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La fois où je me suis fait passer pour quelqu'un d'autre

Un beau moment de malaise, par ma faute.
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Il y a une différence flagrante entre exister et vivre. En langage maritime, je dirais qu'exister équivaut à monter dans une embarcation, se laisser flotter sur l'eau, dériver au gré des marées, se laisser transporter où le vent le voudra bien et subir les contrecoups qui se pointeront, en attendant que ça passe.

Alors que vivre, c'est monter sur le même bateau avec un gouvernail, ou seulement des rames, et décider.

Décider où aller, où se diriger et quelle direction prendre. Vivre, c'est prendre la plus simpliste des situations et en faire quelque chose de plaisant, même lorsqu'il y a malaise, malheureusement.

C'est ce qui m'est arrivé il y a quelques temps, et sachez que c'était hors de mon désir de me moquer de cette personne. Une bulle d'air m'est passée par la tête. L'expression «j'ai existé un beau moment» ne se peut pas, car on «vit» un beau moment, et ils n'ont pas nécessairement besoin d'être immenses. C'est ce que j'ai vécu dans cette pharmacie ce jour-là. Un beau p'tit moment de malaise, par ma faute.

J'entre à la pharmacie, quinze minutes avant la fermeture.

Caissier d'une soixantaine d'années: «Salut Marc!»

Moi, entendant «Marc», je ne réponds pas... vu que je ne m'appelle pas Marc, mais plutôt Patrick. Chu fait de même, qu'est-ce tu veux?, je ne réponds pas à quelqu'un qui ne m'appelle pas par mon prénom...

Je cherche ce dont j'ai besoin. D'une oreille j'entends: «As-tu changé ta voiture?»

Je continue à fouiller dans les racks près de la caisse. Je sais que je suis tout seul et que je ne connais pas le caissier, donc je ne réponds pas... encore une fois.

Je me dépêche car je sais aussi qu'il est presque 21 heures, heure de fermeture. Ça me gosse des retardataires à la fermeture des magasins.

Hésitant entre deux marques de shampooing, je me souviens ensuite d'avoir entendu une fois de plus les mots: «blonde... malcommode... surprise...»

Pas de réaction en finissant mes emplettes... Je suis seul!

Je cherche le rack de chocolat noir, donc je demande au caissier où il se trouve. Il ne fait que me le pointer avec son gros doigt. Je me dis: «Y'é ben bête, le caissier»... Je prends le chocolat, j'arrive à la caisse.

Moi: «Bonjour!»

Caissier: «Salut! T'as trouvé ce que tu voulais?»

Moi: «Oui, oui. Merci.»

Caissier: «As-tu eu ta nouvelle voiture?»

Moi: «Oui.»

Je ne sais pas pourquoi j'ai répondu «oui» à sa question, car ça vient de faire 3 ans en octobre que j'ai eu ma «nouvelle» voiture... quoique par moments je suis antisocial et je tente de couper court aux conversations qui semblent sournoisement s'installer... Et je connais ZÉRO le ti-Monsieur-caissier-avec-qui-ma-relation-a-vraiment-mal-débuté, comprenant que c'est à moi qu'il tentait de parler depuis mon arrivée.

Caissier: «Bon!! Elle va finalement arrêter de t'en parler de t'acheter une nouvelle voiture...»

Moi: «...» (Sourire niaiseux).

Caissier: «As-tu ton code d'employé?»

Moi: «Non.» (Normal, je ne travaille pas ici! Pourquoi t'as répondu ça? J'étais cuit.)

Caissier, le doigt sur le piton de la caisse: «J'te mets le code de Mélina?»

Trop tard pour reculer.

Moi, avec un air relax et au-dessus de mes affaires, je réponds: «Hmm... ouin... bah oui, pourquoi pas?»

«Pourquoi pas?» J'ai répondu «pourquoi pas»!? Euh... C'est peut-être parce que... JE SAIS PAS C'EST QUI, MÉLINA!

Caissier: «Parfait. Elle te doit bien ça après ce qu'elle t'a fait! 50 % de rabais, c'est quand même mieux que rien.»

Moi: *bruit de gorge sonnant le malaise.*

Puisque notre relation était ben mal partie, je me suis dit que ce serait la moindre des choses de le saluer par son nom en quittant... qui était, soit dit en passant, écrit crissement petit sur son name tag... alors qu'il était de côté et non face à moi...

Donc, s'en est suivi un numéro de contorsionniste digne des plus grands, les pieds bien en place et ancrés au sol, je me déplaçai le haut du corps «subtilement»... en déséquilibre... les yeux plissés... (Ok... un «P»... un «i»... un «e», «r», «r», «e»... Pierre! Me semble que c'est ça.)

Caissier, avec un regard de côté, me voyant probablement dans son angle mort exécuter un numéro du Cirque du Soleil avec les yeux plissés à essayer de lire son nom: «As-tu besoin d'autre chose?»

Moi, me redressant rapidement: «Non, non, ça va être beau Pierre, merci!»

Caissier: «Ha ha! Pierre? On m'a jamais appelé de même!»

Moi: «Hé... bonne fin de soirée!... Et merci à Mélina!»

Caissier: «Salut Marc!»

(On m'a jamais appelé Marc...)

Je sors (enfin).

Moi, dans ma tête, pas fier de moi mais le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux devant ce moment bizarre que je venais de vivre.

J'y suis plus jamais retourné, mais j'ai inséré un 10 $ dans la fente de la boîte de la fondation Rêves d'enfants à la sortie, où la culpabilité m'attendait en tapant du pied les bras croisés.

J'ai été dépassé par le fait qu'il m'avait visiblement pris pour quelqu'un d'autre, en pensant seulement aller ramasser quelques trucs, payer et sortir. J'en ris aujourd'hui, mais je me demande encore deux choses: ce qui a bien pu me passer par la tête à ce moment, et... c'était quoi son nom au caissier?

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