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Le retour des nations n'aura pas lieu

Il est faux de prétendre qu'un bouillonnement nationaliste se prépare en Europe et que le récent cas de la Grèce en est symptomatique.
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La dernière tragédie grecque a mené un certain nombre d'analystes et de chroniqueurs à parler d'un «retour des nations» sur la scène internationale. Au Québec, mais aussi en France et un peu partout en Europe de l'Ouest, des personnalités publiques ont profité des derniers déboires du gouvernement d'Alexis Tsipras avec l'Union européenne pour faire valoir une théorie qui conforte leur propre vision des choses.

Selon eux, la perte de souveraineté engendrée par l'universalisation du libéralisme économique et la mise sur pied d'institutions supranationales et potentiellement coercitives comme l'UE s'accompagnerait d'un renouveau de l'identité nationale. Ainsi, il s'ensuivrait une forme de «retour du balancier» : l'État-nation serait de retour. Mais peut-on dire qu'il s'agit là d'une véritable prophétie? Je ne crois pas.

Pour dire vrai, il n'y aura pas de retour des nations sous leur forme traditionnelle. Le paradigme de l'État-nation à la française, né de la Révolution de 1789, s'est épuisé depuis une vingtaine d'années. Par contre, nous pourrions parler d'un retour des régionalismes et de la réapparition des ancrages communautaires.

Bref, parlons d'un retour du terroir, du paganisme, de la valorisation de son environnement immédiat. Mais ne parlons pas d'un retour de la nation en tant qu'entité indivisible comme s'il s'agissait d'une réalité sociologique.

Il existe plusieurs facteurs à l'origine de ces grandes mutations. Parmi ceux-là: on peut citer le traumatisme hérité du fascisme et l'émergence d'une économie de marché transcendant les frontières étatiques. Mais inutile d'aller plus loin: ce qu'il faut retenir ici, c'est que le rayonnement de l'État-nation s'amenuise un peu plus chaque jour tandis que l'on parachève des cités-États de plus en plus automnes et que des régionalismes se reconsolident.

D'une part, on semble maintenant préférer à l'État-nation le confort de l'enracinement local qui rime avec un sentiment de proximité - une attitude fortement encouragée par les théories écologistes à la mode. D'autre part, on semble maintenant préférer à l'État-nation des ensembles plus rassembleurs à l'image de l'Union européenne, ou dans une autre optique, à l'image d'une fraternité européenne ou occidentale. Think globally, act locally: l'État-nation se retrouve coincé entre deux mondes.

Dans les prochaines années, il ne veut pas dire qu'en Europe, les régionalismes ne s'amalgameront pas de manière à former un tout que l'on saura certainement appeler «nationalisme» au moment opportun. Il ne veut pas dire non plus que des mouvements populistes n'émergeront pas afin de faire front commun contre l'actuel système économique et même, contre la démocratie parlementaire. Enfin, il ne veut pas dire que toutes les solidarités identitaires s'épuiseront car ne sous-estimons pas la force de caractère des Européens et l'impact de l'islamisme sur l'imaginaire collectif occidental.

Qu'on me comprenne bien: je ne dis pas que le retour des nations n'est pas souhaitable. Je parle en observateur. Je dis que certains individus projettent leurs fantasmes sur l'actualité internationale. Il est faux de prétendre qu'un bouillonnement nationaliste se prépare en Europe et que le récent cas de la Grèce en est symptomatique. Et il est encore plus faux de prétendre qu'il s'agit là d'un simple prélude à l'émancipation nationale des Québécois.

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