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Embaucher des anciens prisonniers pour combattre la pénurie de main-d'oeuvre

«On s’imagine que ça appartient aux services correctionnels... mais la réinsertion sociale, ça appartient à tout le monde», lance Daniel Benson, qui a passé 17 ans en prison.
La campagne de sensibilisation lancée par le Comité consultatif pour la clientèle judiciarisée adulte, dans le cadre de la Semaine de la réhabilitation sociale du Québec
Comité consultatif pour la clientèle judiciarisée adulte
La campagne de sensibilisation lancée par le Comité consultatif pour la clientèle judiciarisée adulte, dans le cadre de la Semaine de la réhabilitation sociale du Québec

Vous pensez avoir enfin trouvé la perle rare pour combler le poste vacant au sein de votre entreprise. Le candidat semble idéal, jusqu’à ce que vous lui demandiez, pour la forme, s’il a des antécédents judiciaires... et qu’il réponde oui. Que feriez-vous?

La majorité des employeurs, malheureusement, mettraient fin au processus d’embauche. Pourtant, en période de pénurie de main-d’oeuvre, comme c’est le cas partout dans la province, la clientèle judiciarisée, qui représente environ 14% de la population québécoise (soit environ 950 000 personnes), pourrait représenter une excellente solution, selon un communiqué émis par le Comité consultatif pour la clientèle judiciarisée adulte (CCCJA).

Le CCCJA lance d’ailleurs une campagne de sensibilisation à ce sujet, en cette Semaine de la réhabilitation sociale, mettant de l’avant qu’une personne avec un casier est tout aussi compétente qu’une autre qui n’en a pas.

«Si la personne est disponible pour travailler, c’est qu’elle a déjà purgé sa peine, souligne Yan Chantrel, représentant corporatif du CCCJA. Il ne faudrait pas lui en imposer une deuxième.»

M. Chantrel affirme que selon plusieurs études réalisées par des membres du CCCJA, la candidature d’une personne qui a des antécédents judiciaires sera rejetée une fois sur deux, pour cette simple raison.

«La réintégration, ça passe par le travail», rappelle-t-il.

«Ça appartient à tout le monde»

Daniel Benson a passé 17 ans derrière les barreaux, après avoir tué le conjoint de sa mère, qui était violent. Il est sorti de prison en 1999, mais restera sous libération conditionnelle jusqu’à la fin de sa vie. Il a rencontré beaucoup d’obstacles au cours des deux dernières décennies en ce qui concerne la recherche d’emploi.

«Pour qu’une réinsertion soit réussie, ça prend un travail, un toit et un réseau social, énumère-t-il. Ça prend un emploi pour payer un toit, et le réseau social, on le crée à partir du travail, souvent. Quand on sort de prison, on ne peut pas fréquenter des gens qui ont un dossier criminel. C’est excessivement difficile de se créer un nouveau réseau.»

Daniel Benson a passé 17 ans derrière les barreaux.
Courtoisie/CCCJA
Daniel Benson a passé 17 ans derrière les barreaux.

Il se rappelle d’une fois où on lui a dit qu’il était plus que qualifié pour un emploi dans une maison d’hébergement pour jeunes. On lui a offert le poste. Puis, on lui a demandé la fameuse question: «avez-vous des antécédents judiciaires?»

«J’ai répondu oui. On m’a dit: ″malheureusement, on ne peut pas vous engager, parce que notre bailleur de fonds l’interdit″. Pourtant, j’avais les compétences, indéniablement.»

Comme le rappellent MM. Chantrel et Benson, la réinsertion sociale est un choix de société.

“[Mon travail,] c’est ce qui me permet d’avoir une vie saine et digne. J’ai l’impression de contribuer.”

- Daniel Benson

«On s’imagine que la réinsertion sociale appartient aux services correctionnels, à des ressources bien précises... mais ça appartient à tout le monde», lance Daniel Benson.

Ceux qui ne réussiront pas à réintégrer la société se retrouveront bénéficiaires de l’aide sociale.

«C’est contre-productif, ajoute-t-il. Et ça encourage la récidive.»

Heureusement, aujourd’hui, Daniel a un emploi. Plus d’un, même. Il est intervenant en réinsertion sociale à la Mission Old Brewery, en plus d’être auxiliaire d’enseignement à université, et de donner des conférences sur la réinsertion sociale, la réhabilitation et la criminalité dans des écoles.

«C’est ce qui me permet d’avoir une vie saine et digne, insiste l’homme de 56 ans. J’ai l’impression de contribuer.»

Il affirme d’ailleurs avoir beaucoup travaillé sur lui, pendant son séjour au pénitencier, à l’instar de la plupart de ceux qui purgent de longues peines.

«J’ai commis un délit grave, j’ai enlevé la vie à quelqu’un, renchérit-il. On traîne ça avec nous constamment. Ça fait partie de la personne qu’on est. On veut réparer le tort qu’on a créé.»

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