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Êtes-vous tysoniste? La religion scientifique de Neil deGrasse Tyson

Le rationalisme est une croyance métaphysique suivant laquelle tout dans l'univers trouve son explication, sa raison d'être.
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Japanese High School Girl holding a glucose molecular model in the chemistry lab
ferrantraite via Getty Images
Japanese High School Girl holding a glucose molecular model in the chemistry lab

L'astrophysicien new-yorkais, Neil deGrasse Tyson, 58 ans, est considéré comme le vulgarisateur scientifique le plus populaire de l'heure. Il dirige le planétarium Hayden de New York. Il a rédigé de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique et réalisé des documentaires d'information scientifique, dont Cosmos : Une odyssée à travers l'univers, pour le National Geographic. Le lecteur francophone peut lire son essai à succès Astrophysics for People in a Hurry (Petite excursion dans le Cosmos, Belin, 2017).

Dans l'une de ses Pages Facebook, il se fait le défenseur d'une nouvelle religion : le tysonisme. La soi-disante « religion » est évidemment celle de la pure science moderne. Tyson ne se dit ni athée, ni agnostique, mais scientifique. Point de salut, en somme, hors de la science ! Sur le mur de sa Page Facebook, on peut lire : « The good thing about science is that it's true whether or not you believe in it. » « Ce qui est chouette avec la science c'est qu'elle est vraie que vous y croyiez ou non. »

Je ne suis évidemment pas un adepte du tysonisme parce que je ne crois pas un traite mot de la phrase précédente. Puisqu'elle est fausse, je ne saurais y croire.

Comment ça fausse ? me demanderez-vous. D'abord, parce que si vous êtes adepte comme Tyson de « religion » scientifique, il y a de nombreuses croyances fondamentales (« métaphysiques » comme disent les philosophes) implicites auxquelles vous adhérer.

Le matérialisme enseigne que tout dans l'univers découle de la matière où de ses conditions préalables avant le fameux Big Bang, il y a environ quatorze milliards d'années.

Premièrement, le matérialisme. C'est la croyance voulant que tout dans le cosmos soit de nature matérielle. Le matérialisme enseigne que tout dans l'univers découle de la matière où de ses conditions préalables avant le fameux Big Bang, il y a environ quatorze milliards d'années. Évidemment, explique Tyson, la matière, faite de particules élémentaires, n'était pas là toute formée de pied en cap. Ce qui allait devenir cependant la matière et, avec elle, le temps et l'espace, était pour ainsi à l'état embryonnaire dans une espèce de nano point inconcevable, du moins pour les scientifiques actuellement. Aussi, ne leur demandez pas d'où vient ce point hyper-minuscule ni de quoi il était composé, ils ne savent pas. Surtout, n'allez pas croire, selon eux, qu'un Être divin soit à son origine. La science expérimentale rejette cette hypothèse qu'elle tient comme saugrenue, comme l'avait fait avant eux, le marquis de LaPlace qui avait répondu à Napoléon qui lui demandait où se trouve Dieu dans son système du monde : « Sire, je n'ai pas besoin de cette hypothèse. », tout s'enchaînant selon les lois inexorables de la physique.

Pour terminer ce point sur le matérialisme de la science, il y a cette phrase étonnante de Tyson dans Petite excursion dans le Cosmos (p. 142) où l'on lit : « Je me sens grand aussi, quand je pense que ce qui se passe à l'intérieur des trois livres de matière grise [ le cerveau ] de l'être humain nous a permis de comprendre notre place dans l'univers. » Implicitement, Tyson reconnaît l'inexistence de l'esprit. Pas étonnant puisque, d'après lui, il n'y a que la matière qui existe. L'« esprit » ne serait qu'une vieille illusion, tout comme nos ancêtres croyaient que les éclairs provenaient des dieux. Évidemment, ce présupposé matérialiste est celui des neurosciences, lequel est loin d'être admis. Mais Tyson ne s'embarrasse en aucune manière de cette difficulté.

Le matérialisme est aussi un rationalisme. Le rationalisme est une croyance métaphysique suivant laquelle tout dans l'univers trouve son explication, sa raison d'être. Plus précisément, tout en science est traité comme un problème; en somme, il n'y a pas de limite à l'explication en science. Le mystère est rejeté hors de la science et rejeté dans la poubelle de la religion ou des arts. L'esprit humain pose problème ? Qu'à cela ne tienne, il faut faire confiance aux neurosciences qui, un jour, espère-t-on, jetteront la lumière sur cet apparent mystère.

On le voit, le tysonisme est animé sourdement d'une grande foi. Une grande foi rationaliste dans les possibilités inépuisables de la raison – correction : « des trois livres de matière grise » prenant place sur nos épaules. La foi rationaliste est donc celle aussi du matérialisme. Tyson est l'expression même de cette foi rationaliste. Depuis des années, il ne se ménage pas pour annoncer la Bonne Nouvelle que recèle la Science qui, en somme, est la suivante : « Hors de la Science, point de salut ! »

Enfin, une autre croyance que recèle le tysonisme : la morale. Ce qui est bien, l'entend-on clamer, c'est la science; le mal, l'ignorance. Les croyants religieux ne réalisent pas que ce sont des vicieux sur le plan de la connaissance. La violence, l'intolérance, l'ignorance, etc., s'abreuvent aux deux mamelles que sont la religion et la superstition. Ce sont des maux que seule une éducation à la science peut nous prémunir. (En ce sens, le penseur québécois Normand Baillargeon est un adepte du tysonisme). Au contraire, le bien c'est l'humanisme, la tolérance, la bienveillance, le rationalisme et, il va de soi, la science, la technologie et le progrès. Il n'est en aucune manière étonnant que le tysonisme soit une voie politique valorisant le progressisme de gauche.

Dans le premier cours de philosophie au collégial, ayant pour titre Philosophie et Rationalité, l'une des compétences que l'étudiant doit acquérir, c'est la distinction entre la science et la religion. Je crains fort que cet enseignement vise, sans le réaliser, à faire de nos jeunes des adeptes de l'église tysoniste.

Avril 2018

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