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Bernie Sanders annonce dans sa campagne un futur dans lequel il propose de croire. Hillary Clinton doit très vite cesser de regarder le passé dans son rétroviseur et regarder devant.
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En ce moment, la blague à la mode dans le New Hampshire est «pas mal pour Hillary, elle a fini deuxième». Pour ceux qui l'ignorent encore, à contre-courant de la réputation de l'État qui «ferait les rois», beaucoup de présidents ont perdu dans le New Hampshire, et - étonnamment - tous les plus récents : Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama, sans que cela n'influe sur leur destin futur !

Nous voilà donc rassuré sur l'avenir d'Hillary ?

Personne cependant ne peut mettre de côté l'onde de choc qui vient de secouer la campagne de madame Clinton. Car on peut trouver beaucoup d'excuses pour expliquer cette contre-performance, elle a quand même un vrai goût de défaite.

Bernie Sanders vient de l'État voisin, le Vermont, ce qui aux yeux de certains lui a donné un réel avantage dans le New Hampshire. Certes, mais il suffit de regarder une carte des États-Unis pour constater que l'État de New York, dont Hillary Clinton fut la sénatrice, n'est pas très éloigné non plus. Et puis, rappelons que c'est elle qui l'emporta ici en 2008.

Enfin, n'est-elle pas une figure nationale depuis 40 ans, épouse de Bill, ancienne sénatrice, ancienne secrétaire d'État, et qui brigue aujourd'hui le titre de première femme présidente ? Cela n'est pas mal non plus, comme avantage, dans la balance.

Une semaine après une victoire étriquée dans l'Iowa, le phénomène Sanders met tout de même en lumière de sérieux ratés dans la campagne d'Hillary. Pour gagner, il va lui falloir désormais ne plus regarder dans le rétroviseur et dérouler sa campagne, après avoir toutefois réglé un à un les problèmes qui sont dressés devant elle.

Où sont les femmes ?

Le vote féminin est traditionnellement un vote important dans le New Hampshire. On aurait pu s'attendre à ce que la candidate prenne l'avantage face au candidat. L'alerte avait pourtant déjà été donnée dans l'Iowa : les femmes de moins de 45 ans se sont laissées séduire par le discours de Bernie, plus audacieux, plus concret et plus près de leurs préoccupations immédiates au quotidien. Celles de moins de 29 ans ont voté six fois plus pour le vieux candidat à la chevelure hirsute. Elles sont 82 % parmi les moins de 30 ans à avoir voté de la même façon dans le New Hampshire. Car Sanders milite pour une assurance santé publique et universelle, pour la séparation des banques de dépôt et d'affaires, pour le doublement du salaire minimum ou la gratuité de l'enseignement supérieur.

Hillary se voulait la championne des classes moyennes, mais elle a négligé la «gauchisation» du Parti démocrate, qui s'est renforcée avec des mouvements sociaux de grande ampleur : Occupy Wall Street ; grèves des employés de la restauration rapide, des enseignants ; réactions face aux violences policières et au racisme, etc.

Dans le New Hampshire une autre ancienne secrétaire d'Etat très célèbre, Madeleine Albright, a tenté de les ramener à la raison, leur rappelant le combat féministe de leurs aînées : «Il y a une place en enfer pour les femmes qui ne s'entraident pas», a-t-elle cependant dérapé. Les ingrates sont à présent vexées. Il va falloir rattraper ça.

L'argent, moteur ou poison ?

Le thème principal qui divise les deux candidats est cependant tout autre : le 4 février, lors d'un débat un peu plus vigoureux qu'à l'accoutumée, la question de l'argent est apparue comme centrale. Le ton est rapidement monté : «Je n'ai pas de Super PAC, je n'ai pas reçu 15 millions de dollars de Wall Street ou des grands laboratoires pharmaceutiques, mais j'ai 2 millions d'individus qui m'ont donné 27 dollars chacun». Soit trois fois plus qu'Hillary Clinton, dont la campagne repose au contraire sur des dons massifs par des gros donateurs. Les liens de cette dernière avec Wall Street sont justement dans le viseur de l'aspirant Sanders, qui ne perd pas une occasion pour réclamer le rétablissement de la loi Glass Steagal, abrogée sous la présidence de Bill Clinton.

