Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Faudrait que t’arrives en 2020...

Pour se sentir agressé, ça ne prend pas absolument un viol, ça prend le sentiment d’avoir été touché dans son intimité.
Conceptual of broken hearted, sadness, loneliness woman. Shot with black and white tone.
Boyloso via Getty Images
Conceptual of broken hearted, sadness, loneliness woman. Shot with black and white tone.

Tout comme vous, je vois des publications qui dénoncent des gestes à caractère sexuel qui sont commis dans des situations du quotidien. Ça me désole que ça arrive, mais ce qui me dérange tout autant, c’est de constater que dans les commentaires, il y a le reflet d’une culture qui ne devrait plus exister.

D’abord pour se sentir agressé, ça ne prend pas absolument un viol, ça prend le sentiment d’avoir été touché dans son intimité. Ça arrive quand on sent que quelqu’un est trop intrusif et qu’il ne respecte pas nos limites. Si chaque fois que tu me vois, tu me donnes un bec, en soupirant dans mon oreille, ça se peut que je le vive comme une intrusion, même si tu ne touches ni mes seins ni mes fesses, et même si tu ne mets pas tes mains dans mes bobettes.

Il y a ton geste et il y a mon émotion. Et l’émotion, bien ça se peut qu’elle soit différente pour tout le monde.

“Quand tu écris que c’est du niaisage parce que la personne visée a une belle image, tu me fais peur.”

Ce qui me dérange, c’est quand je lis que ça ne se peut pas parce que la personne concernée est vraiment gentille, impliquée, serviable. Ça me dit que toi, tu penses encore qu’un agresseur, (parce que tu n’as pas encore compris que ça pouvait être une fille aussi) c’est le gars qui est baveux, ivrogne un peu, avec un «pack de smoke» dans son t-shirt sale, qui parle grossièrement en s’adressant aux femmes comme si elles étaient des morceaux de viandes...

Je ne peux pas croire que tu penses encore ça. Quand tu écris que c’est du niaisage parce que la personne visée a une belle image, tu me fais peur. J’ai peur que tu dises à tes enfants de se méfier seulement des gens qui ont l’air dépravés, j’ai peur que tu leur dises de faire confiance à ceux qui semblent gentils.

“L’agresseur, c’est n’importe qui, connu ou méconnu, étranger ou ami, éduqué ou inculte, populaire ou rejeté.”

Parce que tu passes à côté d’la track.

L’agresseur, c’est n’importe qui, connu ou méconnu, étranger ou ami, éduqué ou inculte, populaire ou rejeté. Dans l’agression, il n’y a pas de: «Il est tellement fin» ou «Elle est tellement cool». Non, tu vois, il n’y a rien de ça. Il y a seulement un geste mal placé qui laisse une émotion désagréable. Ça se traduit par l’envie soudaine de briller par son absence au 5 à 7 de job, de partir avant qu’un certain quelqu’un arrive, ça se traduit par l’envie de couvrir ses épaules, même en canicule, celle de s’assurer qu’aucune place est libre à nos côtés, c’est drette ça qu’il faut écouter.

Il y a beaucoup de publications qui circulent pour sensibiliser, pour insister sur le consentement. Et il y a toujours quelqu’un qui commente en disant que c’est rendu qu’on ne peut plus toucher personne. Demande-toi donc qui tu touches et comment, mais surtout demande-toi comment elle se sent, la personne que tu touches. Quand quelqu’un a de la peine, tu ne juges pas, fais donc pareil avec le sentiment d’être agressé.

“Ton geste n’est peut-être pas déplacé, il le devient quand l’autre se sent agressé.”

Je ne peux pas croire que je lis encore des commentaires sur le fait que c’est une recherche d’attention. J’ai l’impression d’entendre une grand-mère des années 80 dire à sa fille qu’elle exagère quand elle lui dit que mononcle lui tripote les fesses en cachette et qu’il la suit dans les toilettes. Je l’entends dire à son garçon de faire un homme de lui et d’arrêter de dire des niaiseries parce que matante est ben bonne pour lui. Vous savez, cette époque où il y a eu des abus sexuels dans chaque famille ou presque, ce temps révolu où les victimes ne disaient rien parce qu’on les accusait de mentir. Come on, on est ailleurs, on est dans le respect de l’autre, dans le respect de la limite, dans le respect de soi.

En fait, ton geste n’est peut-être pas déplacé, il le devient quand l’autre se sent agressé. Là, il faut que tu comprennes que ton comportement vient de passer à un autre niveau. Il n’est pas le bienvenu, il y a un problème si tu continues.

Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à propositions@huffpost.com et consulter tous les témoignages que nous avons publiés.

Quand tu réponds à quelqu’un que ça ne se peut pas, que c’est juste une recherche d’attention, tu fais en sorte que d’autres victimes vont se taire et imagines un peu combien tu contribues à ce que tout ça continue.

Mettons que ton enfant arrive un après-midi en disant que son prof le rend mal à l’aise parce qu’il touche toujours ses cheveux quand il passe près de lui, dis-moi que tu ne lui répondras pas que ce n’est pas grave, qu’il se fait des idées parce qu’un prof c’est respectable. Dis-moi que tu vas comprendre l’émotion désagréable que ça peut laisser et que tu vas aller questionner. Va voir le prof, il va s’excuser, dire qu’il ne pensait pas, qu’il est désolé et il va lâcher ton enfant. Tu vas lui apprendre qu’un petit geste bien banal peut provoquer bien du mal, et tu vas apprendre à ta descendance qu’on peut s’exprimer en toute confiance.

Si tu comprends pas ce bout-là, essaie au moins de ne pas banaliser.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.