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Grande-Bretagne/France: référendums, rébellions et régicides

Deux pays, deux systèmes, deux rébellions; les vieux réflexes de deux nations séparées par un bras de mer reviennent au galop.
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En Grande-Bretagne, pour faciliter les étapes menant au Brexit, Theresa May a voulu agir plusieurs fois en véritable monarque, écartant le Parlement, institution suprême, dans les négociations menées avec la Commission européenne.
ASSOCIATED PRESS/Tim Ireland
En Grande-Bretagne, pour faciliter les étapes menant au Brexit, Theresa May a voulu agir plusieurs fois en véritable monarque, écartant le Parlement, institution suprême, dans les négociations menées avec la Commission européenne.

En Grande-Bretagne, pour faciliter les étapes menant au Brexit, Theresa May a voulu agir plusieurs fois en véritable monarque, écartant le Parlement, institution suprême, dans les négociations menées avec la Commission européenne. Elle rejette aussi la proposition de laisser le peuple trancher sur la viabilité de son «deal» par un second référendum, une idée qui fait pourtant son chemin au sein de la Chambre des Communes. Selon le premier ministre, il est impératif au nom de la démocratie d'honorer la volonté du peuple, exprimée le 23 juin 2016.

Coup de théâtre le 4 décembre, le Parlement déclare que le gouvernement a commis un outrage en refusant de publier des documents juridiques sur les conséquences de l'accord qu'il a passé avec Bruxelles. Il s'agit d'une mesure extrêmement rare, mais grave, et les députés se réservent le droit de prendre l'initiative en cas de rejet de l'accord passé entre May et la Commission européenne. Le cabinet britannique publie finalement les documents, mais reporte le vote de l'accord sur une sortie ordonnée du Royaume-Uni à la 3 semaine de janvier, alors qu'il était prévu initialement pour le 11 décembre.

Officiellement, le report est justifié par de nouvelles négociations avec Bruxelles — même si les Européens ont répété qu'il n'avait plus rien à négocier. Officieusement, le but serait de mettre les députés devant un fait accompli: le «deal» de May est la seule option disponible pour éviter un crash économique. En effet, car en cas de rejet, il sera difficile d'organiser des élections législatives ou un second référendum entre fin janvier et le 29 mars, date à laquelle l'article 50 prend fin: la Grande-Bretagne sortira donc de l'Union européenne.

Ceci dit, en aucun cas les Britanniques ne remettent en question leurs institutions et la suprématie du Parlement. Ils attendent plutôt que les membres du Parlement neutralisent May et les sortent de ce pétrin, car nul n'est satisfait du «deal» du gouvernement qui ferait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord un état vassal de l'Union européenne. Les derniers sondages donnent 18 points d'avance au maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne.

Theresa May, qui a fait pourtant campagne pour rester dans l'Europe en 2016, désire ardemment le Brexit depuis son ascension au poste de premier ministre.

Elle souhaite néanmoins le maintien de liens économiques très forts avec l'Union européenne, puisque 44% des exportations anglaises en dépendent. Elle veut par ailleurs maintenir la paix en Irlande en empêchant le rétablissement d'une frontière terrestre entre la République irlandaise et l'Irlande du Nord. Comme sa majorité dépend du DUP au parlement (les unionistes irlandais), elle leur a promis qu'il n'y aurait jamais de frontière douanière entre l'Irlande du Nord et la Grande-Bretagne, ce qui oblige la Grande-Bretagne à s'aligner vitam æternam aux normes européennes sans pour autant participer aux décisions. En d'autres termes, les Britanniques ne peuvent sortir de l'union douanière avec le reste du continent européen.

En France, une élite composée de libéraux et d'anciens socialistes a essayé de réformer le pays — ce qui est irréprochable — pour en faire un paradis de start-up et du gros capital, espérant ainsi attirer plus d'investissements dans l'Hexagone, réduire le chômage et le malaise profond qui sévissent dans la société française.

Macron, ayant détruit le parti socialiste, divisé la droite et neutralisé les cheminots de l'irréformable SNCF, a sans doute pensé pour un temps qu'une destinée hors du commun lui était réservée, celle d'une sorte de Bonaparte anglophile du XXIe siècle. Mais les petits dérapages méprisants sur la populace, son attitude jupitérienne, les frasques de son garde du corps et les égoportraits présidentiels avec des voyous à Saint-Martin ont terni son image et anéanti le mythe présidentiel.

En septembre, signes avant-coureurs, deux ministres populaires ont quitté le navire présidentiel avant qu'il ne s'échoue, Nicolas Hulot, ministre de l'Environnement et le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb.

Personne n'a vraiment vu venir les Gilets jaunes et il est aujourd'hui difficile d'endiguer ce mouvement à la fois important et dispersé. Lorsque l'on vient comme moi d'Angleterre, on a l'impression qu'une insurrection nationale est en cours. En tergiversant, Macron et son gouvernement ont opté pour la politique du pire: celle qui ne contente personne et ouvre la boîte de Pandore.

On ne peut qu'être pessimiste pour l'avenir du pays, car contrairement à l'Angleterre, la France n'est plus souveraine dans sa politique financière et économique. Paris est contraint à respecter l'austérité et la discipline budgétaire imposées par Bruxelles. Membre de l'Euro, la France doit honorer ses engagements envers ses associés européens. Elle ne peut plus avoir recours comme dans le passé à une hausse des dépenses et à une dévaluation pour relancer ses exportations et pour pacifier sa société. Nous sommes confrontés de plein fouet à une incompatibilité culturelle économique entre l'Europe germanique et l'Europe latine. Comme nous l'avons vu pour la Grèce, il est impossible de sortir de l'Euro, car les coûts et risques bancaires en sont trop élevés.

Le gouvernement, pris au dépourvu, cherche à gagner du temps en ouvrant un débat sur l'initiative référendaire, car les Gilets jaunes ne font plus confiance à leurs représentants. Hélas, il semble — pour reprendre une expression si chère à Emmanuel Macron — qu'il s'agisse ici de poudre de perlimpinpin. En cette fin d'année, une association nantaise, appelée Bretagne Réunie a récolté une pétition sur papier de 105 000 électeurs du département de la Loire-Atlantique (soit plus de 10% du corps électoral) pour qu'une consultation de la population soit organisée sur la question du rattachement de leur département à la région Bretagne, telle que la loi le permet jusqu'au 1 mars 2019.

Rappelons que pour qu'une initiative référendaire ait lieu en Suisse, il faut au niveau national 100 000 signatures et 500 000 en Italie. Cette pétition énorme en Bretagne historique a tout simplement été ignorée par les autorités grâce à un petit tour de passe-passe du président socialiste de ce département, Philippe Grosvalet, en pleine crise des Gilets jaunes. Si on s'intéresse de près à cette histoire, on remarque que la République fonctionne verticalement. Tout est décidé à l'avance par le pouvoir hyper centralisé à Paris et grâce à un réseau de copinage efficient.

La République, comme l'élite française aime si bien appeler leur pays, serait dirigée par des énarques-patriciens réticents à tout changement de gouvernance. Il aurait été judicieux d'annoncer, en plus de l'augmentation du salaire minimum, un renoncement à une partie de leur salaire, de leurs dépenses et de leurs privilèges. En temps de coupes budgétaires et d'effort national, cela aurait peut-être apaisé une population en voie de paupérisation prête à réclamer la tête du monarque républicain.

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