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L’école alternative de mon fils a guéri mes blessures d’enfance

Malgré les sacrifices qu’il en coûte à sa famille, Justine Rastello-Gralepois n’a jamais regretté son choix…
«Ce système, dans lequel règne une compétition implicite, et où l’on teste tes connaissances, a cassé le désir d’apprendre de mon fils.»
@celinechhuonphotography
«Ce système, dans lequel règne une compétition implicite, et où l’on teste tes connaissances, a cassé le désir d’apprendre de mon fils.»

L’ancienne Montréalaise et maman de trois enfants en bas âge Justine Rastello-Gralepois ne pensait pas que scolariser son plus grand dans une école alternative allait avoir autant de conséquences positives sur la vie de sa famille. Et pourtant.

Non seulement partir à Val-David a permis à son mari chef de cuisine de se rapprocher des producteurs québécois et à ses enfants de grandir près de la nature, mais ce déménagement a aussi su guérir ses blessures de petite fille.

«Je n’ai pas trouvé ma scolarité épanouissante, et j’appréhendais grandement de mettre mes enfants à l’école, témoigne la journaliste pigiste, enceinte d’un quatrième enfant. Mais aujourd’hui, ils sont moins stressés quand ils rentrent de l’école, et moi, ça m’a libérée de certains blocages que je pouvais avoir petite.»

Cassé par le système traditionnel

Il faut dire que Justine n’a pas vraiment apprécié le passage de son fils de huit ans, Iñaki, au sein d’une école publique internationale.

«Il a été tiré au sort pour intégrer cette école. On n’était pas convaincus, mais on s’est dit: on va essayer», explique la maman qui habitait alors dans le quartier Outremont.

Rapidement, elle se rend compte que la structure même de l’école l’empêche de s’impliquer comme elle le voudrait dans les apprentissages de son fils.

«Déjà, en tant que parent, tu ne peux pas rentrer dans la cour, tu communiques via un interphone, c’est une barrière physique. Mais en première année, j’ai capoté par rapport à la manière d’intégrer les apprentissages intellectuels.»

À cette époque, il n’était pas rare que le petit Iñaki rentre à la maison, découragé, lançant un: «J’ai fait deux fautes à ma dictée, je suis trop nul!» D’autres fois, il se plaignait: «Maman, tu disais que l’école est trop cool, mais en fait, je dois rester assis toute la journée!»

Partir à Val-David permet à ses enfants de grandir près de la nature.
Courtoisie
Partir à Val-David permet à ses enfants de grandir près de la nature.

Au fil du temps, elle voit l’estime de son enfant chuter comme jamais, alors qu’il est d’ordinaire «curieux, sans problème» et doté d’une excellente mémoire, précise la femme de 36 ans.

«Ce système, dans lequel règne une compétition implicite, et où l’on teste tes connaissances, a cassé le désir d’apprendre de mon fils. Les enfants y répètent parfois 10 fois ce qu’ils connaissent déjà, c’est frustrant pour tout le monde. Et je lui dis quoi? Il faut le faire parce qu’il faut le faire? Il faut que tu te conformes? Tu vas passer toute ta vie comme ça? À six ans, c’est super plate. Ce n’est pas du tout épanouissant. Après on va lire dans les journaux que les enfants sont stressés, qu’ils n’ont pas d’estime d’eux-mêmes, qu’ils ont un TDAH...»

Une vision globale du développement de l’enfant

L’idée des écoles Waldorf, articulées autour d’une pédagogie alternative développée par Rudolf Steiner dans les années 1930 en Allemagne, est de ne pas épuiser les enfants avec les enseignements intellectuels, explique la trentenaire.

«Au contraire, les professeurs vont suivre les différentes étapes du développement naturel de l’enfant, avec des jeux d’imagination, du dessin, et ce, de façon très libre. L’objectif est de développer l’enfant dans son intellect, dans son physique et dans son émotionnel, mais en gardant une vision globale».

Dans cette approche, les journées des enfants sont découpées selon leurs moments d’éveil, et pas selon «l’horaire des adultes», dit Justine.

“Les mathématiques sont enseignées différemment: les enfants utilisent leur corps, ou apprennent les tables de multiplication en se lançant des balles.”

- Justine Rastello-Gralepois

L’après-midi, les enfants font du plein air, mais aussi des travaux manuels comme de la céramique, des aquarelles, ou du tricot.

