de rendement d’Hydro-Québec des dernières décennies.

Le PL34 éliminerait la possibilité de vérifier, année après année, si Hydro-Québec a chargé aux Québécois des tarifs lui générant des rendements supérieurs à ce qui lui est permis par la loi.

Une hausse des trop-perçus à prévoir

Les analyses que nous avons faites sur les prix qui seront payés par les consommateurs québécois d’électricité pour les cinq prochaines années si le PL34 est adopté montrent que les trop-perçus augmenteraient de plus de 35 % pour la période 2020-2025. Sous prétexte de redonner aux consommateurs québécois les trop-perçus du passé, le PL34 mettrait donc paradoxalement en place un système qui en généreraient d’autres, encore plus substantiels, et ce, à l’abri des regards.

Les investisseurs internationaux choisissent le Québec pour développer leurs entreprises grandes consommatrices d’électricité en raison, notamment, de la confiance qu’offre une Régie de l’énergie fixant les tarifs de manière indépendante. Si le Québec adopte le PL34, il deviendra la seule juridiction nord-américaine à ne pas suivre les règles reconnues de fixation des tarifs d’un monopole d’utilité publique.

Le Québec fait fausse route avec le PL34. La Régie de l’énergie doit garder sa pleine compétence sur Hydro-Québec et les tarifs d’électricité doivent être fixés de manière transparente. La FCEI et l’ACIE seront d’ailleurs de passage en commission parlementaire à l’Assemblée nationale du Québec cette semaine pour rappeler ces principes importants.

Ce texte est co-signé par Jocelyn B. Allard, président de l’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité (AQCIE).

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

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