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De l'euthanasie à l'eugénisme: les familles sous le choc

Sommes-nous en train de préparer sournoisement la déshumanisation de notre société? D’éliminer les plus faibles, les plus vulnérables, de créer une société d’élite?
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La possibilité de l’élargissement de l’aide à mourir pour les personnes atteintes de maladie mentale, et plus spécifiquement de schizophrénie persistante et sévère, a foudroyé plusieurs familles qui s’occupent de leur proche atteint de cette maladie.

Sommes-nous en train de préparer sournoisement la déshumanisation de notre société? D’éliminer les plus faibles, les plus vulnérables, de créer une société d’élite? Peut-on mesurer la souffrance d’une personne atteinte de maladie mentale? Les familles ont-elles le droit de croire, de rêver à un avenir meilleur pour leur proche atteint d’une maladie mentale persistante et sévère ou réfractaire? Sommes-nous rendus intolérants face à ceux qui souffrent? Sommes-nous intolérants à la souffrance de ceux qui la subissent?

Ces familles aiment leur proche, elles gardent espoir, elles ont des rêves pour lui malgré son handicap. Comme on dit, l’amour inconditionnel donne des ailes, et elles veulent continuer à le supporter, à l’aider à devenir le plus autonome possible. Elles veulent lui procurer de l’attention et lui donner plus que de l’amour, lui donner de l’espoir.

Les personnes ayant une maladie mentale sévère, persistante et réfractaire comme la schizophrénie comprennent clairement leur maladie et comme toute personne, elles souhaiteraient se sentir utiles et contribuer au développement social et communautaire. Ce qui est le plus difficile pour elles c’est d’être stigmatisées, de se sentir impuissantes face à leur maladie et de vivre du rejet par rapport à l’ensemble de la société dite fonctionnelle.

Les familles ont toujours collaboré pour obtenir les meilleurs services pour leur proche vivant avec une contrainte sévère à l’emploi. Cependant, encore en 2020, elles sont souvent ignorées. On oublie de les intégrer dans l’équipe soignante, on n’écoute pas ou peu ce qu’elles ont à dire ou à revendiquer par rapport aux services en santé mentale qui sont de plus en plus difficiles à obtenir étant donné la pénurie de professionnels dans plusieurs domaines. Par exemple, ma fille atteinte de schizophrénie n’a plus de psychiatre.

Les familles se battent constamment pour obtenir de l’aide pour leur proche souffrant qui ne reçoit pas les services adéquats pour développer davantage son autonomie. Les familles déplorent encore aujourd’hui ce manque pour apporter plus de support à leur proche. Les OSBL demeurent toujours l’enfant pauvre du gouvernement. Peu d’argent est investi dans ce secteur, les rares petites subventions les obligent à restreindre leurs services en santé mentale.

“Souvent, lors de l’arrivée de la quarantaine, la maladie s’atténue, mais surtout, la personne mature et change sa perception concernant sa vie.”

Les familles continuent à déployer leur énergie pour leur proche et lui apporter du support, et surtout continuent à l’aimer, et même plus que les autres enfants dans la famille. On veut son bien-être et qu’il puisse atteindre une certaine indépendance.

En tant que mère, fondatrice et directrice du Centre de Soutien en santé mentale - Montérégie depuis plus de 20 ans, j’ai toujours gardé espoir qu’un jour ma fille atteinte depuis presque 30 ans deviendrait moins psychotique et plus résiliente, mais aussi que sa maladie s’atténuerait et qu’elle puisse enfin vivre un peu de bonheur malgré sa contrainte sévère et ses voix. Souvent, lors de l’arrivée de la quarantaine, la maladie s’atténue, mais surtout, la personne mature et change sa perception concernant sa vie.

“Depuis quelques années, ma fille est plus sereine, moins psychotique et peut enfin atteindre de petits objectifs qui l’aident à passer ses journées en douceur.”

Un jour, ma fille m’a demandé «Qu’est-ce que je fais sur cette terre?» Ce fut pour moi une question difficile à répondre. Par contre, je lui ai dit: « Malgré ton handicap, tu as le droit comme tout le monde d’avoir ta place sur cette terre, tu peux profiter de la nature, du soleil et admirer la beauté de cette planète, tu peux manger ce que tu aimes, en un mot. Je t’aime et je t’aimerai toujours malgré ton handicap. L’amour peut déplacer des montagnes et aider la personne à se sentir utile sur cette terre qui appartient à tous. Chacun d’entre nous a le droit de croire et de rêver à des jours meilleurs».

Depuis quelques années, ma fille est plus sereine, moins psychotique et peut enfin atteindre de petits objectifs qui l’aident à passer ses journées en douceur. La maturité s’installe tranquillement mais sûrement. L’espoir est grandissant, ce qui m’amène à déployer davantage d’énergie et à continuer à donner de l’espoir aux familles. L’amour inconditionnel nous permet de croire et de continuer à rêver.

La vie nous donne des ailes malgré nos épreuves. Il faut trouver des moyens pour l’adoucir, pour nous permettre de devenir des porteurs d’espoir et des courroies de transmission pour les futurs parents qui auront à vivre avec une personne atteinte de maladie mentale.

Il faut garder espoir, car la recherche et la technologie avancent très vite et nous permettent de croire en un avenir meilleur.

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