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Du secours pour les profs nerveux d’aborder l’éducation à la sexualité

«On passe notre temps à dire aux jeunes qu'ils ne doivent pas développer une anxiété de performance par rapport à la sexualité... C'est la même chose pour les profs qui doivent l'enseigner!»
Caiaimage/Chris Ryan via Getty Images

Depuis la rentrée 2018, des enseignants de math, de français, de géo et autres sont nerveux.

C’est qu’avec la décision du gouvernement Couillard de rendre les cours d’éducation sexuelle de nouveau obligatoires dans les écoles, cet enseignement a été intégré aux diverses matières (jusqu’à 15 heures par année, au secondaire).

La grande majorité de ces enseignants ne sont pas contre le retour de ces notions à l’école, mais plusieurs d’entre eux ne se sentent pas assez outillés pour aborder ce sujet délicat avec les jeunes.

C’est là que Tel-jeunes entre en jeu. L’organisme offre une formation gratuite pour aider le personnel enseignant à se sentir plus en confiance pour aborder la question avec les jeunes. Cette formation a été donnée à environ 1300 membres du personnel scolaire dans une soixantaine d’écoles de la province, pendant l’année scolaire. Et les commandes s’accumulent déjà pour l’année prochaine.

«C’est normal que les enseignants soient stressés, souligne Myriam Day Asselin, coordonnatrice au développement des contenus chez Tel-jeunes. Notre travail, c’est d’aller déconstruire les mythes. Parce que les enseignants se font une idée de ce que les jeunes vivent, ils les connaissent beaucoup parce qu’ils les côtoient au quotidien, mais nous, quand on vient offrir la formation, on leur apporte un peu la lunette de leur vie sexuelle et affective, parce qu’on les entend tous les jours au téléphone, par texto, par courriel, ils nous posent leurs questions, nous parlent de leurs préoccupations...»

Et leurs questions concernent beaucoup plus les relations affectives que les gestes sexuels comme tels, ajoute la sexologue.

Myriam Day Asselin est sexologue et coordonnatrice au développement des contenus chez Tel-jeunes.
Camille Laurin-Desjardins/HuffPost Québec
Myriam Day Asselin est sexologue et coordonnatrice au développement des contenus chez Tel-jeunes.

«Premièrement, les questionnements des jeunes sur la sexualité, ça ne représente que 28% des requêtes qu’on reçoit. Ils ont des questions sur la contraception, la crainte de grossesse... mais aussi beaucoup de jeunes qui sont en amour, mais qui ne sont pas en relation: il y a quelqu’un dans ma classe qui me plaît, mais je ne sais pas comment lui dire, des questionnements qui peuvent paraître naïfs, mais qui sont adaptés à leur âge.»

Les intervenants de Tel-jeunes reçoivent aussi beaucoup de questions sur les peines d’amour (parce que beaucoup d’adultes ne les prennent pas au sérieux) et sur la communication dans le couple.

Une page du cahier de la formation «L'éducation à la sexualité des adolescent.e.s: Savoir-être et stratégies d'intervention», donnée par Tel-jeunes au personnel scolaire
HuffPost Québec
Une page du cahier de la formation «L'éducation à la sexualité des adolescent.e.s: Savoir-être et stratégies d'intervention», donnée par Tel-jeunes au personnel scolaire

«Et les enseignants ou le personnel scolaire nous le disent, en formation: ils sont habitués à répondre à ce genre de questions-là, explique Myriam Day Asselin. Parce que c’est un rôle qu’ils ont déjà: les élèves vont vers eux dans leur quotidien. Nous, on leur apporte plus de stratégies pour les aider, on forme vraiment une belle équipe.»

D’ailleurs, la principale stratégie qui est enseignée dans la formation, «c’est de parler en questions», ce que les profs sont habitués de faire. Parce qu’une question en cache souvent une autre... Derrière la question: «comment savoir si je suis enceinte?» se cachent plusieurs aspects à aborder avec une adolescente, cite en exemple la sexologue.

«On montre aux enseignants à arrêter de se mettre de la pression de donner du contenu précis et plutôt d’être dans l’écoute, dans l’échange, pour amener le jeune à développer sa pensée critique, à développer ses valeurs, à trouver ce qui est important pour lui, résume-t-elle. Et ça, c’est exactement ce qu’on fait chez Tel-jeunes et qu’on leur transmet.»

“Il ne faut pas tenir pour acquis que le jeune est actif sexuellement et qu’il regarde beaucoup de porno, parce que ce n’est vraiment pas le cas de tous.”

- Myriam Day Asselin, coordonnatrice au développement des contenus chez Tel-jeunes

Le premier mythe à déconstruire, dans cette formation de trois heures, c’est que les adolescents d’aujourd’hui connaissent déjà tout du sexe, ou encore qu’ils ont leur première relation sexuelle beaucoup plus tôt qu’il y a 30 ans.

«Il ne faut pas tenir pour acquis que le jeune est actif sexuellement et qu’il regarde beaucoup de porno, parce que ce n’est vraiment pas le cas de tous, précise la sexologue. Et si on aborde le sujet de cette façon-là, certains vont se sentir dépassés, comme si tout le monde faisait ça sauf eux, alors que c’est faux!»

La formation comprend aussi un volet sur comment agir lorsqu’un jeune se confie ou fait un dévoilement de violence sexuelle, par exemple. Elle s’adresse aux enseignants, mais aussi à tout le personnel scolaire.

«C’est aussi pour les membres de la direction, les intervenants scolaires, le coach de basket, la secrétaire qui reçoit un jeune en retard... Tout le monde pourrait être appelé à répondre à une question d’un jeune», explique Myriam Day Asselin.

Selon un récent sondage mené par Tel-jeunes, 89% de ceux et celles qui ont reçu la formation se sont dits mieux outillés. Et 84% ont aussi affirmé comprendre davantage les forces qu’ils ou elles possèdent pour faire l’éducation à la sexualité.

Les notions intégrées, une bonne idée?

La sexologue croit que d’enseigner des notions d’éducation à la sexualité à travers le cursus régulier est une bonne idée, puisque selon elle, il s’agit de notions de base qui doivent être enseignées par tout le monde, comme le respect ou la politesse.

«Ça ne doit pas être circonscrit, une fois, donné par une personne. L’important, c’est que le plus de personnes en parlent, qu’il y ait le plus de modèles possibles, illustre-t-elle. On dit qu’ils sont bombardés de messages à caractère sexuel qui sont négatifs, qui peuvent être sexistes, dégradants, qui sont pas réalistes... Le plus d’adultes les amènent à se questionner sur la sexualité et parlent du beau côté de la sexualité, ça leur permet d’en entendre parler positivement de la part de plusieurs personnes dans plusieurs contextes.»

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