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Mon premier geste politique a été de servir la messe des funérailles nationales de René Lévesque. Trois jours plus tard, je prenais ma carte du Parti québécois.
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La Fête nationale approche à grands pas. C'est donc un moment propice de se rappeler certains de nos grands hommes.

En novembre 1987, étant alors étudiant au Petit Séminaire de Québec, situé tout juste à côté de la Basilique dans le Vieux-Québec, j'ai appris que les funérailles nationales de René Lévesque allaient se dérouler dans ce lieu de culte.

Voulant assister à cet important événement historique, mais les places étant réservées aux dignitaires beaucoup plus importants que le simple étudiant que j'étais, on m'a offert de servir la messe. Ce que j'ai accepté.

Ainsi, mon premier geste politique a été de servir la messe des funérailles nationales de René Lévesque. Trois jours plus tard, je prenais ma carte du Parti québécois.

René Lévesque fait partie de ma trinité politique québécoise avec Louis-Joseph Papineau et Honoré Mercier.

Papineau parce que le leader patriote a donné une conscience nationale à un peuple vaincu et conquis. Il nous a fait comprendre que nous formions une nation.

Mercier parce qu'il nous a fait comprendre que notre véritable territoire national était le Québec.

Lévesque parce qu'il nous a donné le goût à l'autodétermination et parce qu'il a fait évolué la définition de notre nation, qui est passé de canadienne-française (identité ethnique) à québécoise (incluant des gens de différentes origines).

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René Lévesque

Une parenthèse importante

Une parenthèse ici. Ce débat sur l'identité de notre nation n'est évidemment pas terminé, comme en font foi nos débats actuels sur les accommodements raisonnables, la « Charte des valeurs québécoises » et la laïcité.

Ce débat identitaire nous amène à réfléchir à ce que nous sommes vraiment. En fait, il nous force à définir qui «nous» sommes.

Trop souvent, les marqueurs identitaires québécois sont exclusivement canadiens-français.

Pourquoi?

Pourquoi, par exemple, le crucifix (symbole catholique) continuerait-il de trôner dans l'enceinte de l'Assemblée nationale parce qu'étant un «symbole patrimonial québécois», mais la fête juive de Shavouot (récemment dans les nouvelles avec l'histoire du stationnement) serait, elle, étrangère?

Avons-nous oublié que la communauté juive est installée au Québec depuis plus d'un quart de millénaire et qu'elle a puissamment contribué au Québec?

Faisons-nous fi du fait que le visage démographique du Québec - et de Montréal en particulier - a beaucoup changé et qu'il n'est plus exclusivement - s'il ne l'a jamais été - blanc, catholique et d'origine française?

Ou avons-nous régressé à ce point que nous en sommes revenus à équivaloir identité canadienne-française et identité québécoise?

René Lévesque: un modèle d'ouverture

René Lévesque est pour moi à la fois un modèle de fierté nationale et un modèle d'ouverture à l'autre.

Contrairement à ce que certains affirment, le nationalisme n'est pas mauvais en soi. Au contraire, c'est la nation qui a donné naissance au monde libéral d'aujourd'hui, marqué par la démocratie, la protection des droits de la personne, la suprématie du droit.

La nation est un phénoménal modèle d'organisation humaine, liant solidarité et démocratie, et dans lequel s'épanouissent plus d'un milliard d'êtres humains.

Cependant, l'Histoire démontre aussi amplement que le nationalisme peut être dévoyé, devenir exclusif, ethnocentrique.

René Lévesque a toujours lutté contre le courant exclusiviste qui risque de se développer dans tout mouvement nationaliste. (Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit: je ne dis pas que le nationalisme québécois est en soi exclusif et donc mauvais. Je dis que tout nationalisme - oui, y compris le nationalisme québécois - peut le devenir).

René Lévesque et la communauté juive

Une des illustrations de l'ouverture de Lévesque se retrouve dans la relation qu'il avait développée avec la communauté juive du Québec.

Peu d'auteurs se sont penchés sur ce sujet. Pierre Anctil et Victor Teboul l'ont fait.

Lévesque avait un respect bien senti pour les Juifs. Et une sensibilité particulière envers eux.

