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Ma famille a été en confinement pour 5 semaines en 2014. Voici ce que nous avons appris

Visiblement, notre expérience de distanciation sociale nous a bien préparés à ce que le reste du monde vit présentement avec le coronavirus.
Debi Lewis, son conjoint David et leurs filles Ronni et Sammi.
Courtoisie/Chad Leverenz Photography
Debi Lewis, son conjoint David et leurs filles Ronni et Sammi.

Il y a six ans, ma famille a été obligée de faire une version modifiée de l’éloignement social, mais à ce moment-là, nous étions seuls dans tout ça.

Au printemps 2014, ma fille de huit ans, Sammi, a dû subir une opération cardiaque majeure. Mon mari et moi en avions été informés plusieurs mois à l’avance, mais nous avions décidé de ne pas le lui dire, ni à sa grande sœur, Ronni, qui avait 11 ans à l’époque. Nous voulions attendre jusqu’à environ une semaine avant la chirurgie. Nous ne voulions pas leur laisser trop de temps pour s’en inquiéter.

Ce que nous ne savions pas à ce moment-là, c’est que cinq semaines avant le grand jour, l’assistant du chirurgien nous appellerait pour nous dire de commencer à éviter les sources potentielles de contagion pour Sammi.

«On aimerait dire aux familles de retirer leur enfant de l’école pendant le mois qui précède la chirurgie», avait-elle déclaré, «mais nous savons que ce n’est pas vraiment réaliste pour la plupart des gens. Nous recommandons donc d’annuler toutes ses activités, sauf l’école.»

J’étais sous le choc. «Vous voulez dire, des choses comme le soccer?»

«Absolument aucun sport», a-t-elle dit, «et aussi les autres choses comme les activités parascolaires ou les fêtes d’enfants.»

“Si elle attrapait n’importe quelle infection respiratoire, la chirurgie serait annulée.”

Elle a ensuite suggéré que nous évitions tous les spectacles, les pièces de théâtre et autres grands rassemblements. Le but, expliqua-t-elle, était de limiter le nombre d’endroits où Sammi pouvait contracter quelque chose d’aussi banal qu’un rhume. Si elle attrapait n’importe quelle infection respiratoire, la chirurgie serait annulée.

Nous avions déjà reporté la chirurgie pour qu’elle puisse avoir lieu pendant la semaine de relâche pour qu’elle manque un peu moins d’école. Elle avait besoin de cette chirurgie pour régler ses problèmes cardiaques, donc il aurait été difficile d’attendre plus longtemps. Pire encore, si elle subissait une intervention chirurgicale et qu’elle souffrait d’un rhume deux jours plus tard, sa guérison serait considérablement compromise.

Nous avons donc, sournoisement, tout annulé pour trois semaines. Nous avons contacté son enseignante et les parents de ses amis, qui nous ont aidés en mettant en place de meilleures pratiques de lavage des mains et d’hygiène dans la classe, et nous avons simplement arrêté d’aller au taekwondo et à la chorale de l’école.

Elle était assez jeune pour ne pas s’en rendre compte. Nous avons inventé des excuses pour expliquer pourquoi nous ne pouvions pas assister au carnaval de notre synagogue pour la fête de Pourim et avons plutôt organisé une célébration spéciale dans la maison de sa grand-mère. Nous avions prévu une station pour se vernir les ongles, un bricolage avec des paillettes qui brillent dans le noir, un grand casse-tête et une séance photo avec des costumes.

Mon mari et moi avons fait de notre mieux pour nous débarrasser de nos germes chaque jour en rentrant à la maison, en nous lavant les mains et en nettoyant les poignées de porte et les télécommandes de télévision avec des lingettes. Nous avons tous commencé à prendre des vitamines religieusement, une habitude que nous n’avions pas auparavant. Nous avons dit aux enfants que nous essayions de faire en sorte que je n’attrape pas un rhume pendant la pire saison pour mon asthme.

Au début de la quatrième semaine, nous avons informé Sammi et Ronni de la chirurgie à venir, amortissant la nouvelle avec un tout nouveau iPad. Nous avons poussé un soupir de soulagement en nous disant que nous étions dans la dernière ligne droite, avec un peu plus d’une semaine à faire.

Deux jours plus tard, notre fille aînée, Ronni, a attrapé un rhume.

Nous étions en panique. Nous avons pulvérisé du désinfectant partout, séparé les enfants dans des pièces différentes et appelé l’assistante du chirurgien.

«Qu’est-ce qu’on fait?»

«Sortez Sammi de là immédiatement», a-t-elle répondu.

Résignés, nous avons conduit Sammi chez sa grand-mère, où elle a passé les quatre jours suivants, isolée des autres. À la maison, mon mari et moi avons fait de notre mieux pour rester à six pieds de Ronni en tout temps. Elle n’avait que 11 ans, et c’était terrible. Nous nous sommes excusés encore et encore, lui apportant des laits frappés et de nouveaux livres et la laissant regarder des films de Harry Potter autant qu’elle le voulait. Nous avons pris toutes les vitamines et suppléments qui renforcent le système immunitaire que nous avons pu trouver et nous nous lavions les mains pendant 20 secondes à chaque fois, en chantant «Bonne fête» deux fois.

