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Écoanxieux et militant: «C'est l’angoisse qui me pousse à agir»

Quand j’ai réellement compris l’enjeu de la crise climatique, je n’arrivais plus à dormir.
Tristan Pérez (Crédit: Mathilde Desruisseaux)
Mathilde Desruisseaux
Tristan Pérez (Crédit: Mathilde Desruisseaux)

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

J’ai ressenti les premiers symptômes de mon écoanxiété il y a un an. Avec des amis, on se demandait si on voulait avoir des enfants dans la vie et j’ai eu une prise de conscience. Je ne pouvais pas concevoir l’idée d’en avoir dans un contexte où l’état de la planète est critique, et sachant que bientôt ce sera pire. C’est assez spécial parce qu’avant, je ne vivais pas d’anxiété face à l’avenir de la planète. Je n’avais aucune conscience de ce qui se passait autour de moi. Dans la vie, je faisais ce dont j’avais envie sans considérer les impacts.

Durant cette période où j’ai commencé à avoir des prises de conscience, je voyais passer sur Facebook des vidéos avec les portes-paroles de Pour le futur Montréal, La Planète s’invite à l’université et du Pacte pour la transition. J’ai réalisé qu’il était en train de se passer quelque chose et j’ai voulu agir moi aussi. C’est à partir de là que j’ai commencé à m’informer de plus en plus.

C’est aussi à ce moment que j’ai vécu mes premières sensations d’anxiété. Quand j’ai réellement compris l’enjeu de la crise climatique, je n’arrivais plus à dormir. J’avais beaucoup de misère à fonctionner au quotidien.

Avant de me coucher, je lisais des articles pour me rassurer. J’avais besoin de collecter le plus d’information possible pour avoir un portrait clair de la réalité des changements climatiques. J’étais tellement anxieux, ça me rendait malade. J’étais aux études en même temps. C’était problématique parce que j’avais de la misère à me concentrer à l’école et au travail. M’informer sur le sujet, ça devenait une dépendance.

“M’impliquer dans la cause atténue mon anxiété. C’est comme si je mets un pansement sur le bobo, mais ça ne le guérit pas nécessairement.”

J’ai finalement réussi à sortir de ce cycle-là quand j’ai réalisé que je pouvais agir pour la planète moi aussi. Par contre, maintenant que je sais que j’ai un pouvoir, c’est un autre type d’anxiété qui a pris le dessus. Je sens qu’il faut que je performe, que je participe au plus grand nombre de projets possibles, que je m’investisse dans tout en même temps. Ça rend ma vie difficile, d’une certaine manière, mais en même temps je me dis que je fais la bonne chose.

M’impliquer dans la cause atténue mon anxiété. C’est comme si je mets un pansement sur le bobo, mais ça ne le guérit pas nécessairement. Je faisais partie des organisateurs de la marche du 27 septembre à Montréal. Maintenant que c’est passé, le stress est tombé, mais je me suis vite demandé dans quels projets j’allais investir du temps. C’est assez fatiguant. Mais il faut que je fasse quelque chose. En fait, si je n’étais pas écoanxieux, je pense que je ne ferais rien pour la cause. C’est l’angoisse qui me pousse à agir.

J’ai l’impression que tout le monde va se réveiller trop tard et qu’on va devoir changer encore plus drastiquement notre mode de vie. Quand je pense à mon futur, je me dis qu’on me l’a enlevé.

Nastco via Getty Images

De l’anxiété partout, tout le temps

Mon écoanxiété se manifeste surtout quand vient le temps de consommer. Je deviens paranoïaque en quelque sorte. Je me pose une tonne de questions. Récemment, je me suis acheté un sac à dos et des bottes. Pour chaque item, j’y ai pensé pendant cinq jours en me promenant dans la maison et en me demandant si j’en avais vraiment besoin. Quand j’y pense, c’est stupide toute cette réaction pour un sac à dos. Je trouve ça difficile de devoir vivre avec ces questions et ces réflexions qui reviennent tout le temps dans ma tête.

C’est contraignant dans ma vie. Mais d’une certaine manière, je me sens mieux comme ça. Sinon, j’agirais de façon inconsciente, avec les impacts que ça implique pour la planète.

Je voulais partir en voyage en Europe cet été. Au final, je me suis dit que je ne pouvais pas prendre l’avion. Ça ne me tente pas, je sais quelles sont les conséquences sur l’environnement. Je trouve ça difficile parce que j’aime beaucoup voyager, mais je me restreins.

Pour ce qui est de l’alimentation, petit à petit, sans le vouloir nécessairement, je suis devenu végétarien. Quand je me retrouve devant de la viande, je me sens trop mal. Et encore là, j’ai un débat intérieur parce que je me dis que je ne peux pas non plus jeter cette nourriture-là. Avant, j’étais un grand mangeur de viandes, j’aimais vraiment ça. Tout ça, ça me rend fou. Mais je me dis qu’il le faut. C’est le genre de combats qu’on doit mener.

“Pour garder espoir, je m’accroche aux gens. À travers ce combat-là, je rencontre tellement de belles personnes.”

Je suis finissant en gestion de commerces au collégial. Quand je me suis inscrit dans ce programme, je voulais ultimement travailler en restauration. Aujourd’hui, travailler dans ce domaine n’est plus dans mes plans.

Quand je pense à mon avenir, je vois ça vraiment noir. Je suis pessimiste. Je sais qu’il est trop tard, mais malgré ça, je sais qu’il faut agir. Surtout quand je pense à ceux dans le monde qui n’ont pas le luxe d’avoir une voix et de pouvoir agir concrètement. J’ai de la peine pour ces gens-là.

Pour garder espoir, je m’accroche aux gens. À travers ce combat-là, je rencontre tellement de belles personnes. C’est formidable, on crée de beaux liens. Malgré la crise, la bonté ressort à travers nos actions. C’est pour ça que naturellement, on retourne à la base de ce qu’on est, des humains. En s’impliquant, on se rassemble, on crée une communauté et je suis heureux d’en faire partie.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

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