Correspondant de guerre au sein de l'armée américaine, René Lévesque a été un des premiers soldats alliés à entrer dans le camp de concentration de Dachau (1). Ceci explique en très grande partie l'allergie complète que le futur Premier ministre avait développée contre toute forme d'antisémitisme. Ceci lui servira dans les excellentes relations qu'il finit par développer avec la communauté juive du Québec utilisant le vocabulaire du début des années 60, René Lévesque affirmait, avec raison que «French Canadians and Jews have quite a bit in common». (2)

De plus, Lévesque avait développé une certaine admiration pour l'État d'Israël, notamment en ce qui concerne les questions linguistiques, comme on le constate alors qu'il affirme que « the difficulties faced by French Canadians are practically nothing compared with what some people went through to accomplish the miracle of Israel. In Palestine, there is new life after 2000 years. Hebrew, which had been dead, has become a living language again. We can accomplish what we want - a future that is basically and more progressively French - if we work hard enough and if we push. We don't need a major miracle. » (3)

J'aime beaucoup cette citation de René Lévesque à propos de l'indépendance d'Israël et du Québec :

« Le jour où Israël est venu au monde, tous les Juifs, n'importe où dans le monde, ont grandi d'un pouce [...]. Ils se sont sentis valorisés et c'est tellement compréhensif, je pense, que ça rejoint les problèmes que nous aussi on vit autrement, de façon moins dramatique, moins tragique, c'est sûr. Je crois que cet instinct-là est bon. » (4)

René Lévesque n'a pas hésité à affirmer que «What the Parti québécois is trying to do in Québec ressembles what Zionism meant for the creation of the State of Israel [...] Just like you have your own Jewish identity, we have our own Quebec identity and we are going to make it true.» (5)

Lévesque a en effet su tirer des parallèles entre Israël et le Québec: «Mr Levesque evoked comparison between the state of Israel and the preservation of Jewish culture and traditions with Quebec and the preservation of French culture and traditions in North America». (6)

Un idéaliste pratique

René Lévesque a été décrit, avec raison, comme étant un idéaliste pratique (Alain Pontaut).

Il savait que l'identité québécoise ne pouvait être bâtie à l'encontre des droits des minorités. Sa position sur les droits acquis des anglophones au moment de la fondation du Parti québécois et sur la nécessité de protéger ceux-ci dans la loi 101 en sont des exemples frappants.

La personnalité nationale du Québec, distincte et originale, peut très bien être promue et défendue avec générosité et respect. En fait, elle ne peut être défendue qu'avec générosité et respect.

Je souhaite que dans le débat de cet automne sur la « Charte des valeurs québécoises », l'approche lévesquiste illumine les travaux de nos parlementaires.

Bonne Fête nationale!

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(1) René Lévesque, Attendez que je me rappelle..., Éditions Québec/Amérique, Montréal, 1986, p 132-134. Pierre Godin, René Lévesque, un enfant du siècle, Boréal, Montréal, 1994, pp 166-171.

(2) Propos rapportés par The Gazette le 11 juin 1963 dans un article intitulé «Get Close to French Canadians, Levesque Urges Québec Jewry» cité par Pierre Anctil, René Lévesque et les communautés culturelles in René Lévesque, Mythes et réalités, sous la direction d'Alexandre Stefanescu, VLB Éditeur, Montréal, 2008, p. 164.

(3) The Gazette, cité dans Inter-Office Information, Congrès juif canadien, no 2733, 11 juin 1963, rapporté par Pierre Anctil, René Lévesque et les communautés culturelles in René Lévesque, Mythes et réalités, sous la direction d'Alexandre Stefanescu, VLB Éditeur, Montréal, 2008, p. 167.

(4) René Lévesque, Radio-Canada, 31 mai 1982.

(5) The Montreal Star, cité dans Inter-Office Information, Congrès juif canadien, no 3856, 2 juin 1975, rapporté par Pierre Anctil, René Lévesque et les communautés culturelles in René Lévesque, Mythes et réalités, sous la direction d'Alexandre Stefanescu, VLB Éditeur, Montréal, 2008, p. 167.

(6) Richard Cléroux, « Levesque Tells Jewish Delegates Some of the Things They Want to Hear but not Others », The Globe and Mail, 14 mai 1977, rapporté par Pierre Anctil, René Lévesque et les communautés culturelles in René Lévesque, Mythes et réalités, sous la direction d'Alexandre Stefanescu, VLB Éditeur, Montréal, 2008, p. 167.

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