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Élection présidentielle à Cuba en 2018 après soixante ans de pouvoir castriste

Les élections cubaines tendent à soutenir la ligne directrice du gouvernement précédent et à représenter un « changement dans la continuité ».
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Alexandre Meneghini / Reuters

À la suite de près de 60 ans de pouvoir des Castro, Fidel et Raúl, Cuba entame la transition vers une nouvelle présidence dans « l'ombre de la légitimité » historique des frères révolutionnaire. Ainsi, l'élection présidentielle par l'Assemblée nationale du Conseil d'État aura lieu le 19 avril 2018. Dans ce contexte, faut-il entrevoir des changements dans la politique cubaine ?

À partir de 1992, et pour la première fois depuis la révolution de 1959, les Cubains ont eu le droit de voter pour élire les députés de l'Assemblée nationale et non plus uniquement l'Assemblée municipale. Sous ce nouveau régime, les élections sont conduites en trois étapes : la première vise à élire les délégués municipaux, la seconde les délégués provinciaux et la dernière, les députés nationaux responsables de former le gouvernement et de désigner le nouveau président.

Un système électoral pour un parti unique

Suivant ce régime, le Parti Communiste Cubain (PCC) est le seul parti reconnu et autorisé par la constitution (1976 Constitutions, Article 5) (Domínguez, Fonseca Galvis, & Superti, 2017). Bien que le PCC ne présente officiellement pas de candidats, il supervise les élections et garantit le déroulement du processus électoral.

Les premières élections à niveau des circonscriptions visent à former l'assemblée municipale du « Pouvoir populaire ». Appelées « élections partielles », elles ont lieu tous les deux ans et demi et les dernières se sont tenues en décembre 2017, agissant comme premières étapes menant à la désignation du successeur du président Raul Castro en avril 2018.

Les élections municipales sont les plus ouvertes et amènent à introduire de nouvelles personnalités dans le paysage politique cubain.

Les élections municipales sont les plus ouvertes et amènent à introduire de nouvelles personnalités dans le paysage politique cubain. En effet, ce sont les seules élections qui permettent à n'importe quels citoyens de plus de 16 ans de se présenter. S'ensuivent les élections provinciale et nationale dans lesquels 50 % des candidats sont issus des conseils municipaux, et les autres sont désignés par une commission de candidatures constituée d'organisations sociales.

Toutefois, à titre d'entité régulatrice, le PCC s'affaire à ne laisser aucun opposant, faisant partie d'un groupe ou étant indépendant, à se présenter au niveau municipal afin de conserver le monopole au sein de l'Assemblée nationale. Julio Antonio Aleaga, du groupe non officiel « Candidats pour le Changement » explique « qu'aucun (dissident) n'a pu décrocher la nomination à cause de l'intervention de la police politique qui a détenu les personnes qui allaient postuler » lors des dernières élections municipales de 2017.

Ces détentions arbitraires et provisoires sont monnaie courante à Cuba et sont généralement temporaires pour empêcher les manifestations ou pour décourager les candidats d'opposition de se présenter. En effet, l'article 7 de la loi électorale de 1992 stipule qu'un citoyen ne peut perdre ses droits politiques que s'il est condamné ou en libération conditionnelle. Ainsi, la détention des dissidents lors des élections permet au PCC de les empêcher légalement de se présenter comme candidats et ainsi mieux cadrer le paysage politique.

En verrouillant les élections municipales et en limitant les percées de l'opposition, le gouvernement s'assure de l'homogénéité de la composition de l'Assemblée nationale et du monopole du PCC.

En verrouillant les élections municipales et en limitant les percées de l'opposition, le gouvernement s'assure de l'homogénéité de la composition de l'Assemblée nationale et du monopole du PCC. Par cette organisation, on ne laisse aucune place pour l'opposition dans le système électoral cubain.

Un successeur désigné

Malgré tout, ces élections sont historiques, car elles représentent le transfert du pouvoir des frères Castro vers une nouvelle personnalité politique. Néanmoins, bien que cette nouvelle présidence pourrait laisser envisager un renouveau politique, elle s'apparente plus à une succession de tutelle dans le contexte cubain.

