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La fonte précoce des glaces de l'Arctique, l'exemple parfait du cercle vicieux climatique qui nous attend

Une vague de chaleur en Eurasie, notamment en Sibérie, a entraîné une fonte des neiges qui a elle-même entraîné une hausse des températures.

Ces cinq dernières années ont été les cinq plus chaudes jamais enregistrées. Et 2020 a toutes les chances de prendre l’une des premières places du podium vu l’hiver particulièrement chaud qui vient d’avoir lieu. Selon l’agence américaine de surveillance atmosphérique, 2020 a 99,9% des chances de faire partie des 5 années les plus chaudes.

Cette vague de chaleur a une conséquence très concrète: la glace en Arctique fond bien plus vite que prévu. “Si la fonte continue à ce rythme-là, on battra le record de fonte des glaces de 2012”, explique au HuffPost Christophe Cassou, climatologue au CNRS, qui travaille actuellement sur le 6e rapport du Giec.

Le schéma ci-dessous, posté par le chercheur sur Twitter, montre bien comment l’épaisseur de la glace a fondu ces 30 derniers jours. Comprendre pourquoi la glace fond autant permet de saisir en quoi un réchauffement de seulement 0,5°C peut avoir des impacts colossaux.

Un hiver exceptionnellement chaud

Il faut déjà comprendre que cette fonte de la glace est due à une situation bien particulière de cette année 2020: “La zone arctique et toute l’Eurasie ont connu un hiver très chaud, avec des records explosés, mais ce qui est intrigant, c’est que ces anomalies continuent”, détaille Christophe Cassou.

Après avoir enregistré son hiver le plus doux depuis 140 ans, Moscou vient encore d’enregistrer une température record pour un 17 juin, rapporte le Moscow Times. Le climatologue Flavio Lehner explique à Mashable que la vague de chaleur qui touche la Sibérie a entraîné en mai une hausse par rapport à la moyenne de 7°C.

La température annuelle en Sibérie par rapport à la moyenne depuis 1880

Sur cette hausse, 5°C sont dus à des variations naturelles, la principale étant “l’oscillation nord-atlantique”. Tout le monde connait le fameux anticyclone des Açores, avec sa forte pression atmosphérique. Son opposé est la dépression d’Islande. “La masse de l’atmosphère évolue. Si l’anticyclone est un maximum, la dépression est un trou”, explique Christophe Cassou.

C’est l’évolution chaque année de l’anticyclone et de la dépression, que l’on appelle l’oscillation nord-atlantique, qui va définir s’il fait plus ou moins chaud. Un peu comme le fameux courant chaud El Niño qui a été très actif ces dernières années. “Cette année, l’oscillation a commencé en décembre et a été forte jusqu’en début avril, ce qui a amené, via des vents venus d’Europe de l’Ouest, un air plutôt doux, océanique, à l’intérieur du continent européen”, détaille Christophe Cassou.

Et l’impact de l’homme dans tout cela? “Le réchauffement climatique est un multiplicateur de la variabilité naturelle”, précise le chercheur. La hausse moyenne des températures implique que les pics de chaleur sont plus forts. C’est ce mécanisme qui explique également que nous aurons, si nous ne faisons rien, des canicules plus nombreuses et plus fortes en France dans les décennies à venir.

La rétroaction positive, un cercle vicieux pour la planète

Mais ce phénomène météorologique a pris fin en avril. Pourtant, les températures record sont toujours là. Pourquoi? Car elles sont dues à la fonte des neiges et des glaces. Qui entraîne une hausse de température de l’océan. Qui entraîne une fonte plus importante. Bienvenue dans une “boucle de rétroactions positives”, un cercle vicieux climatique qui permet de comprendre comment un réchauffement de 1,5°C au lieu de 2°C pourrait sauver la banquise arctique.

“Le réchauffement des zones arctiques est deux fois plus rapide que le réchauffement global à cause de rétroactions positives”, énonce Christophe Cassou. Il y a de nombreuses explications, mais la plus importante, c’est l’effet d’albédo. “La neige ou la glace réfléchit le rayonnement solaire. Si elle disparaît, le rayonnement est absorbé par la terre ou l’océan qui se réchauffe”, détaille le chercheur. Si l’océan est plus chaud, la glace fond plus, donc l’océan se réchauffe, donc la glace fond plus, etc.

En résumé, l’hiver très doux a entraîné une réserve de glace et de neige plus faible que d’habitude dans l’Arctique. Puis les processus liés à la fonte de la neige dans les zones sibériennes, puis de la glace en mai, ont pris le relais. Résultat: une fonte des glaces précoce et inquiétante en Arctique et le risque d’un triste record.

S’il faut attendre de voir l’évolution des conditions météorologiques et climatiques cet été pour savoir à quel point l’océan Arctique sera privé de glace, ces boucles de rétroactions illustrent dès maintenant pourquoi une petite hausse de la température peut avoir beaucoup d’impact sur la planète.

Ainsi, le dernier rapport du Giec sur les océans estime que d’ici la fin du siècle, si le réchauffement climatique est limité à 2°C, “il y a environ une chance sur trois que chaque été, l’océan arctique soit libre de glace”, rappelle Christophe Cassou. Cela aurait des conséquences importantes car le rayonnement solaire serait directement absorbé par l’océan.

Par contre, si nous limitons le réchauffement à 1,5°C, le risque passe à environ 1%. “Cette importante différence est due aux rétroactions positives, cela nous rappelle qu’il ne faut pas voir le réchauffement comme quelque chose de linéaire”, conclut le climatologue.

Ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.

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