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J’en ai assez du sexisme auquel mon mari, père au foyer, continue d’être confronté

Les mères, en particulier, doivent contribuer à dissiper le mirage de l’égalité des genres.
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Quand mon mari est arrivé au studio de danse près de chez nous avec notre fille, toute excitée à l’idée de suivre son premier cours, il n’a pas été accueilli par les plaisanteries bon enfant et la camaraderie si familières à beaucoup de parents qui emmènent leurs enfants à la danse. En fait, on lui a fait sentir qu’il n’était pas à sa place.

En tant que père, il a vite compris qu’il n’était pas le bienvenu au vestiaire, et qu’il n’était pas question qu’il accompagne notre fille aux toilettes en raison de son sexe. Résultat? Le cours de danse a été reporté à une date ultérieure, dans un autre studio.

Je travaille à plein temps, j’ai cinq enfants et je suis mariée à un formidable père au foyer. Mon mari est à la maison avec nos enfants depuis janvier 2011, date à laquelle il a quitté son emploi de mécanicien pour s’occuper d’eux, lorsque j’ai repris le travail après la naissance du troisième.

Ces dernières années, il y a eu un changement notable dans la perception de la maternité et du rôle des femmes, à la fois à la maison et à l’extérieur. Aujourd’hui, chacune a sa propre façon de s’épanouir en tant que mère: on peut s’accomplir pleinement au sein de son foyer ou au travail; dans l’idéal, on concilie les deux (“Super-Maman: elle fait tout!”). Il existe des myriades de réseaux de soutien, et tout le monde n’a de cesse de commenter le sujet et de prendre en considération tout ce dont une maman a besoin pour faire face à cette nouvelle réalité.

En revanche, le rôle complémentaire des pères n’est pas aussi bien pris en compte ni encouragé. Ils ne sont pas réellement compris ni soutenus. La vérité, c’est que nous nous plaisons à croire que nous vivons dans une société progressiste et tolérante, où l’on peut aisément inverser ou ignorer les stéréotypes de genre. Or nous nous voilons la face.

“L’expérience de mon mari en tant que père au foyer n’a certainement pas été un chemin de fleurs.”

On nous donne à croire que non seulement les pères au foyer sont acceptés, mais qu’ils ont trouvé leur “tribu”. Il y a quelque chose d’insultant et de méprisant dans ce genre de propos. C’est faire fi de la dure réalité vécue par certains pères au foyer, et c’est aller bien vite en besogne que de vanter ainsi l’évolution supposée des mentalités en ce qui concerne le rôle des parents. Les mères en particulier se doivent de démentir ces affirmations exagérément optimistes.

L’expérience de mon mari en tant que père au foyer n’a certainement pas été un chemin de fleurs, fait de franche camaraderie et d’accueil immédiat au sein d’une tribu. Il n’a pas rencontré son nouveau meilleur pote dans un groupe de pères au foyer qui discutaient au bord d’une aire de jeux, et ne s’est pas joint à la pause café d’une joyeuse bande de mères amatrices de yoga. Il s’est senti isolé et incompris. La vie d’une mère au foyer est parfois bien solitaire, mais c’est cent fois pire pour un père, qui doit en plus supporter remarques sexistes et jugements négatifs en tous genres.

La société a tendance à considérer les hommes comme foncièrement plus dangereux et plus enclins à des comportements déplacés que les femmes, surtout lorsqu’il s’agit de s’occuper d’enfants. C’est à cause de ce préjugé bien connu que mon mari évite de reconduire chez eux en voiture les copains de nos enfants. Cela pourrait être mal vu. C’est aussi pourquoi son investissement à l’école en tant que parent bénévole depuis sept ans lui vaut parfois d’être regardé de travers, alors qu’une mère qui en ferait autant serait considérée comme une Super-Maman. C’est extrêmement injuste.

