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Son fils doit finir son année scolaire sans accès à Internet: «c'est impensable!»

La mère d'un adolescent est préoccupée par la réussite scolaire de son fils. Ne pouvant pas assister à ses cours en ligne, Nathan n'est pas en mesure d'assimiler la matière.
Laurence Mouton via Getty Images

L’école à la maison donne des maux de tête à bien des parents depuis plus de deux mois, et ce n’est pas de tout repos non plus pour leurs enfants. Mais quand on n’a pas accès à Internet à la maison, l’école à distance peut devenir un véritable cauchemar.

«C’est impossible à suivre! lance Karine Comeau, mère de Nathan, 14 ans. On reçoit 12 courriels par jour, en plus de la trousse pédagogique, et les enseignants envoient des plans de travail. Je reçois ça le dimanche, mais vu que je n’ai pas Internet, je les regarde le lundi au travail, pour me rendre compte que finalement, lundi à 9h, Nathan avait un Zoom, raconte-t-elle, découragée. Je me sens cheap de ne pas pouvoir faire ça comme il faut.»

La famille réside sur un domaine privé de Saint-Félix-de-Valois, dans Lanaudière. Les 30 maisons qui y sont situées n’ont pas accès à Internet. Pourtant, la polyvalente de son fils se trouve à deux kilomètres de là, et au bout de son rang, l’accès à Internet est disponible. Selon le dernier portrait numérique du CEFRIO, 9% des foyers québécois n’ont pas de connexion Internet résidentielle.

«La seule chose qui peut se rendre, c’est Xplornet [NDLR: un fournisseur de services Internet ruraux] On l’avait déjà essayé, et c’est de la merde. Ce n’est pas haute vitesse, ce n’est pas illimité donc après une semaine, on n’avait plus d’Internet. Et ça coûte 100 dollars par mois, déplore la mère. Quand quelqu’un de la famille regardait une vidéo, il fallait crier après tout le monde de couper le Wi-Fi sur leurs cellulaires parce qu’on n’était pas capable! Alors Nathan n’aurait jamais pu suivre ses cours avec ça.»

Quand Karine Comeau consulte les nombreux courriels adressés à son fils, tout un tri s’impose pour déterminer ce qui est le plus urgent. «Il y a plusieurs pièces jointes. Et là, est-ce que c’est des corrigés? Des travaux obligatoires? Un devoir? Un test? Il faudrait que je lise tout ça. C’est n’importe quoi, c’est impensable!» souligne-t-elle, avouant être maintenant stressée simplement à l’idée d’ouvrir sa boîte courriel.

Mardi, Nathan a exceptionnellement accompagné sa mère au travail. «En pleine pandémie, je n’ai pas eu le choix de l’amener au garage pour qu’il puisse se connecter au Wi-Fi pour faire une classe de récupération. Il m’a dit qu’il en avait vraiment besoin.» Karine Comeau travaille à Joliette, un secteur où le coronavirus est bien présent.

«Ça ne me tentait pas pantoute de l’amener là. Je l’empêche d’aller voir ses amis et là il faut que je le mette dans une bâtisse où il y a plein de monde, plein de va-et-vient, pour faire sa classe. J’aimerais mieux qu’il aille à l’école tant qu’à ça.»

Réussite compromise

Non seulement elle est forcée de transmettre les documents et informations à son fils à la dernière minute, mais Nathan n’est de toute façon pas en mesure d’assister à ses cours sur Zoom. Il devient donc très ardu pour lui de compléter ses travaux, même ceux qui ne nécessitent pas un accès internet. «Les profs vont dire par exemple de faire de telle page à telle page du cahier d’exercice. Mais il n’a pas eu le cours! Il n’est pas capable de les faire, il n’a pas eu les explications», signale Karine Comeau, qui s’inquiète sérieusement pour la réussite scolaire de son adolescent.

Elle mentionne que son fils a toujours plus de difficulté en septembre après les vacances d’été, mais que grâce à ses efforts, il arrive toujours en juin avec de bons résultats. Mais cette fois, elle craint que ce ne sera pas le cas. «Je lui payais un prof le soir une fois par semaine. Il avait de bonnes notes grâce à ça et pouvait finir l’année avec une belle moyenne de 80%», affirme la mère de Nathan, qui s’inquiète aussi pour la prochaine rentrée scolaire, ne sachant pas encore si la totalité des cours se donneront à l’école.

«On avait espoir qu’il réussisse à monter dans les groupes forts en secondaire 4. Tous les efforts qu’on a faits cette année, ça vient de complètement tomber à l’eau à cause de ça», confie Karine Comeau, qui a contacté à deux reprises l’enseignant titulaire de son fils ainsi que son enseignante de français, pour leur expliquer la situation.

“C’est vraiment les ressources que je n’ai pas. On est en 2020, et Internet, je ne l’ai pas.”

La seule solution qui lui a été proposée a été d’aller récupérer l’ordinateur portable auquel Nathan avait accès à l’école en raison de ses difficultés en français. «Mais ça ne sert absolument à rien à la maison, sans connexion!»

Karine Comeau insiste: elle ne blâme pas les enseignants de son fils pour ce qui se passe. «Ce n’est pas de leur faute. Il y a clairement du travail derrière tous ces courriels. Je ne fais pas partie de ceux qui disent qu’ils veulent qu’on éduque nos enfants à leur place. Pour eux aussi, c’est nouveau. C’est vraiment les ressources que je n’ai pas. On est en 2020, et Internet, je ne l’ai pas», se désole-t-elle.

Avant la pandémie, la famille de Lanaudière vivait assez bien sans Internet, ce n’était pas particulièrement problématique, précise Karine Comeau. Mais depuis le début de la pandémie, elle est d’avis que l’accès à Internet devrait être garanti pour tous les Québécois.

La mère de Nathan affirme que son fils est très motivé à réussir ses cours, mais qu’il est lui aussi stressé par rapport à ses résultats. «Il m’a dit: ”ça ne marche vraiment pas, je ne comprends vraiment plus rien.” Il a manqué trop de classes.»

«Il voudrait le faire, mais je ne suis pas capable de lui donner la chance de le faire.»

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