NOBEL - En décernant le Nobel d'économie à l'Américain Richard H. Thaler, l'Académie suédoise clôt une année de récompenses 100% masculines. Comme en 2016, aucune femme n'aura été lauréate. En économie, la Française Esther Duflo était pourtant l'une des favorites.
Jusqu'alors, une seule femme a remporté le prestigieux prix, l'Américaine Elinor Ostrom. Décédée en juin 2012 à l'âge de 78 ans, elle était la première femme à devenir Nobel d'économie. Un prix qu'elle avait toutefois obtenu conjointement avec Olivier Williamson, pour leurs travaux sur la gestion des biens communs par des associations d'usagers.
"Félicitations aux vainqueurs Prix Nobel, catégorie science. Mais pourquoi si peu de femmes?"
Dans les autres catégories, les femmes sont également bien moins représentées que les hommes. Entre 1901 et 2016, le prix a été décerné à 49 femmes pour 825 hommes. Parmi ces 49 Nobel féminins, la majorité vient de la paix ou de la littérature. Elles ne sont que 17 en sciences. Une seule femme est Nobel d'économie, deux en physique, quatre en chimie (sachant que Marie Curie se retrouve dans les deux catégories). Elles sont un peu plus nombreuses en médecine puisqu'elles sont douze à avoir été récompensées pour leurs recherches dans ce domaine. La BBC s'amuse même à souligner que dans la liste des nobélisés en physique, on trouve plus d'hommes nommés Robert que de femmes.
Les femmes sous-représentées dans les sciences
Pourquoi une telle absence? L'une des raisons, si ce n'est la principale, c'est que les prix Nobel ne sont que le reflet de la situation des femmes dans les sciences. Le site NPR retrace l'histoire de ces sciences qui n'ont jamais vraiment misé sur les femmes qui, par exemple, pendant longtemps, n'ont pas eu le droit de travailler dans les mêmes universités que leurs époux aux États-Unis. En Europe ce n'était pas bien mieux et l'accès à l'éducation pour les femmes a toujours été plus compliqué que pour les hommes.
Au XXIe siècle, elles sont certes plus nombreuses, mais la parité est encore bien loin d'être atteinte. Selon une étude réalisée par The Boston Consulting Group en 2014 pour le programme "L'Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science", 29% seulement des chercheurs sont des chercheuses. A la tête des institutions scientifiques, on ne trouve que 29% de femmes en France, 27% aux Etats-Unis, 20% en Allemagne ou encore seulement 6% au Japon. C'est le fameux plafond de verre.
Toujours selon cette étude, une lycéenne aurait trois moins de chances d'obtenir un doctorat en sciences qu'un lycéen. Aux Etats-Unis, les femmes ne représentent que 14% des étudiants en physique.
Des préjugés sexistes qui perdurent
Aujourd'hui encore, les préjugés et sur l'intérêt des femmes pour les sciences ont la peau dure. En 2015, un sondage Opinion Way pour La Fondation L'Oréal Femmes et Science révélait que 90% des Européens estiment les femmes douées pour tout sauf les sciences. Pour le site Bustle, toutes ces études sur la soi-disant incapacité des femmes à briller dans les sciences montrent que les difficultés auxquelles elles sont confrontées s'étalent de l'école au prix Nobel qui, s'il est la récompense ultime, n'est en fait qu'un des aspects de l'inégalité.
Ce n'est pas Tim Hunt, prix Nobel de médecine en 2001, qui pourrait se targuer d'avoir arrangé la situation. Le biochimiste avait suscité l'indignation en 2015 pour avoir détaillé son "problème avec les filles". "Voici trois choses qui arrivent lorsqu'elles sont dans un laboratoire: vous tombez amoureux d'elles, elles tombent amoureuses de vous, et quand vous les critiquez, elles pleurent", avait-il avancé, créant forcément une vive polémique, avant de s'excuser puis de démissionner. Comme le souligne le site Bustle, il est malheureusement loin d'être le seul nobélisé à avoir tenu des propos sexistes, preuve s'il n'en est que même au sein de la prestigieuse institution, la bataille est loin d'être gagnée.
On pourrait évoquer d'autres raisons permettant d'expliquer ce "gender-gap" dans les prix Nobel. L'une d'entre elle serait que les femmes s'auto-censurent et sous-estiment leurs compétences.
Comme le rappelle Le Monde, il est aussi possible que le rôle des proches collaboratrices soit mésestimé par les prix Nobel.
Cette minimisation de la contribution des femmes aux sciences a un nom: l'effet Matilda. Nommé d'après Matilda Joslyn Gage, une militante américaine des droits des femmes, il met en avant le déni ou la minimisation systématique de la contribution des femmes à la recherche scientifique.
La preuve que l'action d'associations comme "Femmes & Sciences", rassemblant des femmes scientifiques pour intervenir en milieu scolaire et auprès des décideurs, est aujourd'hui encore, indispensable.
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