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La pollution lumineuse est bien pire que ce que l’on pensait

Des scientifiques constatent un dérèglement massif du vivant, un effet similaire au réchauffement climatique.
Le ciel du comté de Kaihua, en Chine, la nuit du 16 mai 2019, dans le cadre d'une opération de la NASA visant à sensibiliser à la pollution lumineuse. La photo de droite a été prise avec la même caméra, au même endroit, lumières éteintes.
Jeff Dai (TWAN)
Le ciel du comté de Kaihua, en Chine, la nuit du 16 mai 2019, dans le cadre d'une opération de la NASA visant à sensibiliser à la pollution lumineuse. La photo de droite a été prise avec la même caméra, au même endroit, lumières éteintes.

La pollution lumineuse déséquilibre notre écosystème et peut même être comparée, d’une certaine manière, au réchauffement climatique. C’est ce que conclut une étude parue ce lundi 2 novembre, dans la revue scientifique Nature, ecology and evolution.

La nuit en ville, partout sur la planète, les étoiles semblent moins scintiller. Elles sont en réalité happées par les reflets orangés de nos lampadaires, de nos enseignes, de nos lampes et phares. Presque un quart de la planète est éclairé en permanence et cette surface augmente de 2% chaque année.

L’étude, réalisée par des chercheurs de l’université d’Exeter, au Royaume-Uni, montre que l’éclairage nocturne ne gâche pas seulement nos nuits à la belle étoile, mais déstabilise gravement le fonctionnement du vivant.

Des effets omniprésents

La lumière artificielle perturbe la pollinisation, décale la fleuraison, brouille les déplacements des oiseaux et des tortues de mer. “Ce qui ressort, c’est à quel point les effets sont omniprésents. On retrouve des conséquences de cette pollution partout, chez les microbes, insectes, animaux et plantes ”, a déclaré Kevin Gaston, un des auteurs de l’étude, au Guardian.

Pour parvenir à cette conclusion, Kevin Gaston et ses collègues ont analysé et compilé les résultats de 126 publications scientifiques, chacune d’entre-elles se focalisant sur peu d’espèces. Cette “méta analyse ” permet de tirer des tendances générales et de regrouper les informations obtenues sur l’ensemble des êtres vivants étudiés ces dernières années.

L’étude met en évidence l’influence de la lumière artificielle sur le taux d’hormones des animaux. Les chercheurs ont observé une réduction drastique de la quantité de mélatonine, l’hormone du sommeil chez la plupart des espèces qui en produisent à l’état naturel. C’est un des résultats les plus significatifs. Conséquences? Avec moins de mélatonine, la vigilance baisse et les cycles jours-nuits de ces espèces sont modifiés.

Les chercheurs ont ensuite regardé l’immunité, c’est-à-dire la capacité de l’organisme à se protéger des virus, ainsi que le stress. La pollution lumineuse produit un effet chez la plupart des êtres vivants observés, sans que l’on puisse cette fois-ci dégager une tendance. Certains organismes semblent compenser, ou s’adapter à cette perturbation lumineuse. L’étude ne permet pas d’en dire plus.

L’article de recherche met aussi en évidence une diminution des performances du cerveau, autrement dit une perte de cognition. Cet effet est principalement démontré chez les rats car pour tester les capacités cognitives des animaux, il faut réaliser des expériences en laboratoire. Les rongeurs font en moyenne moins d’enfants et sont plus susceptibles de se faire attraper par des prédateurs lorsque leurs nuits sont éclairées.

Dérèglement des saisons

Même les plantes réagissent à nos néons et projecteurs. La flore n’est pas en mesure de différencier une longue nuit d’été et une enseigne allumée en permanence en hiver. Ainsi, les plantes ne savent plus vraiment se repérer dans les saisons. La fleuraison et la feuillaison commencent et s’arrêtent à des moments qui ne correspondent plus à leurs cycles naturels.

Alors faut-il réduire les zones éclairées la nuit ou changer nos DEL, à la lumière forte et blanchâtre? Selon l’étude, le spectre, en quelque sorte la couleur de l’éclairage, exerce une influence sur les êtres vivants, tout comme l’intensité lumineuse et la durée de l’éclairage.

Le spectre de la lumière, c'est à dire sa composition, varie selon les types d'éclairages. Un néon n'a pas le même spectre qu'une led.
Unsplash @ethanchoover
Le spectre de la lumière, c'est à dire sa composition, varie selon les types d'éclairages. Un néon n'a pas le même spectre qu'une led.

Agir sur ces éléments participe à réduire les conséquences de la pollution lumineuse, mais cela ne suffit pas. L’étude pointe la difficulté d’établir des politiques publiques: même à très faible intensité, l’éclairage nocturne peut avoir de très forts impacts. De plus, les chercheurs ne savent pas encore très bien comment expliquer que toutes les espèces ne réagissent pas de la même manière à ces nuisances.

Comme la pollution lumineuse dérègle le vivant, elle doit être combattue, mais aussi étudiée à la manière du réchauffement climatique. C’est à dire, dans son ensemble, en considérant toutes les réactions en chaine produites par cette interférence humaine, recommandent les chercheurs.

Ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.

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