Tous les problèmes, pour Sanders, viennent de ces entreprises renflouées par l'État qui ont ensuite délocalisé leur production, ou de ces milliardaires qui s'enrichissent avec le retour de la croissance, alors que le peuple se débat toujours dans ses difficultés. Forbes a récemment révélé que, au cours des deux dernières années, les 14 milliardaires les plus riches ont empochés 157 milliards. De quoi énerver.

Les emails et la confiance

Peut-être Hillary devrait-elle se montrer plus vigoureuse dans ses réponses, ou plus concrète ? Cela lui est cependant difficile car ce n'est pas sur ces questions que les médias l'interrogent : elle traîne depuis le début de la campagne une affaire d'emails qui reste collée à ses chaussures comme une vieille gomme à mâcher. Impossible de s'en débarrasser.

Ce qui est en cause, c'est l'utilisation d'une messagerie privée alors qu'elle devait utiliser un serveur gouvernemental sécurisé. Madeleine Albright, Colin Powell et Condoleeza Rice, qui ont occupé le même poste, ont semble-t-il fait la même chose. Mais peu importe : c'est de l'image de la candidate dont il s'agit, d'un lien fragile avec le peuple, qui s'appelle la confiance. Quand Bernie Sanders déclare lors d'un débat «qu'il y en a assez de cette histoire», il tire tous les bénéfices de son attitude chevaleresque, tout autant qu'il cloue au pilori sa concurrente, car aucun des doutes ne sont levés. Un vrai poison.

Qui est le plus progressiste ?

Chacun de ces deux personnalités a bien entendu tenté de montrer le visage le plus progressiste. Face aux propositions «révolutionnaires» de Bernie Sanders, telle une couverture santé universelle, un accès total à l'éducation et de meilleurs infrastructures, Hillary Clinton a plaidé le réalisme : «je ne fais pas de promesses que je ne peux pas tenir».

L'image de révolutionnaire de Bernie Sanders plaît cependant de plus en plus à l'électorat. Si pour les plus de 40 ans, le mot socialisme évoque vaguement quelque chose d'anti-américain, s'il est synonyme de communisme pour les plus de 60 ans, il ne signifie rien pour les moins de 40 ans. Alors Bernie apparaît comme un grand-père sympathique qui les incite à se redresser et à renverser la table. Il ne semble pas très dangereux, et sa fougue le rend franchement sympathique.

L'équipe Clinton a envoyé au charbon son joker le plus populaire, Bill Clinton, pour tenter d'arrêter l'hémorragie. Son rôle a été de rappeler aux électeurs un bilan de cet aspirant qui est parfois loin de l'image qu'il projette, avec un soutien affirmé aux chasseurs du Vermont et au lobby des armes : par ses votes, le sénateurs Sanders s'est toujours opposé aux lois restreignant l'accès aux armes à feu, un axe majeur de la campagne d'Hillary. Son début de campagne avait été également marqué par une grande courtoisie à l'égard de l'ancienne secrétaire d'État. Il est désormais accusé de la diffamer avec ses attaques répétées contre ses liens avec Wall Street.

Sa campagne en danger ?

On peut s'attendre à une sérieuse remise en question de sa campagne dans les jours qui viennent et même de profonds changements dans son équipe. Car le danger est de ne pas trouver dans le caucus du Nevada et dans la primaire en Caroline du Sud les deux vraies victoires qui se font trop attendre. Pourtant, le vote afro-américain, qui lui est à priori acquis, doit lui permettre de sauter l'obstacle avec facilité et de se présenter dans de bien meilleures conditions face au Super Tuesday (une quinzaine d'États qui voteront le même jour le 1er mars).

Si ce scénario devait être contrarié par un Bernie Sanders survolté et gonflé à bloc par deux succès indéniables, elle pourrait sérieusement craindre une répétition du scénario de 2008, quand Barack Obama avait entamé en Caroline du Sud sa marche inexorable vers l'investiture. Bernie Sanders annonce dans sa campagne un futur dans lequel il propose de croire. Hillary Clinton doit très vite cesser de regarder le passé dans son rétroviseur et regarder devant. Loin devant.

Jean-Eric Branaa, Hillary : Une présidente des États-Unis ?, Eyrolles, juillet 2015.

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