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Entente franco-québécoise de 1978: une occasion à saisir pour les étudiants québécois

L'entente France-Québec de 1978, qui prévoit qu'en France, les étudiants québécois paient les mêmes droits de scolarité que les Français et vice-versa, continue de faire couler de l'encre.
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L'entente France-Québec de 1978, qui prévoit qu'en France, les étudiants québécois paient les mêmes droits de scolarité que les Français et vice-versa, continue de faire couler de l'encre. Une chronique dans La Presse, signée Pascale Breton, a qualifié l'entente d'inéquitable : une entente de réciprocité qui serait devenue « à sens unique », à l'avantage de la France.

À l'occasion de la visite au Québec du président François Hollande, le premier ministre Philippe Couillard a déclaré que le maintien de l'entente pourrait être fonction d'un meilleur accès des étudiants québécois aux Grandes Écoles françaises. À cet égard, le correspondant à Paris du journal Le Devoir, Christian Rioux, a écrit, le 22 novembre dernier, que « vérification faite, les étudiants québécois ont toujours eu accès aux Grandes Écoles françaises aux mêmes conditions que les étudiants français. Contrairement à ce qu'on a écrit, celles-ci n'ont jamais été exclues de l'entente signée en 1978 qui garantissait l'accès aux étudiants français au Québec et Québécoises en France aux mêmes conditions que les étudiants du pays d'accueil ». Manifestement, le premier ministre avait été mal informé.

À titre de Québécois qui ait bénéficié de l'entente France-Québec pour étudier dans une des Grandes Écoles françaises, il me paraît utile d'apporter ma contribution au débat.

> Mythes et réalités

La question du déséquilibre

La perception d'un déséquilibre important entre le nombre d'étudiants français venant au Québec, et le nombre de Québécois allant étudier en France est à l'origine du débat actuel. Il est vrai que le nombre d'étudiants français a bondi de 6,420 en 2006 à 11,370 en 2012. En comparaison 1,000 Québécois ont étudié en France à l'une ou l'autre année.

La France compte 66 millions d'habitants et le Québec 8 millions. Il est donc inévitable qu'il y ait plus d'étudiants français au Québec que de Québécois étudiant en France. Au surplus, moins de 5% des étudiants québécois se prévalent des ententes d'échange, alors que la moyenne des pays de l'OCDE est de 10%. Cette fermeture des jeunes générations de Québécois à l'international devrait préoccuper davantage le gouvernement du Québec que l'afflux, ici, d'étudiants français bien formés, qui s'intègrent parfaitement.

L'accès aux Grandes Écoles

Ce n'est pas d'hier que les Grandes Écoles sont accessibles aux étudiants québécois. Sciences Po Paris, par exemple, grande école où ont étudié quatre présidents de la République et douze premiers ministres français, a également contribué à la formation de quelques figures politiques canadiennes et québécoises : Pierre Elliot Trudeau, Jacques Parizeau, Bernard Landry et Stéphane Dion.

Sciences Po a connu une formidable transformation qui lui a valu le surnom de Harvard européen par The Economist. Comme l'a indiqué Christian Rioux dans Le Devoir, la procédure très sélective qui y prévaut s'applique aux Français comme aux Québécois. Il y existe également des programmes d'échanges qui permettent aux étudiants internationaux, dont ceux du Québec, d'y passer une année durant le premier cycle d'études. Au terme de cette année, Sciences Po offre au top 10% la possibilité de poursuivre des études de deuxième cycle.

Le coût réel de l'entente de réciprocité

Les détracteurs de l'entente franco-québécoise invoquent qu'elle constitue un manque à gagner de 75 millions de dollars par année pour les universités québécoises. Ces personnes oublient un certain nombre de choses.

D'abord, qu'une augmentation des frais de scolarité qui sont chargés aux étudiants français risque de diminuer le nombre de ceux qui viendront au Québec. On ne peut donc faire une équation entre le nombre actuel d'étudiants français et une augmentation des droits pour établir un manque à gagner des universités.

Ensuite, toute augmentation des recettes des universités ferait saliver un gouvernement qui cherche à diminuer le coût des systèmes de santé et d'éducation. Dans ce contexte comptable, tout accroissement des recettes des universités risque d'entraîner une diminution du soutien gouvernemental qui leur est accordé. En ces temps de disette à Québec, il ne faut jurer de rien.

Enfin, les détracteurs de l'entente oublient que le coût de la réciprocité est compensé par l'apport économique local des 12,000 étudiants venus de France. On évalue cet apport à 380 millions de dollars. Pour des villes à forte présence d'étudiants français, comme Chicoutimi ou Québec, ce n'est pas négligeable. D'un point de vue strictement comptable, l'opération est rentable. L'entente de réciprocité contribue à la prospérité du Québec.

