Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

«A Blemish in the Great Light»: Half Moon Run entre succès et authenticité artistique

«Si tu te prélasses dans la gloire de tes réalisations, tu risques de devenir complaisant très rapidement...»
Yani Clarke

À quelques jours du lancement de leur fort attendu troisième album, les membres de la formation Half Moon Run se sont prêtés à la ronde des entrevues avec les médias. Nous les avons retrouvés heureux et fiers de pouvoir enfin présenter - et discuter de - ce nouveau bébé baptisé A Blemish in the Great Light.

A Blemish in the Great Light

Dans l’immense suite située au sommet de l’hôtel W, je n’ai même pas le réflexe de profiter de la vue sur Montréal. La faute à Devon Portielje, guitariste et chanteur d’Half Moon Run, qui m’accueille avec une douceur et un calme énigmatique. Visiblement prêt à discuter, il prend son chapeau noir qu’il enfile pendant que je cherche où me poser. «Tu veux faire ça où?» qu’il me demande en regardant autour. Nos yeux s’arrêtent une seconde sur l’énorme lit pièce maîtresse de cette suite ultra luxueuse. On se regarde et on pouffe de rire à l’unisson. La glace est brisée, cette entrevue sera tout sauf monotone.

Nous prenons place sur un long sofa où le chanteur se retrouve le visage en plein soleil. J’en profite pour lui glisser que je ne suis pas qu’une journaliste, mais aussi une fan de la première heure; depuis leur prestation lors de leur premier lancement en carrière, en 2012. Je me permets d’ajouter que leur plus récent album A Blemish in the Great Light - celui pour lequel je me retrouve ici en sa compagnie et qui sera lancé le 1er novembre prochain – tourne déjà en boucle chez moi depuis son arrivée dans ma boîte courriel. Il m’écoute en hochant légèrement la tête, l’air légèrement intimidé, puis me remercie d’une façon sincère, le sourire en coin.

Ce troisième opus, croit-il, respire la sexualité dans ses paroles comme dans sa musique. «Avec ce nouvel album, nous allons dans plusieurs directions différentes, dit-il. Il y a des monts et des vallées, des moments de noirceur et de lumière. Il y a de la sexualité dans tout cela, des moments d’introspection aussi.»

«La musique, certaines personnes la sentent dans leurs épaules, d’autre dans leur derrière, ajoute-t-il en souriant. C’est un bon test de groove, en fait, celui de se demander : ″Est-ce que cette musique me donne envie de bouger, de danser″? Il y a eu d’ailleurs un gros test pour la chanson Favorite Boy, que nous avons enregistrée quatre fois.»

Le tournage du vidéoclip, justement, a permis à 200 admirateurs du quatuor de jouer les figurants le temps de quelques heures ou de quelques journées en compagnie de leur groupe préféré. «Ils étaient si bons et si professionnels, raconte le musicien. Certains sont même venus pendant les trois jours, et ce, gratuitement. Ils sont si dédiés, wow!»

Celui qui a pris un plaisir fou à jouer la comédie lors du tournage de ce clip plongeant dans un «futur vintage» explique que Favorite Boy raconte l’histoire des romances de sa vie. «Avec un peu de tension ajoutée.»

«Cette histoire est vraie émotionnellement, mais pas entièrement intellectuellement, dit-il. Tu dois parfois plier un peu les choses pour que ça fonctionne. La vie n’existe habituellement pas en rimes parfaites, il faut manier un peu les choses pour en faire une bonne histoire.»

Une partie de ce nouvel album dormait dans ses tiroirs depuis bon nombre d’années, ces chansons écrites avant même qu’il ne rencontre ses trois comparses musiciens. Ces petits bouts aujourd’hui rapiécés forment «une courtepointe de chansons qui ont pris plusieurs années à évoluer.»