En effet, âgé de 86 ans, Raúl Castro devrait céder sa place en avril prochain, mais il demeurera tout de même à la tête du Parti communiste cubain jusqu'au prochain congrès du parti prévu pour 2021. Le numéro deux du gouvernement, l'ingénieur Miguel Díaz-Canel, né après la révolution et âgé de 57 ans est pressenti pour succéder aux Castro à la tête du pouvoir. L'intéressé œuvre d'ailleurs à assurer son élection. En effet, une vidéo filmée en caméra cachée lors d'un événement privé du parti communiste montre Diaz-Canel discutant des plans de répression contre les médias indépendants, les entrepreneurs et les groupes d'opposition qui chercheraient à gagner des places au sein des conseils municipaux.

Díaz-Canel, fort d'une absence totale d'opposition au conseil municipal suite aux élections partielles, voit ainsi ces chances augmenter pour briguer un premier mandat à la présidence cubaine. Son accession à la présidence du gouvernement apparait comme une désignation par le président du PCC, Raúl Castro.

Fonctionnaire de carrière et influent dans l'échiquier politique, il devra, s'il est élu, poursuivre « l'actualisation » du modèle économique cubain sous la tutelle de Raúl et négocier les ententes américano-cubaines avec le gouvernement Trump.

Un contexte diplomatique américano-cubain défavorable à un désenclavement économique de l'île

En 2014, Raúl Castro et Barack Obama avaient signé des ententes de « normalisation » progressive des relations entre Washington et La Havane. Ces ententes avaient pour objectif de renouer les liens diplomatiques entre les deux pays figés depuis 1962, tout d'abord, par la réouverture d'une ambassade américaine à La Havane et ensuite par la levée progressive des sanctions de l'embargo commercial à moyen terme.

Toutefois, depuis l'arrivée de l'administration Trump au pouvoir, les négociations prennent du retard, et les positions des deux États n'aboutissent pas à un consensus. Dans ce sens, les déclarations récentes des deux futurs acteurs concernés en sont représentatives. Donald Trump a affirmé aux Nations Unies que : « Les sanctions américaines ne seraient pas levées tant que l'île des Caraïbes n'aurait pas instauré un système démocratique et capitaliste ». Pour sa part, Miguel Díaz-Canel a déclaré : « Cuba ne fera pas de concessions sur sa souveraineté ou son indépendance, ne négociera pas ses principes et n'acceptera pas qu'on lui impose des conditions ».

Ce nouveau paysage politique international remet en cause les ententes de Raúl Castro et Barack Obama, fragilisant ainsi la « normalisation » des relations diplomatiques entre les deux pays.

Ce nouveau paysage politique international remet en cause les ententes de Raúl Castro et Barack Obama, fragilisant ainsi la « normalisation » des relations diplomatiques entre les deux pays. Par voie de conséquence, bien que ce climat diplomatique soit défavorable à l'économie cubaine, il offre un terreau favorable aux lignes du PCC en minimisant les interactions et les relations entre l'île et d'autres pays dans le monde. En effet, ces décisions de mettre un frein à l'ouverture de Cuba viennent renforcer le gouvernement en place à Cuba qui a toujours désigné l'embargo américain comme la cause de tous les maux du pays.

En guise de conclusion, il est difficile de penser que ces élections peuvent mener à un changement important de la politique cubaine dans ce contexte. Premièrement, le système électoral cubain ne laisse que très peu de place à un renouveau politique. Deuxièmement, le successeur pressenti à la présidence est l'héritier idéologique de la pensée révolutionnaire castriste et de ses méthodes de contrôle électorales. Troisièmement, depuis son élection, Donald Trump a freiné les mesures d'ouverture des États-Unis envers Cuba qui auraient pu mener à un renouveau sur l'île. En définitive, les élections cubaines tendent à soutenir la ligne directrice du gouvernement précédent et à représenter un « changement dans la continuité ».

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