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Frais accessoires en santé: le règne de l'hypocrisie...

Prétendre améliorer la santé financière des ménages québécois en coupant dans les dépenses de l'État, dans les services et, prétend-on, dans les impôts, c'est un grossier mensonge. Tôt ou tard, il y a unà payer pour les services.
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Le système de santé québécois coûte plus cher que ce que l'État peut payer avec ses revenus actuels en taxes, impôts, profits des sociétés d'État, tarifs et transferts.

Il faut aller chercher l'argent quelque part. On imagine deux possibilités : hausser les taxes et les impôts. C'est honni, banni, vilipendé, ça donne des crampes. Pourtant, ce que le gouvernement coupe ou abolit ne devient pour autant ni inutile, ni gratuit. Ça reste nécessaire et ça coûte quelque chose. Quelqu'un doit payer.

Alors le gouvernement recourt à l'autre possibilité que dénonce Raymonde Saint-Germain, la Protectrice du citoyen: il file la facture aux usagers. « Tu en as besoin, paye-le! » Les « frais accessoires » en santé que ça va s'appeler cette fois-ci. Ça part de votre poche, ça va dans la leur, et ça ferme l'accès à ceux qui n'en ont pas les moyens. Une sorte de gros bon sens caquo-conservateur adopté par Martin Coiteux sous l'œil indifférent de Philippe Couillard? Indifférent? Pas si sûr...

D'une part, il y a la pure idéologie : rapetisser l'État, le ratatiner et le désengager des services. Il y en a trop, d'État! Ça réduit le pouvoir du plus riche sur le plus pauvre, l'État.

Ça se fait sur le dos de ceux qui n'ont pas les moyens de se payer de tels services de santé et pas davantage d'assurances pour les couvrir. Ceux-là, il faut se le dire, seront plus vulnérables, plus malades, moins vite et moins bien soignés... À long terme, les plus pauvres meurent plus vite. Logique.

C'est ce que des millions d'années de collaboration grégaire et des décennies de social-démocratie ont tenté non pas d'éliminer - en tous cas, ça aura été un échec - mais au moins de rendre moins cruel.

C'est là qu'on peut douter de l'indifférence de Philippe Couillard. On se souviendra que lors de son retrait de la vie politique, Philippe Couillard avait négocié son emploi futur à partir de son siège de ministre de la Santé. Dans le secteur privé, dans le domaine de la santé. Il a fallu légiférer pour que ça ne se reproduise pas. Lui, il l'avait fait.

On sait aussi que Philippe Couillard ne conçoit pas son rôle comme une vocation. Ses services vendus à fort prix au sordide régime saoudien, ami d'Al Qaeda et sexiste comme pas un, ne favorisaient l'accessibilité aux soins de santé pour les plus démunis.

Enfin, on peut supposer qu'avoir placé le salaire saoudien à l'abri de l'impôt québécois aux Îles Jersey n'avait pas pour objet de financer les services de santé québécois.

Chaque dollar de plus qu'on soutire à l'usager des services de santé - ou de tout service présentement assumé par l'État - réduit la différence entre le prix de ce service financé par nos impôts et le prix de ce service vendu par le privé.

À chaque fois que cette différence diminue, plus de gens passent du public au privé. Évidemment, chaque imposition d'un frais, d'un tarif supplémentaire ou d'une facturation de plus pour quelque chose qu'on ne payait pas ou qu'on payait moins auparavant, chacun de ces dollars est une invitation criante à aller justement, vers le privé.

Dans le privé, il y a quelqu'un, quelque part, qui empoche un profit.

Ce que le gouvernement abolit ne devient ni gratuit ni inutile. Ça devient une occasion d'affaires pour vendre un service par le privé au profit de ses actionnaires. Selon cette logique, ce que ceux qui le peuvent paieront en moins en impôts pour financer le système public, ils le paieront au fournisseur privé de services de santé.

Les moins riches s'en passeront, ou bénéficieront de services de qualité moindre, d'équipements de qualité moindres, d'une rapidité et d'une efficacité moindres, et en conséquence, ils seront plus malades et mourront plus vite.

J'ai flirté avec l'idée d'un tout léger frais de, mettons, 5 $ par visite. Pas longtemps : ça ferait rentrer des dizaines de millions dans les coffres de l'État, oui, mais ce 5 $ deviendrait rapidement 10 $, puis 15 $, et contribuerait à son tour à réduire l'écart entre les coûts des services livrés par le système public et celui, privé, que le gouvernement encourage sans vous le dire.

L'autre solution? Encourager les efforts en vue d'assurer une meilleure efficacité du système, oui, et mesurer précisément ce que sont les besoins du système pour en maintenir l'accessibilité et l'efficacité. Peut-être même faire le choix de l'améliorer.

Ensuite, il faut demander aux gens s'ils seraient d'accord pour le financer collectivement, équitablement, avec une certaine compassion pour les pauvres et les aînés. Quelques dollars par citoyen, oui, en taxes et en impôts. Personne n'est responsable du vieillissement de la population, et oui, ça coûte quelque chose. Ça, même le gouvernement péquiste auquel j'ai participé ne l'a pas considéré. Coût politique trop élevé. On a chanté la toune des coupures nous autres aussi, prétendu ça n'allait pas avoir d'effet pervers et que les gains d'efficacité allaient faire le reste.

Ho! Une autre solution encore : augmenter le nombre de payeurs de taxes et d'impôts. Comment? En profitant de la faiblesse relative du dollar canadien pour déployer une politique industrielle créatrice d'emplois. Chaque emploi créé est une dépense de moins pour l'État et un revenu de plus. Créer de l'emploi, comme beaucoup d'autres juridictions en Amérique le font avec de l'argent public et beaucoup d'agressivité, ça rapporte plus que ça coûte!

Prétendre améliorer la santé financière des ménages québécois en coupant dans les dépenses de l'État, dans les services et, prétend-on, dans les impôts, c'est un grossier mensonge. Tôt ou tard, il y a un bill à payer pour les services.

C'est le règne de l'hypocrisie imposé par une solide propagande. Pièce par pièce, quelqu'un, quelque part est en train de ramener les Québécois à ce qu'ils étaient avant le Révolution tranquille : moins riches, moins scolarisés, moins en santé, moins français, moins capables de réduire les inéquités envers les femmes, les minorités ou les pauvres.

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