Dieu merci, ça a fonctionné.

Après quatre jours, nous avons ramené Sammi à la maison, tout en gardant nos filles dans des pièces séparées. Six jours plus tard, nous étions à deux jours de son opération, et nous l’avons laissée sortir et jouer dans le parc avec sa meilleure amie. Ronni portait un masque chirurgical chaque fois que Sammi et elle étaient dans la même pièce.

Huit jour après que Ronni eut tombée malade, Sammi est allée à l’hôpital pour sa chirurgie. Ça s’est bien passé, et, surtout, elle n’a jamais attrapé le rhume de Ronni.

Pendant tout ce temps-là, la vie continuait: les gens qui éternuent sur les poignées des chariots d’épicerie, qui se collent les uns aux autres et qui partagent leurs germes avec tout le monde. Mais c’est la première fois que je remarquais tout ça.

Sammi à l'hôpital, en train de parler à une amie sur Facetime
Courtoisie/Debi Lewis
Sammi à l'hôpital, en train de parler à une amie sur Facetime

Il se trouve que notre expérience d’éloignement social nous a bien préparés à ce que le reste du monde traverse actuellement. Nous avons dû ajuster nos attentes, divertir nos enfants, gérer notre propre anxiété et la surmonter. Bien sûr, nous avions une date de fin en tête, ce qui a certainement aidé, mais nous le faisions seuls, et ça, ce n’était pas aidant.

La similitude la plus importante concerne les enjeux. Après avoir vu Sammi sous intraveineuse avec deux tubes de drainage thoracique et une demi-douzaine de moniteurs attachés à elle, j’ai immédiatement compris pourquoi une infection respiratoire aurait été incroyablement dangereux pour sa récupération.

Les personnes dont la santé est fragile ont besoin de notre protection. Même si ça aurait été pénible pour moi - et pour Sammi - d’être loin d’elle alors qu’elle se rétablissait à l’hôpital, je serais restée à la maison si j’avais attrapé le rhume de Ronni. Ça m’aurait brisé le cœur et m’aurait causé une anxiété horrible, mais ça lui aurait aussi sauvé la vie.

“Elle n’avait aucune idée de l’anxiété que nous vivions  à ce moment-là, son père et moi. Tout ce dont elle se souvenait était le plaisir qu’elle avait eu.”

Quelques années plus tard, cette période de notre vie marque encore ma famille de différentes manières. Récemment, Sammi m’a rappelé notre célébration improvisée de la Pourim. Elle a parlé avec émotion de ce temps agréable que nous avions passé à faire un casse-tête et du bricolage chez sa grand-mère, et elle a demandé si je m’en souvenais aussi. Je lui ai dit que bien sûr que oui et je lui ai demandé si elle savait pourquoi nous avions célébré de cette façon en 2014. Elle ne savait pas. Elle n’avait aucune idée de l’anxiété que nous vivions à ce moment-là, son père et moi. Tout ce dont elle se souvenait était le plaisir qu’elle avait eu.

Alors que les parents du monde entier naviguent dans ce même genre de changement d’attitude pour tirer profit de la situation, il vaut la peine de penser aux bienfaits qui en découleront. Quand je pense aux choses que nous avons faites pour rendre cette expérience plus facile pour nos enfants, il s’agissait surtout de changer de rythme sans se concentrer sur ce qui manquait.

Nous avions insisté auprès de nos enfants pour dire que d’acheter un nouveau iPad ne serait jamais une option, mais cette période difficile exigeait un changement d’attitude. Ne pas aller au restaurant m’a obligé à faire preuve de créativité avec notre cuisine à la maison, et nous avons préparé beaucoup de gâteries pendant cette période. Nous avons investi dans de nouveaux jeux, lu de nouveaux livres fantastiques et appris que Sammi était imbattable à Uno.

Le fait d’éloigner nos filles les unes des autres pendant que Ronni était malade leur a permis de réaliser à quel point elles s’aimaient, en criant d’une pièce à l’autre et en nous demandant quotidiennement quand elles pourraient enfin se faire un câlin. Sensibiliser nos amis à la nécessité d’une hygiène minutieuse et de s’éloigner de quiconque qui renifle nous a fait réaliser à qui nous pouvions faire confiance.

Les relations se sont resserrées grâce à FaceTime pendant que Sammi était à l’hôpital, en plus de doux messages vidéo de la part de ses amis qui n’avaient pas accès à la vidéoconférence en temps réel. Nous avons savouré notre proximité en famille et avons appris à naviguer dans tout ça lorsque cette proximité s’est étouffée.

Comme ce fut le cas pour nous en 2014, ce besoin actuel de distanciation physique est un gros enjeux, non négociable. Nous y sommes parvenus - parfois avec grâce et parfois non - et il en sera de même pour le reste du monde. Relâchez vos règles, concentrez-vous sur les bons côtés et soyez conscients de la dynamique changeante de votre maison. Nous allons passer au travers ensemble - ou plutôt, à un mètre l’un de l’autre.

Ce texte, initialement publié sur le site du HuffPost États-Unis, a été traduit de l’anglais.

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