Les groupes de pères sont peu nombreux. La plupart des activités pour enfants sont “pour maman et moi” et les pages Facebook dédiées à la parentalité portent des noms du genre “Mamans d’Ottawa”. Pas “Parents”. “Mamans.” Chaque fois que mon mari se rend à ce genre d’activités ou d’événements, il a le sentiment d’être ostracisé, comme s’il n’était que le parent suppléant. Les mères ne font aucun effort pour engager la conversation avec lui, voire le laissent seul dans son coin.

Certains parents ont refusé que leurs enfants viennent jouer avec les nôtres en apprenant que mon mari serait seul avec eux, ce qui les met mal à l’aise. Les soupçons et les préjugés auxquels il a dû faire face sont à peine croyables.

Entre les collègues qui ne cessent de railler mon partenaire pour son choix, au point que ça vire au harcèlement, et les membres de la famille qui le critiquent ouvertement et se permettent de porter des jugements, nous en avons entendu de belles. “Profite bien de ta journée à la maison à porter un tutu et à jouer à la poupée.” “Pourquoi tu laisses ta femme te marcher dessus comme ça? Pourquoi tu fais SON boulot à ELLE?” “Qui c’est qui porte la culotte dans votre couple?” “J’ai honte pour toi.”

Même si mon mari est un père au foyer et un compagnon merveilleux, il a soif de reconnaissance et aimerait être apprécié à sa juste valeur au-delà de ce rôle. En tant qu’entraîneur de hockey, chef scout, bénévole et, plus récemment, héraut du monde agricole. Pendant ces huit ans au foyer, il a perdu des amis qui se sont éloignés. Il avoue se sentir parfois seul, et ressentir le besoin d’interagir avec d’autres adultes. Car, en réalité, les “tribus” de pères au foyer ne se trouvent pas si facilement que ça.

Mon mari est sûr de lui, et la plupart de ces désagréments glissent sur lui comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Mais est-ce cela, le progrès?

Ce n’est qu’en changeant le système en profondeur pour lutter contre le sexisme auquel sont confrontés les pères au foyer que l’égalité entre les deux parents deviendra effective. S’épanouir en tant que père au foyer ne devrait pas se résumer à “trouver sa tribu” et se lier avec d’autres pères, mais plutôt signifier être accepté pleinement dans le monde des parents au foyer, quel que soit leur sexe. Les mères peuvent y contribuer.

“Les pères sont tout aussi capables que les mères de prendre soin de leurs enfants.”

À court terme, il y a des choses que nous, mères, pouvons faire pour soutenir les pères au foyer. Parler à ce parent à l’aire de jeux ou devant le portail de l’école. Remettre en question nos croyances, et changer de comportement si nécessaire. Pourquoi les autres mères pourraient-elles aider nos enfants à se changer à la piscine, mais pas les pères? Prenez le temps de parler à vos enfants de toute la variété de rôles que peuvent tenir les filles et les garçons, en insistant sur le fait que chacun peut être ce qu’il a envie d’être en grandissant, et que c’est une très bonne chose.

Si vous entendez des remarques qui perpétuent les stéréotypes de genre, du style: “Vous auriez été parfaite pour ce poste, mais les horaires seraient trop durs à gérer pour vous avec de jeunes enfants à la maison” ou: “Dites à votre femme de nous appeler pour qu’on cale le rendez-vous!”, manifestez votre désaccord plutôt que de laisser ces préjugés perdurer.

À plus grande échelle, la création de ressources plus inclusives pour les parents serait un pas dans la bonne direction. Des mesures pour rendre égalitaire l’accès à certains lieux, comme les vestiaires par exemple, devraient être mises en place. De la même façon que les lieux de travail changent pour éliminer les barrières systémiques qui empêchent les populations marginalisées d’accéder à l’emploi, la société devrait s’adapter pour soutenir les pères dans ce rôle non-traditionnel de premier éduquant.

Les pères sont tout aussi capables que les mères de prendre soin de leurs enfants.

Ce texte, initialement publié sur le site du HuffPost Canada, a été traduit par Iris Le Guinio pour Fast ForWord, pour le HuffPost France.

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