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Le durag de Rihanna en couverture de «Vogue» est tout sauf anodin

La chanteuse offre à l'accessoire capillaire, stigmatisé et diabolisé par certains depuis des décennies, une visibilité historique.

N’en déplaise à Drake, Rihanna n’a pas besoin d’un nouvel album pour faire parler d’elle. Quelques jours après avoir dévoilé un morceau inédit en collaboration avec le rappeur canadien PARTYNEXTDOOR, l’interprète de Kiss it Better fait désormais la couverture de l’édition du mois d’avril du Vogue britannique, dévoilée ce lundi 30 mars.

Les clichés ([il y en a deux) ont été pris par le photographe Steven Klein. Les yeux rivés sur l’objectif, la chanteuse porte un ensemble Burberry sur l’un, une veste Maison Margiela sur l’autre. Dans les deux cas, un foulard retient ses cheveux. Pas n’importe lequel, c’est un durag.

Rihanna en est coutumière. Le modèle qu’elle avait choisi aux CFDA Fashion Awards de 2014 était orné de cristaux. En 2016, lors de sa prestation aux MTV VMA, il était long, très long. Celui qu’elle porte ici a aussi son originalité. «Est-ce qu’un jour je me suis dit qu’un durag pourrait être en Une de Vogue? Non, chers lecteurs, ça ne m’était jamais arrivé», confie son rédacteur en chef, le styliste Edward Enninful, dans l’édito.

Des origines anciennes

«C’est un symbole fort dans la vie des Noirs, d’autoprotection, de résistance et d’authenticité. Il occupe une place importante dans la culture populaire. Pourtant, il est rarement vu à travers le prisme de la haute couture», précise le connaisseur.

En 2014, Chanel s’y essaye, en vain. Ses prototypes ne passent pas. On reproche à l’enseigne de la rue Cambon de se servir d’un élément du vestiaire d’une culture habituellement snobée par la mode, comme le souligne à l’époque le Los Angeles Times. Accusée d’appropriation culturelle, la marque les retire de la vente.

L’origine du durag est ancienne. Elle date du XIXe siècle, à l’époque de l’esclavage. Certains racontent qu’il a été utilisé pour permettre aux femmes de s’attacher les cheveux. Ce n’est pas certain. «[Son] but ultime [...], lorsqu’il a été conçu pour la première fois, n’était ni le choix ni la fonctionnalité. Il a été imposé comme une méthode pour supprimer la beauté des femmes noires et distinguer leur statut inférieur d’ouvrières», indique Vogue.

Défini, selon le dictionnaire Webster, comme un morceau de tissu serré et extensible qui se porte sur la tête, muni de longues extrémités à nouer dans le dos, il permet, par exemple, aux femmes et aux hommes de préserver les ondulations de leur coiffure. Il comprime les cheveux et les maintient en place.

Un accessoire «diabolisé»

50 Cent, Jay-Z, Nelly... Depuis les années 1990, le durag prend une autre dimension. Certains rappeurs américains se mettent à le porter en dehors de chez eux. Ils en font un accessoire de mode et un symbole du hip-hop, au point qu’Eminem, qui n’en avait jusque-là pas besoin, se prend lui aussi d’amour pour l’objet.

«À cause de la perception des hommes noirs de [ce milieu musical], ce quelque chose essentiel qui était utilisé pour protéger nos cheveux est soudainement devenu un truc de “gang” ou de “voyou”», commente la DJ britannique Tiffany Calver dans Vogue.

Comme aux États-Unis, où le port d’un durag est interdit dans certains lieux publics, on confère à tort à cet accessoire capillaire une interprétation criminelle. «Ils ont été diabolisés», concède Emma Dabiri au magazine. L’autrice du live Don’t Touch My Hair (en français, Ne touchez pas mes cheveux) rappelle que les objets utilisés par les personnes caucasiennes, comme le traditionnel serre-tête, n’ont jamais reçu de tel traitement.

Elle poursuit: «N’est-il pas ironique que les mêmes institutions qui décrètent que nos cheveux sont sales, désordonnés et inappropriés pour travailler interdisent les durags, dont l’usage s’étend également à la conservation plus longue de l’apparence des cornrows

Des cheveux stigmatisés, partout

Le cheveu afro est chez les femmes noires, comme les hommes, encore une source de stigmatisation. Un jeune Texan a récemment été menacé d’exclusion de son école secondaire s’il ne coupait pas ses dreadlocks jugées trop longues. Une ancienne présentatrice de la chaîne de télé américaine E! News avait jugé celles de Zendaya, aux Oscars en 2015, «inacceptables». Dans ce contexte, au mois de juillet 2019, la Californie est devenue le premier État à interdire toute forme de discrimination «raciale fondée sur les cheveux».

«Je pense que les violences policières sont particulièrement sévères aux États-Unis, note Rihanna, mais le racisme est présent partout.»

«C’est la même chose [au Royaume-Uni]. Soit il est flagrant, ce qui devient de plus en plus la norme, soit il est sous-jacent, c’est-à-dire que les gens ne savent même pas qu’ils le manifestent, poursuit Rihanna. Vous savez, c’est juste une couche subconsciente qui est intégrée à leur noyau entier.» Elle n’a pas dit son dernier mot.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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