Injustice vis-à-vis des étudiants francophones et canadiens ?

Par ailleurs, des personnes estiment que l'entente de réciprocité est injuste pour nos compatriotes canadiens et pour les ressortissants des autres pays de la Francophonie. Il s'agit d'un faux débat. Ce n'est pas parce que le Québec n'a pas d'entente de réciprocité avec la Saskatchewan, par exemple, qu'il doit s'interdire d'en avoir une avec la France. En d'autres mots, une entente conclue n'empêche pas qu'une autre le soit avec d'autres interlocuteurs s'il y va de l'intérêt des deux parties.

Quant aux autres pays de la Francophonie, la réciprocité pose problème, car peu d'entre eux ont des institutions universitaires où les Québécoises et les Québécois iraient étudier. Notre lien avec la France est unique. Il explique l'accord de réciprocité et il justifie son maintien.

>La voie de l'avenir

Le nombre d'étudiants québécois en France doit augmenter

Trop peu de Québécois profitent de l'entente de réciprocité. Pour un certain nombre de raisons, en sus de l'élément de proportionnalité auquel il a été fait référence précédemment. L'entente est peu connue au Québec. Nous gagnerions pourtant à en faire la promotion, quitte à l'élargir à l'enseignement professionnel et technique. En Europe, le programme Erasmus d'échange d'étudiants et d'enseignants entre les universités et grandes écoles européennes connaît un succès remarquable. Ici, rien. Pour corriger ce déséquilibre, on cherche à mettre un frein au nombre d'étudiants français qui en bénéficient alors qu'il faut encourager les étudiants québécois à se rendre en France et leur accorder un soutien concret et réel. Un nouveau programme de bourses franco-québécois pourrait être proposé. L'Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) devrait être davantage soutenu.

Mobilité, mobilité, mobilité

D'une certaine manière, il y va de notre avenir. Tous ces jeunes Français qui se rendent au Québec et tous ces jeunes Québécois qui en font de même en France acquièrent, pour les uns, une connaissance du Québec et de l'Amérique du Nord, pour les autres de la France et de l'Europe. Cette mobilité est en quelque sorte le complément aux accords de reconnaissance mutuelle (ARM) que le gouvernement du premier ministre Jean Charest a signés avec le gouvernement français. Pour qu'il y ait reconnaissance des qualifications professionnelles visant à faciliter et à accélérer l'obtention d'une aptitude légale d'exercer une profession ou un métier réglementés sur les deux territoires, il faut que l'enseignement préalable qui est donné en France et au Québec soit similaire.

Mais il y a plus. L'Accord de libre-échange canado-européen signé récemment ouvre aux Européens le marché canadien et, par lui, celui de l'Amérique du Nord. À l'inverse, il ouvre aux Nord-Américains, par l'intermédiaire du Canada, le marché de l'Union européenne. Au moment où ces immenses marchés deviennent plus accessibles les uns aux autres et que Français et Québécois sont tout particulièrement bien placés pour mettre à contribution cette nouvelle situation, ne peut-on pas exiger du gouvernement du Québec qu'il lève le nez de sa tenue de livres comptable pour voir la plus vaste dimension des choses? La mobilité doit devenir la norme au Québec.

>Principes à respecter

Agir conjointement

La diplomatie doit continuer de jouer son rôle. Le Québec ne doit pas dénoncer unilatéralement une entente qui le lie. La solution doit découler d'un accord entre la France et le Québec. Depuis la visite du Président Hollande, cela semble acquis.

Moins une question de privilèges que de « traitement national »

La relation spécifique que nous entretenons avec la France justifie des mesures spéciales. Cela renvoie à la vision que le Québec doit avoir de la France, et la France du Québec. Il est davantage question de « traitement national » : la France et le Québec n'ont pas intérêt à se considérer comme « étrangers» et il serait préjudiciable que l'on commence à se comporter autrement l'un envers l'autre. Notre relation unique est fondée sur cette prémisse. Assumons-la.

Sortir par le haut

Il faut sortir de la crise actuelle « par le haut » en ayant à l'esprit les étapes qui ont été franchies depuis la signature de l'accord de réciprocité en 1978. À l'aube de l'implantation de l'Accord de libre-échange canado-européen, ce n'est surtout pas le moment de briser l'élan porteur de prospérité pour nos deux sociétés.

Allons, un peu de vision de ce qui constitue notre intérêt commun, car les jeunes Québécois élargissent leurs horizons lorsqu'ils se rendent à l'étranger. Les frontières, naturelles ou artificielles, s'estompent. Les réseaux se créent. Le regard que l'on pose sur le Québec est modifié dès lors qu'on a eu le loisir de l'observer de loin. L'ambition pour sa réussite s'en trouve accrue. La mobilité des jeunes constitue un élément clef de la politique internationale du Québec.

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