«Quand ils utilisent des patrons, ils font de la géométrie! Quand ils vont à l’extérieur, ils font de la biologie! Avec les aquarelles, par exemple, l’idée est de montrer le beau aux enfants, leur donner confiance et leur montrer que le monde est plein de belles choses.»

Aquarelle réalisée par le petit Iñaki.
Courtoisie
Aquarelle réalisée par le petit Iñaki.

Les enfants apprennent également en lisant beaucoup de poésie, et non pas à travers l’utilisation répétée des sons bruts comme le -ch ou le -t. L’idée, explique Justine, est de donner du sens aux apprentissages.

«Dans le système traditionnel, en première année, tu vas apprendre l’écriture attachée. Nous, on commence à peine les lettres, les attachées c’est en troisième année. Avant cet âge, l’enfant développe son corps, et à sept ans son corps est prêt à accueillir une approche plus intellectuelle. C’est alors là qu’il peut commencer l’écriture et la lecture.»

Pour autant, Justine tient à préciser qu’elle n’est pas du tout contre le système public.

«Chaque personne fait de son mieux là où elle se trouve. C’est correct de ne pas vouloir de la pédagogie alternative. Avant, j’étais plutôt du genre à penser: école publique, école pour tous. Mais j’ai réalisé que l’école Waldorf partageait la même vision de société que moi», dit celle qui est même devenue la présidente du Conseil d’administration de l’école.

Aucune évaluation, davantage de bien-être

Depuis un an et demi, le petit Inaki n’a donc plus de dictée, et, surtout, il n’a plus conscience d’être évalué. Et sa maman est convaincue d’une chose: le fait de ne plus être testé a eu un énorme impact sur son désir d’apprentissage.»

“Maintenant mon fils n’est plus angoissé. Nous avons écouté un mal-être qu’il pouvait avoir.”

- Justine Rastello-Gralepois

Pour autant, cela ne signifie pas que tout est facile, et qu’il n’y a pas de défis, pas de cadre ou de règles, poursuit la maman qui rencontre régulièrement la professeure de son fils.

«Elle m’explique quels sont ses défis et comment je peux l’accompagner pour les surmonter. Le sien, par exemple, c’était le dessin. Pour moi, c’est intéressant de suivre mon enfant dans ses besoins particuliers. On ne s’en rend pas forcément compte, mais on aime tous apprendre, et on apprend aussi beaucoup de nos enfants! Et maintenant, je peux bénéficier de ses apprentissages.»

Une année scolaire coûte 6800 dollars par enfant.
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Une année scolaire coûte 6800 dollars par enfant.

Autre point positif: lors des rencontres parents-professeurs, les parents sont mis dans la peau de leurs enfants, et doivent réaliser un de leurs exercices en classe.

«Je rentrais et je lui disais: ce n’est pas facile de faire ton dessin! Et il me répondait: attends, je vais te montrer ma technique. Nous avons retrouvé le plaisir de faire les devoirs ensemble», explique Justine.

Le prix à payer

Évidemment, une telle école a un coût. Qui peut être élevé. Une année scolaire coûte ainsi 6800 dollars par enfant.

La famille n’hésite pas à faire des sacrifices pour pouvoir payer cette école à leurs enfants.

“On préfère investir le plus possible dans les débuts de leur apprentissage plutôt que de mettre de l’argent de côté pour des études universitaires qu’ils n’auront peut-être pas envie de faire.”

- Justine Rastello-Gralepois

D’ailleurs, tout le monde s’implique pour rendre les choses possibles, dit-elle. Les salaires des professeurs commencent à 35 000 dollars. Et des collectes de fonds pour aider les familles à payer la facture sont organisées. Lors de la plus récente, son mari a cuisiné pour tout le monde et ils ont réussi à récolter pas moins de 15 000 dollars.

«On aimerait que tout le monde puisse y avoir accès, explique Justine, dont le voeu est de voir se développer l’offre éducative au Québec.

«C’est ça mon cheval de bataille aujourd’hui: comment rendre cette pédagogie plus accessible au monde qui le veut?, dit-elle. Alors oui c’est sûr qu’on est chanceux de pouvoir se poser cette question, c’est sûr que c’est un peu bourgeois, propre à notre classe sociale et à notre génération. Mais je ne veux pas perpétuer un système d’inégalités, et c’est pour ça que je veux rendre tout ça accessible à tous aujourd’hui.»

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