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Les écoles catholiques ont la cote... pas toujours pour la religion

Un nombre croissant de jeunes fréquentent des écoles privées confessionnelles, mais ce fait cache des réalités plus complexes.

Le débat actuel sur la laïcité s’articule beaucoup autour de la place des symboles religieux dans nos écoles publiques. Mais il existe aussi une partie du réseau privé où les fondements mêmes de l’école reposent sur des principes religieux. Le HuffPost Québec a tenté de connaître l’ampleur du phénomène et le rôle de la religion, tant dans les écoles catholiques que dans celles desservant les communautés minoritaires.

Un nombre croissant de jeunes fréquentent des écoles privées confessionnelles, surtout catholiques. Mais ce fait cache des réalités plus complexes, selon les témoignages recueillis par le HuffPost Québec.

Selon Frédéric Castel, chargé de cours au département des sciences de la religion de l’UQÀM et expert en sécularisation, environ un élève sur dix fréquentait une école confessionnelle en 2011, dernière année pour laquelle de telles données sont disponibles. Il s’agit d’une légère augmentation par rapport à 2001, et tout indique que le phénomène a continué à prendre de l’ampleur depuis.

L’augmentation est observable dans plusieurs groupes, mais l’effet le plus fort provient des écoles catholiques. Les quelque 76 900 élèves inscrits représentent 12% des catholiques en âge d’aller à l’école, contre 8% en 2001

Crédit: Infogram.com

Mais selon M. Castel, ce chiffre est loin d’être le signe d’une ferveur religieuse accrue.

«Dans le cas des écoles catholiques, compte tenu qu’il y a un vaste réseau qui couvre le territoire non seulement des grandes villes mais de toutes les régions, on peut croire que l’augmentation n’est pas le fait que des seuls catholiques, mais qu’il y a présence dans ces écoles de gens issus d’autres religions. Parce que l’école est plus proche de chez eux, ou c’est la seule école privée qui est proche dans tel ou tel village par exemple», dit-il en entrevue.

D’autant plus que certaines des écoles les plus réputées du Québec sont de tradition catholique, comme le Collège Jean-de-Brébeuf, fondé par les Jésuites en 1928. Contactées par le HuffPost, plusieurs d’entre elles affirment avoir cessé les activités de nature religieuse comme la prière et la pastorale. Elles sont prisées par les élèves de toutes les confessions.

Des enseignants en soutane

Certaines écoles demeurent toutefois réservées aux catholiques. Elles conservent souvent des références aux «valeurs chrétiennes» sur leur site web ou dans le projet éducatif soumis au ministère.

La plus conservatrice - dans le sens de conservation des traditions - de ces établissements est l’École Sainte-Famille. Elle a été fondée dans les années 1990 par la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, un groupe qui rejette la modernisation entreprise au sein de l’Église catholique à partir du Concile Vatican II, dans les années 1960 et 1970.

L'abbé Olivier Berteaux, directeur de l'école Sainte-Famille.
Crédit: Emmanuel Leroux-Nega
L'abbé Olivier Berteaux, directeur de l'école Sainte-Famille.

«[À l’époque], beaucoup de monde se trouvent perdus, notamment des familles qui ne se retrouvent plus dans les changements. Et ces familles ont des enfants et ne savent plus vers qui se tourner. Les parents demandent à la fraternité des écoles pour que leurs enfants puissent recevoir un enseignement qui ne dissocie pas la foi et l’enseignement. Où la foi n’est pas quelque chose d’étrange dans la vie», affirme l’abbé Olivier Berteaux, directeur de l’École Sainte-Famille.

Dans cette école, certains cours sont donnés par des prêtres en soutane ou des religieuse en costume traditionnel. Une prière est prononcée au début et à la fin du cours, ainsi qu’au repas.

Et la messe se fait en latin, même si les élèves les plus jeunes ne parlent pas cette langue.

«Le latin n’est pas un obstacle à la compréhension qu’il y a un mystère. Au contraire, il est... c’est un vecteur qui nous rappelle en permanence qu’il y a quelque chose de mystérieux, sacré, qui nous dépasse»

Anne Théberge a inscrit deux enfants à l’école Sainte-Famille. Elle estime que la présence d’écoles confessionnelles est nécessaire.

«C’était important pour nous que l’école soit catholique. Mon mari et moi, on pratique à tous les jours et c’était à nos valeurs qu’on voulait transmettre à nos enfants», dit-elle en entrevue.

«Notre foi nous suit partout. Notre foi est partie intégrante de nous mêmes. Donc je ne vois pas l’intérêt ni la nécessité que l’école soit laïque», ajoute-t-elle.

Les religions en recul pour tous les groupes

La situation à l’École Sainte-Famille demeure marginale. Même que, selon M. Castel, de moins en moins de gens s’identifient à une religion donnée. Un phénomène qui touche toutes les religions et tous les groupes ethniques du Québec.

“Depuis 10 ans, on constate un affaiblissement de la proportion de gens qui s’identifient à la religion de leurs parents. Et ça c’est toutes religions, tous groupes ethniques confondus.”

- Frédéric Castel

M. Castel publiera bientôt un article à cet effet dans un ouvrage scientifique.

Semblablement, la Fédération des établissements d’enseignement privé (FEEP) sonde ses élèves aux dix ans concernant leur appartenance religieuse. Entre 2001 et 2010, la proportion d’élèves sans religion est passée de 10% à 30%. Un nouveau coup de sonde sera effectué l’an prochain.

L’abbé Berteaux espère toutefois que la question de la laïcité ne chasse pas entièrement la religion, toute confession confondue.

«Je ne suis pas sûr encore une fois que l’éradication de la dimension religieuse soit la réponse à apporter. Et je pense que ce serait une erreur aussi d’avoir peur. [...] S’il y a des difficultés, est-ce qu’elles sont vraiment traitées en les faisant disparaître? S’il y a, je dirais, un discours qui est différent du vôtre, est-ce que c’est en l’aseptisant, en lui ne lui donnant plus voix au chapitre qu’on apporte une solution?», demande-t-il.

Il existe 97 écoles catholiques au Québec. Au moins 41 autres institutions desservent les communautés minoritaires, comme les protestants, les juifs, les Arméniens apostoliques et les musulmans.

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