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Grève de la faim pour son fils trisomique

Le père de Mathieu Fortin avait l'appui de la CAQ pour une maison hébergeant des adultes trisomiques et leurs parents. Ce n’est plus le cas.
Mathieu Fortin, 21 ans, a la trisomie 21, aussi appelée le syndrome de Down.
Courtoisie - Sylvain Fortin
Mathieu Fortin, 21 ans, a la trisomie 21, aussi appelée le syndrome de Down.

L’Assemblée nationale reçoit un visiteur patient et déterminé depuis un peu plus d’une semaine. Sylvain Fortin fait la grève de la faim et manifeste devant le parlement, furieux que la Coalition avenir Québec (CAQ) ait retiré son appui à un projet de maison des aînés pour les parents d’enfants avec une déficience intellectuelle.

M. Fortin a deux fils. Le plus jeune, Mathieu, est atteint de trisomie 21. Sa déficience se trouve du côté lourd du spectre. Ce qui signifie qu’il ne sera jamais autonome, même pour se laver ou se nourrir.

C’est pour lui que M. Fortin fait la grève. Et pour les autres enfants atteints de toutes sortes de déficiences intellectuelles, ainsi que leurs parents.

Un combat qui s’annonce difficile.

“Juste boire de l’eau, c’est long en crisse...”

- Sylvain Fortin

Sa cible: la ministre des aînés, Marguerite Blais, ainsi que le reste du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ).

Une maison d’hébergement pour parents et enfants

Au Québec, les services offerts aux enfants avec une déficience intellectuelle s’arrêtent à l’âge de 21 ans. Mathieu ne peut plus aller à l’école, par exemple. Et il est trop lourdement atteint pour profiter d’un programme d’insertion à l’emploi.

Alors il reste à la maison, avec son père.

Pour l’instant, M. Fortin arrive à travailler de la maison, à titre de recherchiste en droit de la santé. Mais, à 56 ans, il pense aux décennies à venir. Éventuellement, sa capacité à s’occuper de son fils diminuera.

Sylvain Fortin devant l'Assemblée nationale.
Courtoisie - Sylvain Fortin
Sylvain Fortin devant l'Assemblée nationale.

M. Fortin caresse un projet depuis quelques années. Avec l’aide de l’organisme qu’il a fondé, la Maison Anne et Charles De Gaulle, il aimerait ouvrir une maison d’hébergement qui accueillerait à la fois les adultes lourdement déficients et leurs parents vieillissants.

«Des parents septuagénaires, octogénaires, nonagénaires, j’en ai reçu des centaines. Ils se demandent ce qui va se passer avec leur enfant lorsqu’ils vont mourir», explique-t-il.

M. Fortin raconte le cas d’une femme de 92 ans qui a dû se rendre en CHSLD. Elle a été séparée de sa fille trisomique de 64 ans, dont elle s’était toujours occupée, parce qu’il n’existait pas d’endroit qui pouvait prendre en charge chacun de leurs besoins spécifiques.

«La madame n’a pas tuffé. Et sa fille n’a jamais intégré le fait que sa mère est morte», déplore M. Fortin.

La maison qu’il propose compterait 70 lits et serait accessible pour toutes sortes de déficiences intellectuelles, pas seulement la trisomie. Un centre de jour de 21 places serait aussi ouvert pour que les enfants de 21 ans et plus puissent socialiser et que leurs parents aient un répit.

Une promesse brisée

M. Fortin croyait avoir l’appui qu’il cherchait lors de la dernière campagne électorale. La CAQ proposait ― et propose toujours ― des maisons des aînés pour remplacer les CHSLD. Il a approché la candidate Marguerite Blais, alors pressentie comme ministre des Aînés, pour solliciter son appui.

Outre son passage comme ministre libérale dans les gouvernements de Jean Charest, Mme Blais est connue pour avoir milité pour les proches aidants.

En août 2018, elle affichait publiquement son appui pour la cause de M. Fortin.

Des messages privés, consultés par le HuffPost Québec, confirment l’appui de Mme Blais au projet. Celle-ci va même jusqu’à dire «nous allons défendre votre projet si nous sommes élus».

Depuis la victoire électorale de la CAQ, le discours a changé. Selon M. Fortin, le cabinet de Mme Blais l’a informé que son projet n’ira pas de l’avant.

Mme Blais n’a pas répondu aux demandes d’entrevue du HuffPost Québec. Dans deux articles parus dans le quotidien Le Soleil, elle affirme que le projet est en cours d’analyse au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Lanaudière, puisque M. Fortin habite à Terrebonne.

L’homme en question affirme toutefois que le message du personnel politique de la CAQ n’a pas changé: il n’y aura pas de Maison Anne et Charles De Gaulle.

Le 1er mai, il a fait ses valises, quitté Terrebonne, et installé une tente devant l’Assemblée nationale. Mathieu est désormais sous la supervision de son grand frère.

M. Fortin n’a rien mangé depuis.

«Je vais rester là jusqu’à ce que l’ambulance vienne me chercher dans le coma», déclare-t-il.

Selon M. Fortin, la séparation avec son fils est un «deuil innommable». Il estime toutefois que le combat en vaut la peine. Même si le projet de résidence ne se réalise pas, il espère faire une percée avec le centre de jour.

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