En précisant qu’il n’est pas «du tout rendu à ce niveau», il cite Bob Dylan qui disait que les chansons existaient et étaient déjà écrites; qu’il ne fallait que les saisir et simplement les mettre sur papier. «Je trouve ça beau. Pour moi, parfois, il y a des mots qui surgissent de nulle part et lorsque je relie les points, je trouve mon thème, mon angle. Puis la chanson s’écrit pratiquement toute seule».

Les thèmes qu’il a désormais envie d’aborder? Ce n’est pas quelque chose à laquelle il pense lorsqu’il écrit (toujours dans le silence le plus complet, d’ailleurs). C’est la somme des nouvelles qu’il regarde, des voyages qu’il entreprend et des discussions qu’il a au quotidien qui l’inspire et le nourrit.

«Il y a eu beaucoup de mouvements sociaux et culturels depuis que Trump a été élu, précise-t-il. Il y a aussi eu le mouvement Metoo et tout ce qui s’est produit politiquement. J’aurais voulu sortir la chanson New Truth à ce moment, mais ce n’était pas la meilleure chose à faire d’un point de vue marketing… Je voyais le concept de vérité changer, le concept d’intégrité journalistique se faner, le fait de politiser des problèmes qui n’ont fondamentalement aucun rapport avec la politique, comme l’environnement. C’est fou! J’aurais aimé qu’on puisse sortir cette chanson en 2016, même si elle est toujours d’actualité.»

Sagesse et confidences

Naturellement, la discussion glisse vers le succès, la gloire, les prix et la reconnaissance. Des concepts qui le rendent visiblement mal à l’aise et pour lesquels il préfère accorder peu d’importance.

«Je pense que si tu te prélasses dans la gloire de tes réalisations, tu risques de devenir complaisant très rapidement, dit-il. Je ne veux pas m’y attarder trop longuement, car c’est dangereux. Il y a le bord de la falaise et tu dois juste être prudent de ne pas te rendre trop près.»

L’artiste décrit le «succès» comme «le fait de faire les choses avec signification, avec un but et de la conviction». «Quand tu perds la possession de ce que tu fais, ça perd son sens, et quand tu fais chaque jour quelque chose qui n’a pas de sens et pour laquelle tu as beaucoup sacrifié, c’est là où tu te retrouves très rapidement avec des problèmes d’abus de substances.»

Sans même l’avoir prévu ou planifié, nous discutons du film A Star is Born et du personnage de rocker déchu interprété par Bradley Cooper, à qui Devon confie s’être un peu trop identifié.

«Je m’identifie à son insouciance et à l’alcool», ajoute-t-il, avant de raconter une fin de soirée dans un hôtel suisse où, très intoxiqué, il est sorti se balader sur la corniche du cinquième étage. «C’est difficile pour moi de mettre ce moment en mots, mais je réalise que j’aurais pu très facilement tomber et mourir, simplement parce que je voulais exercer mon droit d’ouvrir la fenêtre de l’hôtel. Ça me donne des frissons d’y repenser.»

Paradoxalement, le chanteur, qui se décrit aujourd’hui comme «plus vieux et plus sage», affirme vouloir cesser de prendre des décisions trop éclairées et redevenir plus spontané. Il souhaiterait aussi retrouver la naïveté artistique de ses débuts; celle qui lui inspirait les grandes déclarations engagées.

Quoi qu’il en soit, Devon Portielje se plaît à croire que ses amis et lui sont devenus de meilleurs musiciens au fil des années. Plus confrontant et dramatique dans ses paroles, il promet un concert lancement «wild, fun et chargé émotionnellement».

«C’est toujours spécial d’être à Montréal, les gens sont si enthousiastes, ça nous fait chaud au cœur. C’est la maison.»

A Blemish in the Great Light d’Half Moon Run, sera disponible ce vendredi 1er novembre.

La grande soirée de lancement de l’album a lieu ce jeudi 31 octobre, au MTELUS. Les billets pour y assister se sont toutefois écoulés en moins de 10 minutes.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.