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Ils sont drag, trisomiques et célèbres

Trois membres de la troupe britannique Drag Syndrome seront en spectacle ce vendredi dans le cadre du festival Fierté Montréal.
Justin Bond, Gaïa Callas et Horrora Shebang, de la troupe britannique Drag Syndrom
Camille Laurin-Desjardins/HuffPost Québec
Justin Bond, Gaïa Callas et Horrora Shebang, de la troupe britannique Drag Syndrom

«Bébé, tu devrais vraiment venir nous voir en spectacle», lance Justin Bond, avec un clin d’oeil suggestif.

C’est ainsi que la drag king a clos la conférence de presse. Ruby Codiroli (de son vrai nom) fait partie de la troupe britannique Drag Syndrome, la première troupe de drags professionnelles vivant avec le syndrome de Down au monde. Elle a 19 ans, et lorsqu’elle ne participe pas à un spectacle en drag king, elle étudie à l’École des Beaux Arts de Londres. Vendredi, elle participera avec deux de ses acolytes à une performance dans le cadre de Fierté Montréal.

C’est la première visite de la troupe en Amérique. Mais au Royaume-Uni et ailleurs en Europe, Drag Syndrome commence à connaître beaucoup de succès. D’ailleurs, la troupe entamera après son passage à Montréal une tournée mondiale.

«Ce que j’aime le plus, c’est la transformation, confie Ruby. J’aime comment mon corps devient différent, le maquillage, les costumes...»

Ruby a découvert les drag queens et kings (comme plusieurs) en regardant la téléréalité RuPaul’s Drag Race – une sorte de America’s Next Top Model... mais de drag queens, pour ceux qui ne connaîtraient toujours pas.

Son comparse Otto Baxter (alias Horrora Shebang) aime se métamorphoser en femme sur scène, parce qu’il a l’impression d’être dans une comédie musicale. Le jeune homme de 32 ans est aussi réalisateur et acteur. Il a d’ailleurs remporté un prix d’interprétation à Cannes.

«Les gens ont l’habitude de nous dire qu’on ne peut pas faire ci ou ça parce qu’on a le syndrome de Down», explique-t-il. Pour lui, faire sa diva sur la scène est l’occasion de leur prouver le contraire.

Partout où la troupe se promène, elle reçoit beaucoup d’amour, relate son fondateur, le chorégraphe Daniel Vais. Mais évidemment, Internet oblige, ses membres reçoivent aussi beaucoup de haine.

Camille Laurin-Desjardins/HuffPost Québec

«Les gens sont habitués de voir les personnes avec des handicaps comme n’ayant pas de conscience, comme s’ils ne faisaient jamais leurs propres choix», déplore-t-il.

L’histoire derrière Drag Syndrome

La troupe Drag Syndrome a été fondée il y a environ un an et demi par Daniel Vais. Le chorégraphe à la tête de l’organisme Cultural Device, qui explore différentes formes d’art avec des personnes trisomiques, a eu une révélation alors qu’il était dans un événement où performaient des drag queens.

«J’étais avec certains de mes artistes et ils étaient très intrigués. Ils m’ont dit: ″Wow, on veut faire ça!″»

Les artistes ont donc fait de la recherche et créé leur personnage. Ils ont fait un premier spectacle pour tester ces personnages, et ç’a été un succès, raconte Daniel Vais.

«C’était vraiment époustouflant. Ils étaient réellement devenus des artistes de drag

La troupe compte actuellement sept membres, mais est en constante évolution, puisque sa popularité est grandissante.

À ceux qui seraient tentés de croire que les membres de Drag Syndrome sont forcés de faire quoi que ce soit, il insiste: «C’est complètement l’inverse!»

Des bêtes de scène

En fait, ce sont de véritables bêtes de scène, renchérit Stéphanie De Sève, une jeune réalisatrice originaire de la région d’Ottawa, qui prépare en ce moment un documentaire sur la troupe. Ce n’est pas pour rien qu’ils sont de vraies vedettes en Europe.

«Je crois que c’est d’abord parce qu’ils sont des artistes incroyables, dit Daniel Vais, les yeux pétillants. Ils apportent quelque chose de rafraîchissant. Le fait d’être drag leur donne l’occasion d’aller au-delà du handicap. Le chromosome en plus est juste la cerise sur le sundae

En ces temps où la haine et le jugement occupent beaucoup de place dans notre monde, cette fraîcheur est la bienvenue, ajoute le chorégraphe.

D’ailleurs, la réalisatrice Stéphanie De Sève, qui suit la troupe depuis près d’un an, croit que ses membres ont beaucoup à nous apprendre, nous qui avons un chromosome en moins, surtout lorsque la peur ou le doute nous empêchent d’avancer.

«Moi, chaque fois que je me demande si je suis à la bonne place, si je suis assez bonne, je pense à Ruby. Un jour, on était dans un taxi, en Suède, et elle m’a dit qu’elle serait un jour une grande danseuse, et qu’elle savait qu’elle allait réussir. Elle m’a dit: ″J’ai un beau corps, je suis bonne, et en plus, je viens de m’acheter des nouveaux souliers!″ Et je me dis que c’est comme ça qu’on devrait voir la vie.»

Drag Syndrome va changer le monde, Stéphanie De Sève en est convaincue. En attendant, la troupe tentera de conquérir Montréal, ce vendredi.

Drag Syndrome sera en spectacle le vendredi 16 août à l’Espace Casino de Montréal du parc des Faubourgs, dans le cadre de Fierté Montréal. La troupe participera également au Défilé, dimanche, en tant qu’invitée d’honneur.

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