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«Glengarry Glen Ross»: revisiter les années 80

En dépit des prix, des honneurs et de la renommée, cette pièce m'a semblé désespérément datée, figée dans les années 80 et étant pour un public d'aujourd'hui d'un intérêt très relatif.
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La pièce de David Mamet Glengarry Glen Ross, présentée au Rideau vert, a été écrite au début des années 80 et a mérité un prix Pulitzer à son auteur en 1984, ce qui n'est pas rien.

J'y ai assisté avec l'innocence et la pureté de l'agneau qui vient de naître: je ne l'avais jamais vue, je ne connaissais pas le film qui en a été tiré, je n'avais aucune idée de l'histoire. Je connais davantage Mamet comme scénariste et réalisateur (Wag the dog, The Spanish prisoner, Ronin, State and Main), mais en dépit des prix, des honneurs et de la renommée, cette pièce m'a semblé désespérément datée, figée dans les années 80 et étant pour un public d'aujourd'hui d'un intérêt très relatif.

La pièce débute par une engueulade en règle de la part d'un coach (Renaud Paradis, très convaincant) qui vient humilier et dénigrer les vendeurs d'une petite firme de Chicago (ville complètement évacuée dans l'adaptation) spécialisée dans la vente de terrains. Le langage est cru, vraiment cru. Les vendeurs, sidérés, se font traiter de tous les noms et apprennent qu'ils seront tous mis à la porte à la fin du mois, sauf ceux qui auront performé de manière exceptionnelle. Tout est donc en place pour une confrontation quasi anthropologique: la sélection naturelle va déterminer le plus fort ou le plus adaptable.

Et ajoutons à cela les luttes de pouvoir, la compétition sans merci, la manipulation, le chantage économique et émotif, la peur de perdre et la cupidité, des traits qui ne composent pas nécessairement un hymne à la beauté de la nature humaine. La pièce souligne à gros traits que l'homme est un loup pour l'homme. Les vendeurs vont se livrer à toutes les manigances possibles pour garder leur emploi sous l'œil passif-agressif de leur administrateur, Williamson (Luc Bourgeois). Et ça va se terminer en catastrophe.

Évidemment que ce sont des thèmes dignes d'intérêts, Shakespeare et Molière en ont très bien parlé entre autres. Mais ici ce fil conducteur se perd dans les échanges verbeux et verbomoteurs, dans des scènes qui traînent en longueur, surtout les deux premières et dans le jeu sans nuance des comédiens. On s'en fout de ce qui va leur arriver.

Fabien Cloutier fait du Fabien Cloutier et ce n'est pas dans cette pièce qu'il étend son registre; Denis Bouchard est pathétique, mais ne nous inspire aucune sympathie; Eric Bruneau détonne avec son complet bien coupé de jeune cadre dynamique et en fait un peu trop pour bien nous faire comprendre quel carnassier sans pitié il incarne; il y a Mani Soleymanlou qui s'en tire très bien et dont on sent dans le jeu mesuré la lucidité et la désillusion qui l'habitent. J'aurais aimé sentir que les sentiments et les rêves de ces personnages signifiaient quelque chose. Tout ce que j'ai constaté c'est qu'ils seront broyés sous la meule de la médiocrité ambiante.

L'adaptation de Denis Bouchard et de Frédéric Blanchette veut rendre compte de ce brillant feu roulant qui caractérise les dialogues de David Mamet. Le malheur c'est qu'on perd des répliques à cause de la diction relâchée des comédiens. Du côté de la scénographie, le décor très astucieux d'Olivier Landreville, qui est modifié entre les scènes par les comédiens eux-mêmes, permet une utilisation maximale de l'espace et se transforme sans effort de bureau crado mal tenu en bar cheap où les vendeurs complotent.

Mais le problème principal de cette production c'est que cette pièce a mal vieilli, qu'elle est trop ancrée dans une réalité qui n'a pas de résonnance, du moins pas pour nous. Je n'éprouve personnellement aucune nostalgie pour les années 80 dont je retiens la mode atroce, la musique insignifiante et les principes économiques de l'ère Reagan. Et Glengarry Glen Ross ne m'a aucunement convaincu de changer d'idée.

Glengarry Glen Ross, au Théâtre du Rideau vert jusqu'au 27 février 2016.

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