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Destitution de Trump: pourquoi les démocrates lancent la procédure si près de la fin

Ce serait la première fois qu’une telle procédure serait lancée à deux reprises à l’encontre d’un président pendant son mandat.
Le président américaine Donald Trump le 12 janvier, à la Maison-Blanche.
The Washington Post via Getty Images
Le président américaine Donald Trump le 12 janvier, à la Maison-Blanche.

Le vice-président américain Mike Pence ayant refusé d’invoquer le 25e amendement, la perspective d’un deuxième procès en destitution pour Donald Trump se rapproche. Ce mercredi 13 janvier, les démocrates, menés par la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, devraient sans surprise voter la mise en accusation du président.

Dans l’article d’accusation, signé par au moins 180 parlementaires selon l’élu démocrate Ted Lieu, il est visé pour avoir “délibérément fait des déclarations” qui ont encouragé l’invasion du bâtiment du Capitole et d’avoir ainsi “gravement mis en danger la sécurité des États-Unis et de ses institutions de gouvernement”.

C’est la première fois qu’une telle procédure est lancée à deux reprises à l’encontre d’un président pendant son mandat. Donald Trump avait déjà été mis en accusation fin 2019 pour l’affaire ukrainienne. Une procédure au terme de laquelle il avait finalement été acquitté. C’est aussi la première fois qu’un président américain fait face à une destitution si près de la fin, l’investiture de Joe Biden étant prévue le 20 janvier. Les délais apparaissent donc très courts, alors que ce type de procédure peut prendre plusieurs semaines.

“En réalité, les démocrates n’ont pas le choix après ce qu’il s’est passé le 6 janvier. Ils sont obligés de lancer la destitution pour des enjeux de crédibilité et de stabilité de la démocratie américaine. En tant qu’élus, c’est une responsabilité qui leur incombe en parallèle de laquelle ils doivent faire face à la pression de leur électorat démocrate”, explique Tanguy Struye*, professeur de relations internationales à l’UCLouvain, spécialiste des États-Unis, joint par Le HuffPost. Au jeu de l’Histoire, il est donc important que les événements du 6 janvier ne restent pas sans réponse politico-judiciaire. Mais ce que dit l’Histoire aussi, c’est qu’il n’y a pas de précédent à cette configuration exceptionnelle.

Destitué après le 20 janvier?

Si Donald Trump quitte la Maison-Blanche sans avoir été jugé, le procès pourra-t-il tout de même se poursuivre? Un ancien président peut-il être destitué même après avoir quitté le pouvoir? “Même si cela peut aller très vite étant donné la nature de ce qu’il s’est passé au Capitole, un jugement avant le 20 janvier apparaît quand même très compliqué, mais la possibilité de poursuivre la procédure après le 20 janvier n’est pas tranchée et suscite des débats parmi les spécialistes du droit constitutionnel”, détaille Tanguy Struye.

De fait, c’est la majorité au Sénat qui décide de démarrer le procès, or celle-ci reste acquise aux républicains tant que les deux nouveaux sénateurs démocrates de Géorgie n’ont pas prêté serment. L’État du sud-est a néanmoins jusqu’au 22 janvier pour certifier les résultats de ces élections.

Dans un long article, le Washington Post a justement interrogé plusieurs spécialistes sur le rôle du Sénat et l’interprétation de l’article II de la Constitution, celui-là qui encadre la destitution. Si leurs avis divergent, une grande majorité estime tout de même que poursuivre la procédure après le 20 janvier sera dans tous les cas compliqué.

“La possibilité de condamner la conduite publique d’un ancien fonctionnaire du gouvernement par la destitution et lui interdire d’occuper une future fonction par une condamnation semble toujours relever de l’autorité de la Chambre et du Sénat”, relève ainsi Keith E. Wittington, professeur de politique à l’université de Princeton avant d’ajouter: “Toutefois, il serait très difficile de persuader le Sénat de condamner sur la base d’une telle mise en accusation, et la Chambre s’exposerait à des critiques sur un abus de pouvoir, (...) mais je ne pense pas qu’une telle mise en accusation puisse être strictement exclue constitutionnellement parlant”.

S’il n’y pas de précédent en matière présidentielle, des situations similaires ont donné lieu à des procès au Sénat dans l’Histoire. En 1876, le Sénat a estimé qu’il était dans son rôle en procédant au procès en destitution de l’ancien ministre de la Guerre, William Bar, qui venait de démissionner. Tout comme en 1797, quand la chambre haute américaine a jugé un sénateur après son expulsion.

De la même façon, sur Franceinfo, Jean-Eric Branaa, maître de conférences à Paris 2 Panthéon-Assas et docteur en civilisation américaine, rappelle le cas plus récent d’un juge américain: “Il a démissionné le jour même de sa mise en accusation. La procédure a continué parce que, ce que voulait le Congrès à ce moment-là, c’était le rendre inéligible. Et c’est bien ce que les parlementaires ont en tête actuellement aux États-Unis, c’est de rendre Donald Trump inéligible pour qu’il ne soit pas là en 2024”.

Le Sénat pour faire barrage à Trump en 2024?

Si c’est bien la Chambre des représentants qui met en accusation, l’avenir de la procédure se trouve en revanche dans les mains du Sénat. C’est lui qui décidera de poursuivre le procès après le 20 janvier et, éventuellement, de condamner. Les démocrates vont donc devoir se montrer très convaincants auprès de leurs collègues républicains.

“Peu importe que la procédure aille vite ou prenne plusieurs semaines, il faudra tout de même que deux tiers du Sénat vote en faveur de la destitution. Ce n’est pas gagné, les démocrates devront rallier 17 républicains à leur procédure. Même si plusieurs sénateurs du GOP (Great old party) se sont désolidarisés de Donald Trump, ils auront beau jeu de dire qu’il vaut mieux arrêter la procédure. Cela leur éviterait d’avoir à se prononcer dessus et donc de devoir renier complètement l’héritage et la base électorale de Donald Trump”, détaille Tanguy Struye.

Surtout ce n’est qu’après avoir jugé coupable Trump et prononcé sa destitution que le Sénat pourra se prononcer sur son inéligibilité en 2024.

Dans cette lourde procédure, il n’est pas dit par ailleurs que tous les démocrates fassent front commun, particulièrement au sein des équipes de Joe Biden. Le nouveau président élu s’est contenté de dire que la destitution relevait d’une décision du Sénat. “Joe Biden n’a aucun intérêt à ce que Donald Trump continue d’occuper l’espace médiatique au début de son mandat alors que c’est justement un chapitre qu’il cherche à clore pour réunifier les États-Unis et les Américains”, estime Tanguy Struye.

* “La politique étrangère à l’épreuve de la fragmentation” (Peter Lang), Tanguy Struye de Swielande, Valérie Rosoux, Tanguy de Wilde (dir.)

Ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.

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